Le conseiller fédéral B. Jans rencontre des requérants à l’église
Le conseiller fédéral Beat Jans a participé, le 24 août 2024 à Seewis (GR), à une messe où des requérants d’asile déboutés étaient présents. Le chef du Département de justice et police (DFJP) a écouté les histoires de ces personnes et a répondu aux questions à la fois critiques et bienveillantes du responsable de la paroisse.
Regula Pfeifer, kath.ch/ traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Le jeune Kurde prend la parole au pupitre de l’église catholique de Seewis, dans les Grisons. Il vit en Suisse avec sa famille depuis deux ans et depuis quatre mois au centre de départ de Flüeli Valzeina. Ce centre est isolé, à 20 minutes à pied de l’arrêt de bus le plus proche, explique le jeune homme de 18 ans.
La centaine de personnes qui remplissent l’église ce samedi matin apprennent le quotidien du jeune Kurde. «Nous n’avons pas le droit de travailler, ni d’aller à l’école, nous vivons de l’aide d’urgence (…) Nous n’avons pas d’argent, pas de vêtements. Tous les matins, la police arrive et contrôle quelqu’un. Nous avons peur, nous sommes stressés et nous dormons mal.» Il y a un peu d’aide, souligne-t-il, une collecte de vêtements à l’église, dans laquelle ils peuvent choisir quelque chose de temps en temps, ainsi qu’une aide alimentaire, qui leur parvient une fois par semaine.
Destins de migrants
Le conseiller fédéral Beat Jans est assis sur la première rangée de bancs de l’église. Il apprend d’une jeune Afghane qu’elle souhaite rester en Suisse. Grâce au soutien de l’association ‘Miteinander Valzeina’, elle a pu suivre la 10e année scolaire. Un homme âgé – apparemment de cette même association – raconte le sort d’un Érythréen qui ne veut pas apparaître en direct par peur de représailles. Son employeur – un hôtelier suisse – veut absolument le garder. Mais le requérant d’asile n’a pas encore reçu le passeport nécessaire de l’ambassade de son pays d’origine.
Une communauté mondiale commune
Ce service religieux particulier a été organisé par le responsable de la paroisse, Lars Gschwend, en collaboration avec l’association ‘Miteinander Valzeina’. L’événement se veut ‘de solidarité’. De nombreuses personnes doivent quitter leur pays pour de multiples raisons, explique Lars Gschwend lors de la messe. «Tous font partie d’une communauté mondiale commune.»
Il pose ensuite quelques questions au public. Par exemple, qui a dans son cercle de connaissances des personnes venant de l’étranger. Presque tous se lèvent. Pour Lars Gschwend, cela montre à quel point la Suisse est déjà un pays multiculturel. Il évoque la peur répandue que l’on peut avoir de perdre quelque chose lorsque l’on a le choix de partager. Et il demande à Dieu: «Aide-nous à partager. Donne-nous le courage d’aller ouvertement les uns vers les autres.»
Faire quelque chose pour un monde plus juste
A la fin de l’office, le responsable de la paroisse invite le conseiller fédéral à s’entretenir avec lui devant l’autel. Beat Jans assure qu’il a été marqué par les valeurs chrétiennes. Dès l’école, le Bâlois possédait la volonté de «faire quelque chose pour créer un monde plus juste». Dans cette optique, il s’est engagé dans la coopération au développement. Il a suivi une formation en agriculture tropicale à l’école technique – et a ensuite travaillé pour l’ONG Helvetas en Haïti et au Paraguay.
«C’est là que j’ai réalisé pour la première fois l’importance d’un État de droit démocratique.» Car en Haïti, son collègue et colocataire a été torturé par l’armée – alors qu’il ne faisait que travailler dans le cadre d’une campagne électorale. C’est ce qui a décidé Beat Jans à se lancer en politique en Suisse et de contribuer ainsi à un monde plus juste. «Et maintenant, je suis ministre de la justice», remarque-t-il en riant – imité par l’assistance.
Formation professionnelle – aussi pour les requérants d’asile déboutés?
En tant que chef du DFJP, il est également responsable du système d’asile. Il explique aux fidèles de Seewis les accords migratoires que la Suisse a conclus avec 60 pays. Concernant la Tunisie, par exemple, des jeunes peuvent être formés professionnellement en Suisse, pendant plusieurs mois. Ils peuvent ainsi apporter leur contribution dans leur pays. Lars Gschwend demande s’il ne serait pas possible de former, de la même façon, les demandeurs d’asile déboutés pour qu’ils puissent aider ainsi leur pays d’origine. Une idée qui lui vaut des applaudissements.
En 2012, la Tunisie a accepté la réadmission chez elle de demandeurs d’asile déboutés en Suisse. Pour faire contrepoids, la Suisse a proposé de procéder à des échanges entre jeunes (18-35 ans) pour leur permettre d’effectuer des stages grâce à des visas de courte durée. De tels accords ont également été conclus avec la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Nigeria, la Serbie et le Sri Lanka.
Si la volonté politique existe, beaucoup de choses peuvent être résolues de manière humaine, admet le conseiller fédéral. Il s’adresse ensuite aux jeunes migrants assis sur le banc en face. Il les félicite pour leurs bonnes connaissances linguistiques, d’avoir réagi avec autant d’assurance et de ne pas avoir perdu espoir.
Repas délicieux préparé par des requérants d’asile
Après la messe, les personnes présentes sont invitées à un repas servi devant l’église. Il a été préparé par des personnes du centre de Flüeli-Valzeina. Certains se tiennent au buffet et servent aux personnes présentes des plats afghans, iraniens, tibétains, ou encore kurdes.
«L’intervention du conseiller fédéral était très convaincante», estime une femme âgée présente à la messe. «Il ne s’est pas montré prétentieux, mais ouvert, aimable, tout en restant sérieux». Elle se dit surprise qu’un membre du Conseil fédéral ait accepté de participer à l’événement. (cath.ch/kath/rp/arch/rz)
Isabel Vasquez: l’Église est aussi un lieu de solidarité
Isabelle Vasquez, directrice nationale du service Migratio de la Conférence des évêques suisses (CES), a également assisté à la messe à Seewis. Interrogée par kath.ch, elle déclare: «Je trouve très beau qu’une paroisse catholique organise une telle messe, à laquelle les réfugiés peuvent également participer de manière active. C’est aussi un grand signe d’ouverture que le conseiller fédéral Beat Jans vienne ici et s’exprime de façon aussi claire. Je comprends qu’il soit difficile pour lui de répondre à certaines questions. Par exemple, lorsqu’on lui demande s’il va veiller à ce que certaines décisions d’asile négatives soient réexaminées. Comme chez lui, la tête et le cœur fonctionnent ensemble, il est fort possible qu’il s’engage en ce sens lors d’une séance. L’événement d’aujourd’hui a en tout cas mis en évidence la capacité de l’Église à ne pas seulement créer des scandales, mais à être également un lieu de solidarité. Dans l’Église, il y a des gens qui s’engagent avec tout leur cœur pour que les valeurs chrétiennes soient vécues. Découvrir ce côté positif de l’Église me réjouit beaucoup.» RP