Mgr Pizzaballa: «Je pense que le pire de la guerre à Gaza est derrière nous»
Le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, a affirmé début décembre 2024 garder espoir en l’avenir des chrétiens dans la région, même si aucune solution à court terme ne semble envisageable en Terre Sainte.
«Le cessez-le-feu avec le Hezbollah a également une influence sur Gaza et le Hamas, et j’ai l’impression que dans les semaines ou les mois à venir, un compromis sera trouvé», a déclaré le patriarche latin de Jérusalem Pierbattista Pizzaballa en visite au siège de l’Aide à l’Église en Détresse (AED) en Allemagne.
La fin des hostilités militaires ne sera pas la fin du conflit, a-t-il néanmoins ajouté. «Lorsque l’opération militaire prendra fin, à quoi ressemblera la vie à Gaza? Qui y restera-t-il? Il faudra des années pour rebâtir le territoire et je suis sûr que la frontière avec Israël restera fermée, alors quel sera l’avenir de sa population?»
Comment dépasser la haine?
Le patriarche latin se dit aussi inquiet du niveau de haine et de mépris ambiant. «Nous avons subi d’autres guerres, mais il y a un avant et un après le 7 octobre, parce que le type de violence qui a eu lieu et l’impact émotionnel sur les deux populations ont été énormes. Si les événements ont été une sorte de Shoah pour les Israéliens, pour les Palestiniens, ce qui s’est passé depuis est une nouvelle nakba, une nouvelle tentative de les expulser de leur terre.» Comment reconstruire, dans ces conditions, de nouvelles relations entre Israéliens et Palestiniens?
Pour le cardinal Pizzaballa, les chrétiens, qui représentent 1,5% de la population de Terre sainte, peuvent contribuer de manière privilégiée à cette reconstruction. «Nous sommes si petits et politiquement insignifiants, que nous avons la liberté d’entrer en contact avec tout le monde» pour reconnecter les gens.
Renforcer les relations entre chrétiens
Lors de la conférence de presse organisée par l’AED, le patriarche latin a toutefois reconnu que les différentes communautés chrétiennes sont elles-mêmes sujettes à des tensions. Les chrétiens arabophones constituent la majorité, aux côtés d’une petite communauté de catholiques de langue hébraïque et d’une autre de réfugiés et de demandeurs d’asile.
«Dans cette guerre, tout le monde s’efforce de diviser, nous nous battons pour rester unis. Cela n’a pas été facile (…) Après la guerre, nous devrons parler de nos différences et de notre unité. (…) Nous devons grandir dans nos relations et maintenir une relation plus profonde et plus sérieuse les uns avec les autres. »
«L’espérance est une attitude envers la vie»
Pour le patriarche, il est essentiel que les chrétiens restent en Terre sainte, malgré la grave situation politique et économique, pour «garder vivante la mémoire de Jésus sur la terre de Jésus». C’est là que réside l’espérance, et non dans une hypothétique solution politique. «L’espérance est une attitude envers la vie. (…) Lorsqu’on vit dans la foi, on est capable de voir quelque chose qui transcende, qui va au-delà de la sombre réalité.»
Partout, que ce soit à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem ou en Israël, a ajouté le cardinal, «je vois des gens merveilleux prêts à faire quelque chose pour les autres. Là où ces actes d’amour désintéressé se produisent, il y a de l’espoir, car cela signifie que quelque chose peut être changé (…) là où nous sommes, et cela me réconforte». (cath.ch/aed/lb)
Le journalisme menacé de disparition à Gaza, selon RSF
En 2024, Gaza est devenue la région la plus dangereuse au monde pour les journalistes, avec un bilan de morts plus élevé que tout autre pays depuis 5 ans. Israël, de plus, occupe le 3e rang des plus grandes prisons du monde pour les journalistes, avec 37 journalistes palestiniens derrière les barreaux.
Le rapport annuel de Reporters sans frontières (RSF), publié le 12 décembre 2024, est sans appel. Sur les 54 journalistes tués dans le monde dans l’exercice ou en raison de leur métier en 2024, un tiers l’a été par l’armée israélienne, essentiellement à Gaza. «Cette hécatombe sans précédent» est une nouvelle fois dénoncée par RSF, l’ONG de défense de la liberté de la presse.
RSF précise dans son Bilan 2024, dont le décompte est arrêté au 1er décembre, que «plus de 145 journalistes» ont été tués par l’armée israélienne depuis octobre 2023 à Gaza, dont «au moins 35 dans l’exercice de leurs fonctions».
Tout comme en 2023, son dernier rapport met clairement en cause les forces armées israéliennes. Rien qu’en 2024, «elle ont été responsables de la mort de 18 journalistes, 16 à Gaza et deux au Liban. C’est ainsi que pour la première fois depuis 2018, plus de journalistes sont tués en zone de conflit qu’en zone de paix. «Les journalistes ne meurent pas, ils sont tués. Mourir ne saurait figurer au rang des risques acceptables du métier de journaliste», s’écrie Thibaut Bruttin, directeur général de RSF, dans l’éditorial du Bilan 2024.
Depuis octobre 2023, RSF a déposé quatre plaintes pour crimes de guerre commis contre les journalistes par l’armée israélienne auprès du bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), soit les 31 octobre et 22 décembre 2023, les 24 mai et 25 septembre 2024. Y sont détaillés les cas de 16 journalistes tués et de trois blessés dans l’exercice de leurs fonctions. RSF a des motifs raisonnables de croire que certains de ces journalistes ont été victimes d’homicides intentionnels, les autres d’attaques intentionnelles contre des civils par l’armée israélienne. «Ces reporters étaient pour beaucoup identifiables et protégés par leur statut, mais ont pourtant été abattus par des frappes israéliennes ignorant délibérément les conventions internationales», précise Thibaut Bruttin.
Les plaintes mentionnent également la destruction intentionnelle, totale ou partielle, des locaux de plus de 50 médias à Gaza. LB