Un prêtre indonésien présente les timbres commémoratifs créés à l'occasion de la visite du pape François | © EPA/MAST IRHAM/Keystone
Vatican

Les six enjeux du grand voyage du pape en Asie et Océanie

Le 2 septembre 2024, le pape François s’est envolé de Rome pour un voyage de 12 jours qui l’emmènera en Indonésie, en Papouasie Nouvelle-Guinée, au Timor oriental et à Singapour. Découvrez les principaux enjeux de cette visite.

Lors de la traditionnelle conférence de presse de présentation du voyage, Matteo Bruni, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a énuméré le 30 août les principales thématiques du périple. Il a cité la paix, dans cette région encore marquée par de nombreuses «blessures»; le développement démocratique, économique et social d’un espace marqué par de grandes inégalités; la place grandissante de la technologie dans le cadre du développement actuel de la région – un domaine sur lequel le pontife s’est beaucoup exprimé ces derniers temps – ; la place d’une Église missionnaire; le dialogue interreligieux; et enfin le défi environnemental dans cette zone très riche en biodiversité.

«Dans tous ces pays, il y a encore un réel ‘travail de traduction’ de la foi catholique à effectuer» – Michel Chambon

La question de la peine de mort, en vigueur à Singapour et en Indonésie et à laquelle le pape est fermement opposée, a aussi été évoquée lors de la conférence de presse sans que Matteo Bruni soit en mesure d’indiquer quelle attitude pourrait adopter le pontife à son propos. Cela a aussi été le cas concernant une autre question délicate, celle de Mgr Belo, évêque timorais accusé d’abus sur mineurs.

À l’occasion de ce voyage en Asie-Océanie, I.MEDIA présente six enjeux clés pour comprendre ce déplacement hors norme.

La santé du pape à l’épreuve

Le pape François a décidé de réaliser le plus long voyage de son pontificat – 12 jours – à l’âge de 87 ans. Le pontife, qui est le plus âgé à se déplacer hors d’Italie dans l’histoire de la papauté, verra sa santé forcément surveillée pendant ce périple qui s’annonce éreintant.

Comme c’est le cas depuis plusieurs années, l’agenda du pape, qui se déplace le plus souvent en fauteuil roulant ou appuyé sur une canne, a été aménagé de sorte qu’il puisse régulièrement se reposer après chaque étape en avion et en hélicoptère. Cela sera d’autant plus nécessaire lors de ce voyage qui prévoit 44h de vol pour 32’000 km parcourus.

«Le pape veut effectuer ce long voyage comme un ‘acte d’humilité et d’obéissance à la mission’» – cardinal Luis Antonio Tagle

Le pontife a passé un hiver délicat d’un point de vue médical – il a eu une bronchite et une grippe qui l’ont forcé à annuler certains engagements. Cependant, sa santé semble meilleure depuis Pâques. Le pape sort d’une période estivale pendant laquelle il a pu se reposer. Comme lors des précédents voyages, il sera accompagné d’un médecin et de deux infirmiers. «Le dispositif médical est suffisant», a assuré Matteo Bruni.

Le cardinal philippin Luis Antonio Tagle a décrit la volonté du pontife d’effectuer ce long voyage comme un «acte d’humilité et d’obéissance à la mission». «Ce n’est pas un spectacle pour montrer ce dont il est encore capable», a précisé le pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation.

Des terres de mission à encourager

Chaque voyage pontifical hors d’Italie a pour but de rendre visible et sensible la mission de l’évêque de Rome, invariable et universelle malgré la diversité des formes que prend le catholicisme autour du monde. Cette dimension prend une importance toute particulière dans les pays dont l’identité culturelle n’est pas chrétienne originellement.

Dans les quatre pays visités par le pape, le catholicisme a trouvé une place ces dernières décennies dans la société dans laquelle il évolue, au point de devenir une minorité influente en Indonésie (3%) et à Singapour (7%), un groupe religieux majeur en Papouasie Nouvelle-Guinée (27%), en même temps qu’une majorité écrasante au Timor oriental (97%).

Mais dans tous ces pays qui comptent de très nombreux missionnaires, il y a encore un réel «travail de traduction» de la foi catholique à effectuer, estime le théologien et anthropologue Michel Chambon. La venue du pape se veut une reconnaissance des efforts missionnaires accomplis dans cette direction, et un encouragement à continuer.

Le pape dans le plus grand pays musulman du monde

En visitant l’Indonésie, le pape François va se rendre pour la quatorzième fois dans un pays majoritairement musulman – soit légèrement plus d’un voyage sur cinq. Le quatrième pays le plus peuplé au monde possède la population musulmane la plus importante du globe – plus de 200 millions de fidèles – mais aussi une philosophie officielle, la Pancasila, qui défend la cohabitation pacifique des religions.

«L’Église peut trouver sa juste place et contribuer au bien de la société dans un contexte asiatique»

Le pontife trouve donc en Indonésie un terrain particulièrement fertile pour mettre en avant les principes du Document sur la fraternité qu’il a cosigné avec le grand imam d’Ahmed el-Tayyeb à Abou Dabi en 2019. Il y condamne la justification religieuse des conflits – thème important en Indonésie où certaines branches djihadistes recrutent – et appelle à la coopération des religions en faveur de la paix. La Pancasila et ce Document devraient être les deux piliers des discours interreligieux du pape, notamment lors de la rencontre dans la mosquée Istiqlal à Jakarta où sera signé un nouveau document.

Port-Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée | © Gailhampshire/Flickr/CC BY 2.0

La question de la fraternité entre religions sera aussi centrale à Singapour, ville où le catholicisme cohabite avec de nombreuses autres croyances, notamment le bouddhisme, le confucianisme et l’hindouisme. Dans la cité-État, où le dialogue interreligieux est imposé par le pouvoir politique, le pape devrait insister sur la valeur de «l’harmonie» et donc sur le fait que l’Église peut trouver sa juste place et contribuer au bien de la société dans un contexte asiatique.

À l’écoute de la population océanienne

Pour la première fois, le pape se rendra sur le continent océanien. Contrairement à son prédécesseur qui avait choisi la très occidentale Australie pour visiter cette partie du monde, le pape François a préféré la Papouasie Nouvelle-Guinée (PNG). Signe de l’importance qu’il accorde à cette étape, il s’agit du seul pays dans lequel il effectuera un voyage interne, en se rendant dans la petite ville de Vanimo qui borde l’océan Pacifique au nord du pays.

Dans cette périphérie, qui appartient à la vaste région de la Mélanésie, le pape devrait s’adresser aux nombreux autres pays de la région, notamment les îles Salomon dont les évêques font partie de la même conférence épiscopale que ceux de PNG. Des délégations des petites nations insulaires de Micronésie et de Polynésie sont aussi attendues, a confirmé Matteo Bruni.

«La domination des Églises protestantes et notamment évangéliques dans le Pacifique est un réel enjeu»

Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a affirmé que le pape pourrait s’exprimer sur certaines thématiques qui unissent ces populations, celles du développement, mais aussi de la crise écologique. La PNG est un des pays les plus riches du monde en termes de biodiversité, a encore déclaré Matteo Bruni. Une interrogation pèse cependant sur la place que le pape accordera au dialogue œcuménique lors de son séjour. La domination des Églises protestantes et notamment évangéliques dans le Pacifique est un réel enjeu pour l’Église catholique, mais n’a pas été mise en avant par le Saint-Siège en amont de la visite.

Panser les plaies du Timor

Le pape François ne sera pas le premier pontife à se rendre au Timor oriental, mais il sera le premier à le visiter depuis sa libération en 2002. En 1989, Jean Paul II s’était rendu dans un pays occupé par l’Indonésie depuis 1975. Le Saint-Siège ne voulant pas provoquer l’Indonésie, où réside une importante population catholique, le pape s’était limité à exprimer sa compassion envers le peuple timorais. Un geste apprécié dans l’île, mais timide au regard de l’engagement du clergé local auprès de la population opprimée.

«Les réponses aux questions de la presse dans l’avion sont particulièrement attendues»

35 ans plus tard, et après de nombreux épisodes de violences – dont certains survenus après la libération, notamment lors de la guerre civile de 2006 – l’Église catholique, ultra-majoritaire dans le pays, y est un acteur clé de la paix sociale. Les tensions sont aujourd’hui fortes, alors que le pays affronte une grave crise économique avec la perte programmée de ses revenus pétroliers.

Alors que le conflit fondateur avec l’Indonésie a fortement contribué à la conversion au catholicisme de la majeure partie des Timorais, le pape François devrait encourager la population à poursuivre la réconciliation dans le pays. Mais aussi à travailler ensemble pour se donner un avenir, alors que les perspectives économiques sont inquiétantes. La grande inconnue, enfin, concerne le traitement du cas de Mgr Belo, héros national et prix Nobel de la Paix accusé d’abus sur mineurs. Matteo Bruni a déclaré que les mesures prises à son encontre par le Saint-Siège en 2022 étaient toujours en vigueur, notamment la limitation de ses déplacements hors du Portugal où il réside, ce qui exclut toute présence du prélat lors de la visite.

Une conférence de presse attendue

Qui dit voyage à l’étranger, dit conférence de presse du pontife pour les journalistes embarqués dans l’avion papal. Il s’agit d’un des rares moments dont dispose la presse pour interroger le pontife sur tout type de sujets, et donne souvent lieu à des déclarations importantes.

Le pape n’a pas voyagé à l’étranger depuis septembre 2023 et son déplacement à Marseille, soit il y a près d’un an. Ses réponses aux questions de la presse sont donc particulièrement attendues. (cath.ch/imedia/cd/rz)

Un prêtre indonésien présente les timbres commémoratifs créés à l'occasion de la visite du pape François | © EPA/MAST IRHAM/Keystone
2 septembre 2024 | 17:00
par I.MEDIA
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