«Le conflit au Moyen-Orient est un défi pour le dialogue interreligieux»
La prochaine Semaine des religions débutera en Suisse le 2 novembre 2024. La série d’événements interreligieux est coordonnée par l’organisation Iras Cotis. Sa directrice générale, Katja Joho, explique quel rôle a joué la guerre au Moyen-Orient dans le programme.
Barbara Ludwig, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
La Suisse organise la Semaine des religions pour la 18e fois. Quelles sont les nouveautés du programme?
Katja Joho: Une trentaine de groupes régionaux organisent la Semaine. Ils ont des besoins et des intérêts différents et donc chaque année, ils décident de la façon dont ils veulent organiser leur programme. Cela diffère selon les thèmes choisis, mais les expériences réussies se répètent et sont adoptées par d’autres organisations dans un mode de partage des meilleures pratiques.
Cette année, plusieurs thèmes ont été mis en avant. L’un est la «voix»: qui en possède une, comment elle résonne, nous parle et est entendue – y compris la voix divine. Une autre thématique concerne les enterrements et les lieux de sépulture pour les religions minoritaires. Le programme inclut en outre toujours des rencontres, des célébrations et des repas communs dans toutes sortes de configurations. Le thème de la paix est mis en exergue notamment à Lucerne. La création, l’intelligence artificielle et l’homme sont approfondis à Nidwald. Et la religion comme guide ou instrument de fourvoiement est thématisée à Soleure.
En 2022, en raison de la guerre en Ukraine, la paix était une préoccupation particulière. Pendant ce temps, le conflit au Moyen-Orient a connu une nouvelle escalade. Quel rôle cela joue-t-il dans le programme de cette année?
La question du conflit au Moyen-Orient n’est abordée que sporadiquement. Pas plus en fait que les années précédentes. Le sujet est très controversé et sensible, y compris dans le dialogue interreligieux. C’est pourquoi, il est davantage traité et débattu en interne, au sein-même des groupes interreligieux, que dans le cadre des événements publics.
«Le conseil d’administration voudrait admettre un second membre juif, pour une voix plus forte des israélites et si possible des femmes juives»
En novembre 2023, le conflit au Moyen-Orient a provoqué une rupture au sein d’Iras Cotis, liée à l’appartenance de la présidente Rifa’at Lenzin à la Société Suisse-Palestine. Ce conflit interne, qui a finalement été réglé, a-t-il laissé des séquelles?
Tant que dure le conflit au Moyen-Orient, et probablement encore après, le sujet sera très douloureux pour beaucoup de gens, en particulier ceux qui sont directement touchés. La situation est un défi et pour la coopération interreligieuse, et la chose doit faire partie d’un processus. Nous poursuivons le chemin ensemble, mais ce n’est pas facile et ce chemin n’est pas non plus exempt d’obstacles. Mais c’est précisément dans ces circonstances qu’il est le plus important de maintenir le dialogue. Je ne parlerais donc pas de séquelles, mais d’une situation qui nous met au défi.
Dans le conseil d’administration d’Iras Cotis, Jonathan Kreutner, de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), est le seul représentant du judaïsme. Quand et pourquoi l’autre personne a-t-elle quitté le conseil?
L’autre personne était David Feder, alors président de la Plate-forme des Juifs libéraux de Suisse (PLJS). Il avait déjà annoncé sa démission avant la situation difficile, parce que sa présidence arrivait à son terme à la fin du mois de novembre de l’année dernière. Il se serait de toute façon retiré du conseil d’administration d’Iras Cotis.
«La Semaine des religions est un moyen aisé de visiter des communautés religieuses et d’apprendre à se connaître»
La PLJS n’avait pas été représentée au conseil d’administration pendant plus de 10 ans avant son arrivée en 2023, et nous n’avions qu’un seul membre juif, un représentant du FSCI. La configuration actuelle n’a rien d’exceptionnel. Mais le conseil d’administration voudrait admettre à l’occasion un second membre juif, pour une voix plus forte des israélites et si possible des femmes juives.
Les cinq organisations juives qui, à l’époque, menaçaient de se retirer en raison du conflit interne, sont-elles toujours membres d’Iras Cotis?
Deux organisations juives sont actuellement en pause. L’une d’entre elles affirme qu’elle est déjà membre de l’organisation faîtière FSCI et qu’une adhésion supplémentaire serait superflue. Mais il y a aussi des raisons financières. Même si l’argument structurel est vrai, nous estimons très utile d’avoir des organisations à différents niveaux, faîtières comme régionales. La PLJS doit se pencher sur le remplacement du représentant démissionnaire, ce qui pose également une question d’appartenance.
Y a-t-il eu d’autres changements dans les organisations membres?
Il arrive que des organisations isolées se retirent, même si c’est très rare. La cotisation des membres en est d’habitude la cause. Les petites organisations ont des moyens financiers extrêmement limitées. Dans beaucoup d’endroits, les pressions sur le budget augmentent et il arrive que l’adhésion à Iras Cotis soit supprimée pour des raisons économiques.
Les nouveaux membres sont, notamment, des organisations nouvellement créées comme le Forum des religions des Grisons, Religions dans le dialogue Nidwald ou l’Association suisse de l’hindouisme. Ce sont également des églises ou des communautés religieuses qui nous soutiennent par leur adhésion et veulent garantir notre travail à long terme.
Pourquoi la Semaine des religions est-elle nécessaire en Suisse?
La Semaine des religions est un moyen très simple pour beaucoup de personnes – religieuses et non religieuses, laïques et spirituelles – d’entrer en contact avec la religion et avec des personnes religieuses. C’est un moyen aisé de visiter des communautés religieuses et d’apprendre à se connaître. La démarche favorise la compréhension mutuelle et détruit les préjugés. La Semaine des religions est nécessaire pour renforcer la cohésion religieuse et culturelle en Suisse. (cath.ch/kath/bal/rz)