Le parti nationaliste allemand AfD devrait faire un score historique aux élections européennes de juin 2024 | © Kai Schwerdt/Flickr/CC BY-NC 2.0
International

Allemagne: au Katholikentag, l’Eglise réitère son rejet de l’AfD

A l’occasion du Katholikentag (Journée des catholiques), à Erfurt (centre de l’Allemagne), du 29 mai au 2 juin 2024, l’Eglise catholique dans le pays a réaffirmé que l’extrémisme de droite était incompatible avec la foi chrétienne. Un positionnement rendu plus urgent par le score historique que le parti nationaliste AfD devrait faire aux élections européennes.

Selon de récents sondages, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) pourrait obtenir entre 18 % et 22 % des voix en Allemagne lors des élections au Parlement européen, qui se dérouleront entre le 6 et le 9 juin 2024 . L’AfD pourrait doubler son nombre de sièges, qui passerait de neuf à environ 20, rapporte le média allemand Deutsche Welle (DW).

Dans certaines régions d’Allemagne de l’Est, des scores historiques pourraient être atteints par le parti nationaliste. C’est le cas de la Thuringe, où a eu lieu le dernier Katholikentag. Le rassemblement, qui a réuni environ 20’000 personnes à Erfurt, est traditionnellement à teneur hautement politique. Dans la perspective des européennes, l’accent de la manifestation a été mis sur les dangers liés à la montée du populisme de droite dans le pays. Dans une lettre envoyée aux participants, le pape François a également relayé la crainte de la croissance du nationalisme.

L’AfD, «incompatible» avec le christianisme

Les organisateurs du Katholikentag invitent d’habitude des politiciens de haut rang. Cette année, le président Frank-Walter Steinmeier était notamment présent. A Erfurt, plusieurs hommes politiques ont ainsi vivement remercié les évêques allemands pour leur déclaration contre le «nationalisme populaire» et l’extrémisme de droite, indique DW. Les représentants de l’Eglise ont aussi clairement signifié que les politiciens de l’AfD n’étaient pas les bienvenus lors des sessions. Les électeurs, en revanche, étaient invités à venir discuter de l’incompatibilité des positions du parti avec les valeurs chrétiennes.

L’Eglise catholique en Allemagne a récemment pris une distance historique avec l’extrémisme de droite. La Conférence des évêques allemands (DBK) a appelé en février 2024 à ne pas voter pour l’AfD. Plusieurs évêques, dont Mgr Georg Bätzing, évêque de Limbourg et président de la DBK, ont participé à des manifestations contre le parti.

Récupération «identitaire»

Les laïcs du pays avaient reçu un document de quatre pages très clair, assurant que «le nationalisme ethnique est incompatible avec l’image chrétienne de Dieu et de l’homme». Le fascicule précisait que les slogans d’extrême droite étaient «incompatibles avec un engagement professionnel ou bénévole au sein de l’Eglise». Ainsi, plusieurs organisations liées à l’Eglise, telles que Caritas Allemagne, étudient la possibilité juridique d’exclure les membres de l’AfD.

La position exceptionnellement ferme de l’Eglise allemande répond également à des tentatives de récupérations «identitaires» du christianisme. En Thuringe, notamment, des affiches promotionnelles de l’Eglise précisent que «Notre croix n’a pas de crochets» (Unser Kreuz hat keinen Haken, en référence au terme Hakenkreuz-croix gammée), rapporte DW.

Les régions d’Allemagne où les ‘sans-religion’ sont les plus nombreux sont également les plus susceptibles de voter pour l’extrême droite. «Bien sûr, il y a des catholiques parmi les électeurs de l’AfD, mais l’AfD est sous-représentée parmi les personnes engagées dans l’Eglise», assure Henning Flad, du groupe de travail ‘Eglise et extrémisme de droite’, au journal Le Temps (3 juin). «Ce parti est très fort dans les régions marquées par un fort athéisme, remarque-t-il. Les deux Eglises, catholique et protestante, sont donc un antidote à l’extrémisme de droite.»

Les néonazis disent «Odin au lieu de Jésus»

Henning Flad précise que l’Eglise a beaucoup appris de l’histoire sur le sujet. Lors de la Deuxième guerre mondiale, une partie des Eglises en Allemagne avaient en effet collaboré avec le régime hitlérien. Le Vatican et le pape Pie XII ont été critiqués pour leur «silence» face à la Shoah et à la terreur nazie. «L’AfD dit vouloir sauver l’Occident chrétien, mais elle y voit avant tout une politique orientée vers les allemands de peau blanche», relève l’expert en sciences-politiques. Dans une interview à Domradio (janvier 2024), Henning Flad ajoutait: «Les néonazis disent ‘Odin au lieu de Jésus’. Pour les néonazis, il ne s’agit absolument pas de sauver l’Occident chrétien. Pour les néonazis, la chute de l’Occident commence avec la christianisation.» (cath.ch/dw/ag/letemps/rz)

Le parti nationaliste allemand AfD devrait faire un score historique aux élections européennes de juin 2024 | © Kai Schwerdt/Flickr/CC BY-NC 2.0
3 juin 2024 | 17:34
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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