Jakarta: le pape cosigne une déclaration commune avec le grand imam
Au troisième jour de sa visite en Indonésie, le 5 septembre 2024, le pape François s’est rendu ce matin à la Mosquée Istiqlal de Jakarta – la plus grande d’Asie du Sud-Est. Il a signé avec le grand imam une déclaration commune prônant le refus du fondamentalisme et la recherche de l’amitié entre les religions après avoir béni le «tunnel de l’amitié».
Le chef de l’Église catholique a été accueilli sous une grande tente par le grand imam Nasaruddin Umar devant l’immense édifice flanqué de son minaret de plus de 66 mètres de haut. Ouverte en 1978, la mosquée conçue par un architecte indonésien de confession chrétienne, Friedrich Silaban, peut accueillir 120’000 personnes.
Ensemble, le pape et le grand imam ont d’abord rejoint l’entrée du «tunnel de l’amitié», qui relie par voie souterraine la mosquée et la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption – visitée hier par François. Celles-ci sont situées à une centaine de mètres l’une de l’autre et forment un symbole du dialogue entre les religions. Dans un bref discours devant la petite galerie creusée en 2021, le pape a opposé «le signe de la fraternité» aux «signes de menaces». Il a enfin béni ce lieu fortement chargé symboliquement, mais encore fermé au public pour l’instant.
Le pontife argentin n’est pas entré dans la mosquée Istiqlal, véritable symbole de l’Islam dans le pays, mais a participé à une rencontre interreligieuse sur l’esplanade qui lui fait face. En présence de toutes les autorités religieuses du pays, et en particulier du grand imam Nasaruddin Umar – une personnalité centrale de la société indonésienne –, il a d’abord écouté une jeune musulmane aveugle – une hafiz, c’est-à-dire une personne capable de réciter le Coran intégralement – psalmodier d’une riche voix métallique et les larmes aux yeux une sourate, puis un prêtre qui a lu la parabole du Bon Samaritain.
Prenant ensuite la parole, le pontife a enjoint à «écarter la rigidité, le fondamentalisme et l’extrémisme, qui sont toujours dangereux et jamais justifiables». Il a souhaité que l’expérience religieuse ne soit «jamais un motif de fermeture et d’affrontement».
La racine commune de toutes les religions
Au fil de son discours, le pape a invité à ne pas se contenter «d’une courtoisie mutuelle, de quelque chose de formel». Il a recommandé pour ce faire de «regarder toujours en profondeur», pour trouver «la racine commune» à toutes les sensibilités religieuses au-delà des «aspects visibles» comme les rites et les pratiques. Les religions ont en commun «la quête de la rencontre avec le divin, la soif d’infini», a-t-il martelé.
François a aussi mis en garde contre l’écueil de «rechercher à tout prix un point commun entre des doctrines et des professions religieuses différentes», estimant qu’une telle approche peut finir au contraire «par nous diviser». «Ce qui nous rapproche vraiment, c’est de […] veiller à cultiver des liens d’amitié, d’attention», a-t-il déclaré.
Signature de la déclaration conjointe d’Istiqlal
Au terme de la rencontre, le pape François et le grand imam Umar – ainsi que des représentants du confucianisme, du protestantisme, des religions traditionnelles, du bouddhisme et de l’hindouisme – ont signé une déclaration conjointe d’une page vouée à «promouvoir l’harmonie religieuse pour le bien de l’humanité». Sur le modèle du Document pour la fraternité, signé en 2019 à Abou Dhabi par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, le cheikh Ahmed Al-Tayeb, les signataires s’engagent à aider la société à «vaincre la culture de la violence et de l’indifférence» et adoptent une position commune sur la défense de l’environnement et contre la «déshumanisation».
En introduisant cette déclaration qui s’appuie sur le Pancasila, philosophie officielle de l’Indonésie qui prône le respect entre les religions, le pape François a évoqué «les crises graves et parfois dramatiques qui menacent l’avenir de l’humanité, en particulier les guerres et les conflits». Il a déploré que ceux-ci soient «alimentés aussi par les instrumentalisations religieuses».
En Indonésie, première étape de son long voyage de onze jours qui doit le mener aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor oriental et à Singapour, le pape François visite pour la quatorzième fois de son pontificat un pays majoritairement musulman. (cath.ch/imedia/cd/ak/bh)