Plaidoyer pour les chrétiens ordinaires
Il y a quelques années, à la rentrée, je faisais dans une classe de catéchisme la promotion de la «messe des familles» organisée par la paroisse. Fier de l’inventivité de l’équipe pastorale, j’égrenais devant les enfants les rôles qu’ils pouvaient y jouer pour honorer visiblement la «participation active» qui devait être la leur.
Ils pouvaient venir chanter dans le petit chœur, servir la messe, faire une lecture, distribuer les feuilles à l’entrée de l’église… Tous les yeux étaient fixés sur moi. Certains brûlaient de l’envie de participer; la plupart écoutaient poliment, soucieux d’être bien vus en ce début d’année.
Après un temps de silence suivant ma présentation, un petit garçon lève timidement la main pour poser question. Je lui donne la parole et il dit, pas tout à fait sûr du caractère ajusté de sa demande: «Est-ce qu’on a aussi le droit de venir juste à la messe sans faire quelque chose?».
«Il y a de nombreuses demeures dans la maison du Père. Je suis sûr que celle des ‘chrétiens ordinaires’ n’est pas la plus quelconque.»
J’ai été saisi par sa question. J’ai commencé par lui dire qu’on fait toujours quelque chose à la messe: célébrer le Seigneur avec d’autres. Mais j’ai surtout souligné qu’il avait tout à fait raison de dire que l’on pouvait évidemment venir à la messe sans occuper une fonction, si ce n’est celle d’être un baptisé au milieu des autres.
Au-delà du caractère attendrissant de cet épisode, j’y ai vu une interpellation. Habités par la bonne intention d’intégrer le plus grand nombre à la vie de l’Église (ce qui est très positif), nous risquons aussi de décourager les «chrétiens ordinaires». Dans l’expression «chrétiens ordinaires», il ne faudrait lire une quelconque condescendance. Un peu comme on parle d’un «temps ordinaire» dans la vie de l’Église, le «chrétien ordinaire» rappelle les fondamentaux. Ainsi, ce petit garçon qui redisait à tous (et à moi le premier) que l’on vient d’abord à la messe pour célébrer.
Le Concile Vatican II a promu un «appel universel à la sainteté» (Lumen Gentium 40). Il faut prendre garde que celui-ci ne soit pas traduit dans nos pratiques comme un appel à l’extraordinaire, au spectaculaire, à la radicalité systématique.
Il y a de nombreuses demeures dans la maison du Père. Je suis sûr que celle des «chrétiens ordinaires» n’est pas la plus quelconque.
Jacques-Benoît Rauscher
25 septembre 2024
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