Persécutés et oubliés?: un rapport alarmant sur les libertés religieuses

La fondation Aide à l’Église en détresse (ACN) tire la sonnette d’alarme sur l’intensification des persécutions contre les chrétiens à travers le monde. Aujourd’hui, un chrétien sur sept est touché par ces persécutions, et 75% des persécutions à l’encontre de minorités religieuses concernent les chrétiens.

La fondation pontificale Aide à l’Église en détresse (ACN) a publié, le 22 octobre 2024, son dernier rapport, Persécutés et oubliés?. Ce document résulte d’une étude menée entre août 2022 et juin 2024. Le rapport dresse un constat alarmant: dans les 18 pays couverts par l’enquête, les violations de la liberté religieuse à l’encontre des chrétiens ont atteint un seuil critique.

Illumination en rouge des églises
Aide à l’Église en détresse organise du 16 au 24 novembre 2024, à la RedWeek, une action internationale pour attirer l’attention sur la persécution des chrétiens dans de nombreux pays sur tous les continents. L’information, la prière et l’aide concrète aux chrétiens persécutés sont au cœur de la RedWeek. Depuis 2015, l’illumination en rouge des églises et de bâtiments publics a pour but d’attirer l’attention sur le drame de la persécution. Cette année une dizaine de paroisses de Suisse romande participent à cette action. MP

Le rapport montre non seulement l’ampleur mais aussi la diversité des actions menées contre les croyants. Les auteurs de ces actes sont des institutions étatiques ou publiques, mais aussi des groupes privés, extrémistes religieux, bandes criminelles, etc. Les arrestations et les persécutions se basent de plus en plus souvent sur des accusations de blasphème à l’encontre d’autres religions. Les persécutions peuvent concerner des expulsions, la dévastation ou la confiscation de lieux de culte, la conversion et le mariage forcés, les intimidations et les enlèvements.

Le Moyen-Orient: extinction des communautés chrétiennes

Pour ACN, la situation au Moyen-Orient demeure particulièrement tragique. En Syrie, les chrétiens, qui étaient plus d’1,5 million en 2011, ne sont plus que 250’000 aujourd’hui. En Irak, ils représentent moins de 0,5% de la population, avec une communauté réduite à moins de 200’000 personnes.

Ces chiffres témoignent d’une véritable risque d’extinction des chrétiens dans ces régions, conséquence directe des guerres, des persécutions et des exactions perpétrées par des groupes extrémistes. Cette dévastation, bien que partiellement due aux conflits internes, trouve également son origine dans des politiques de répression religieuse soutenues par des régimes autoritaires.

Les chrétiens de ces régions vivent dans une menace permanente, entre destructions de leurs églises, massacres de civils, et déplacements forcés.

L’Afrique: la montée du djihadisme, particulièrement dévastatrice pour les chrétiens

L’Afrique connaît elle aussi une montée en puissance de la violence religieuse. Le Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger, Nigeria) et le Mozambique sont particulièrement touchés par les insurrections islamistes. Les groupes djihadistes, tels que Boko Haram ou l’État islamique en Afrique de l’Ouest, mènent des attaques violentes contre les communautés chrétiennes, dont beaucoup sont situées dans des zones où elles sont minoritaires. Ces attaques ne se contentent pas de détruire des églises ou de tuer des croyants; elles entraînent également des déplacements massifs de populations et un exode des chrétiens vers des zones plus sûres.

Le rapport révèle que ces violences, bien que touchant également les musulmans et les animistes, ciblent spécifiquement les chrétiens, qui sont souvent persécutés et tués dans des contextes où les groupes islamistes cherchent à imposer un contrôle total sur les populations.

En conséquence, des milliers de chrétiens sont contraints de fuir leurs foyers, comme au Nigeria, où des massacres tels que celui de Noël 2023 à Bokkos (État du Plateau) ont dévasté des villages chrétiens. La persécution dans cette région soulève des inquiétudes majeures concernant l’avenir des communautés chrétiennes dans le Sahel, et au Nigeria, qui compte une grande population chrétienne.

Asie: harcèlement et répression systématique

En Asie, les chrétiens sont souvent considérés comme des citoyens de seconde zone. En Inde et au Pakistan, la montée de l’intolérance religieuse entraîne une multiplication des attaques contre les chrétiens et leurs églises. Les témoignages recueillis font état de violences physiques, de discriminations sociales, mais aussi de mariages forcés et d’enlèvements de jeunes filles chrétiennes. La situation est particulièrement grave en Inde, où des mouvements nationalistes hindous lancent régulièrement des campagnes violentes contre les minorités religieuses, en particulier les chrétiens.

Dans des pays comme la Chine et la Corée du Nord, la répression est encore systématique. Le gouvernement chinois impose un contrôle et des restrictions sévères sur les Églises et les activités religieuses. De nombreuses églises clandestines sont démantelées, et les chrétiens subissent des emprisonnements arbitraires. En Corée du Nord, les chrétiens sont persécutés de manière particulièrement violente, et il est extrêmement risqué pour toute personne de pratiquer sa foi.

Amérique latine: harcèlement et exil

L’Amérique latine, en dépit de sa tradition catholique, n’échappe pas aux persécutions religieuses. Le rapport d’ACN relève que malgré une majorité chrétienne au Nicaragua, le gouvernement a intensifié la répression à l’encontre des Églises. Des dizaines de prêtres ont été expulsés, et des centaines d’ONG chrétiennes ont été fermées sous des prétextes politiques. Le harcèlement religieux est devenu une pratique systématique dans certains pays d’Amérique centrale, avec une répression de plus en plus marquée contre les voix dissidentes au sein de l’Église.

Un appel à la solidarité internationale

Face à cette situation dramatique, Aide à l’Église en détresse appelle à une mobilisation internationale pour soutenir les chrétiens persécutés. Regina Lynch, présidente exécutive d’ACN International, rappelle que l’action en faveur des chrétiens persécutés n’est pas une activité accessoire, mais une urgence humanitaire. «Aider les personnes persécutées à cause de leur foi est un acte de solidarité envers celles qui souffrent pour leur croyance, mais aussi une défense des droits humains fondamentaux et de la dignité», souligne-t-elle.

ACN insiste sur la nécessité de faire connaître ces persécutions, de dénoncer les violations de la liberté religieuse et de pousser les gouvernements à prendre des mesures concrètes pour protéger les droits des minorités religieuses. (cath.ch/com/mp)