Des experts critiquent les examens au carbone 14

Rome: Nouveau livre sur le linceul de Turin

Rome, 17 Avril 1998 (APIC) Plus de 4 millions de visiteurs sont attendus pour voir le Suaire de Turin, exposé au public dans la cathédrale de Turin du 18 avril au 14 juin. 780’000 personnes dont d’ores et déjà inscrites, dont le pape Jean Paul II, le 24 mai. En attendant, un nouveau livre fait le point sur les recherches qui entourent ce linceul, sur une centaine d’expertises souvent contradictoires.

Les résultats des examens au carbone 14 (publiés il y a 10 ans) auxquels ont été soumis des échantillons du linceul de Turin ne représentent qu’une partie de la recherche scientifique (25 disciplines différentes). De l’avis de l’un des auteurs de cette expertise, ils ont pu être «altérés» par différents facteurs. Dans leur livre «Le linceul: Histoire d’une énigme» (»La Sindone: Storia di un enigma», Rizzoli, 296 pages.) présenté jeudi à Rome, le journaliste italien Orazio Petrosillo et l’expert en minéralogie Emanuela Marinelli ont recueilli les informations scientifiques concernant le linceul (de l’hématologie à l’histoire, etc). Il ont aussi recueilli les critiques qui se sont élevées en milieu scientifique à propos des examens au carbone 14, qui, en octobre 1988, ont daté le tissu du Moyen Age entre 1260 et 1390: rien de «définitif» disent-ils.

Mais ce qui est nouveau dans leur livre, c’est le résultat de l’examen de 15 fibres extraites d’un échantillon utilisé pour la datation par le carbone 14 et qui remet en cause cette datation. Le résultat, affirme Emanuela Marinelli, est que cet échantillon n’est pas représentatif du linceul dans son ensemble et qu’il est très «pollué». Elle explique: les analyses qui ont révélé ces deux failles ont été conduites par Alan Adler, un chimiste juif de la Western Connecticut State University de Danbury (USA). Il avait fait partie de l’équipe de 33 savants qui, en 1978, avaient déjà examiné le linceul. Il fait actuellement partie du comité pour la conservation du linceul.

L’auteur explique aussi que les résultats du test au carbone 14 sont d’autant moins certains que les échantillons sont petits. Les échantillons de 10 mm sur 70 mm, prélevés en bas du tissu, côté «face», à gauche, ont été divisés en 3 pour les laboratoires de Tucson (Arizona), de Zurich et Oxford.

Paramètres pas pris en compte

Elle ajoute que des paramètres devant être pris en compte ne l’on pas été. Or, des résultats étranges peuvent apparaître si l’on ne prend pas en compte les éléments «polluants» de l’enquête scientifique (exemple: une saturation due à un environnement pollué peut faire obtenir une date au-delà de l’an 2000). Or Emanuela Marinelli fait remarquer que l’on ne procède pas habituellement à une datation au carbone 14 sans un examen préalable de l’histoire de la pièce archéologique et de l’environnement dans lequel elle s’est trouvée de façon à déterminer s’il faut effectuer un nettoyage préalable et quel type de nettoyage il convient de faire pour pouvoir partir de données claires.

Parmi ces éléments, elle cite la présence de poussières accumulées en bas du tissu, des modifications apportées par l’eau de l’incendie de 1532 dans la cathédrale de Chambéry, la présence alors d’un reliquaire d’argent, métal qui provoque, sous l’effet de la chaleur des réactions chimiques, et enfin la présence de micro-organismes.

La «pollution» ou «contamination» due à l’incendie de Chambéry a été étudiée par le chimiste russe, Dimitri Kouznetsov. Celle due à des champignons microscopiques et à des bactéries a été étudiée par le microbiologiste américain Leoncio Garza-Valdès. Ces différentes influences ont en fait, conclut l’auteur, «apparemment rajeuni» le tissu. Et le savant américain Harry Gove, qui a effectué la datation, avoue lui-même que la «patine» due aux champignons et aux bactéries peut avoir «altéré» la datation.

Le chercheur français Jean-Baptiste Rinaudon, expert en médecine nucléaire à Montpellier, a pour sa part, explique Petrosillo, fait remarquer que lors de la formation de l’image sur le tissu les réactions atomiques auraient pu provoquer l’enrichissement du tissu en carbone 14.

Enfin, Emanuela Marinelli fait état des calculs de l’ingénieur italien de Milan, Ernesto Brunati, qui a trouvé, dans la relation des résultats du carbone 14 publiée dans la revue américaine «Nature» une donnée fausse (»falsifiée» dit l’auteur) qui était destinée à «rendre acceptable» la mesure obtenue par le test au carbone 14.

Mais le livre contient encore d’autres données scientifiques nouvelles, l’auteur en souligne trois. Celle du «pollinologue» (science des pollens) juif de l’Université Hébraïque de Jérusalem, Avinoam Danin, qui, sur la base de l’examen des pollens présents dans le tissu affirme: «Il n’y a pas de doutes qu’il provient de la Terre d’Israël».

Analyses génétiques sur l’ADN

Pour ce qui est des analyses génétiques sur l’ADN de la personne que le suaire a enveloppé, il s’agit du sang d’un homme (chromosomes X et Y; sang groupe AB), très ancien. Les analyses ont été menées par Victor Tryon de l’Université de San Antonio au Texas et à Strasbourg. Des études sont en cours pour comparer ce sang à celui du suaire conservé en Espagne à Oviedo.

Enfin, du point de vue historique, le Professeur italien Zaninotto fait état d’un manuscrit du Xe siècle attestant son existence en Turquie au VIIIe siècle. (Codex Vossianus Latinus Q69, bibliothèque de l’Université Royale de Leyden aux Pays-Bas). Il établit le lien entre le linceul de Turin et le linge autrefois conservé à Edesse. Le chercheur affirme que l’on a aussi retrouvé mention du linceul dans des manuscrits Arméniens.

Orazio Petrosillo rappelle cependant que ces nouvelles recherches ne doivent pas occulter tous les autres acquis scientifiques sur le linceul de Turin. Il les résume ainsi: il s’agit d’un tissu de lin (coûteux), de couleur bistre-doré, qui porte l’image d’un homme de 1,78 m. Les deux images de face et de dos étant opposée par la tête. Homme est barbu et ses cheveux sont retenus sur les épaules par une queue de cheval. L’image porte le décalque de nombreuses blessures (des centaines, scientifiquement répertoriées, en particulier aux pieds, aux poignets, au côté droit, à la tête, sur le dos). Il s’agit donc, de façon sûre pour les experts, d’un linceul qui a enveloppé un cadavre.

Mais les experts affirment également scientifiquement (hématologie, etc), rappelle O. Petrosillo, que le linceul n’a pas enveloppé le corps plus de 30-36 heures (pas de traces chimiques de décomposition). Seule la façon dont le corps est sorti du linceul reste inexpliquée pour le moment, sinon négativement: il n’en est pas sorti par un enlèvement «naturel»; les experts n’expliquent pas comment la netteté de l’image n’a pas été altérée par l’enlèvement du corps (pas de trace de déchirure des marques de sang).

Blessures d’un homme crucifié selon le supplice romain

Les blessures indiquent donc que cet homme a été crucifié selon le supplice romain (des milliers de crucifiés à l’époque). Mais Petrosillo ajoute, en citant le statisticien Bruno Barberis: il porte des spécificité correspondant à la spécificité du supplice infligé à Jésus selon les Evangiles. Selon l’expert, il y a une chance sur des millions pour que ce linceul, portant les marques d’un supplice si spécifique ne soit pas celui qui a enveloppé le corps de Jésus de Nazareth.

Enfin, les auteurs insistent sur le fait que dans le «camp» de ceux qui estiment que le linceul est celui qui a enveloppé le corps de Jésus de Nazareth se trouvent à la fois des incroyants, des agnostiques, des croyants d’autres confessions religieuses et d’autres confessions chrétiennes: des protestants (pourtant défiant des images).

«Ostension» du 18 avril au 14 juin

Le linceul, qui a échappé à un incendie, dû à un court-circuit, il y a un an (11 avril 1997) dans la cathédrale Saint-Jean Baptiste de Turin, sera exposé publiquement du samedi 18 avril au dimanche 14 juin dans cette même cathédrale, dans un nouveau coffret de verre de d’acier de 4,36 m de long et 1,10 de large: les dimensions du linceul). (apic/imed/ab/pr)

20 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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