Diaconat féminin: le pape a dit non, que fait-on?
Dans une récente interview, François a dit son refus d’un diaconat féminin ordonné. L’enthousiasme synodal se trouve tout à coup sérieusement refroidi. Mais que fait-on quand on n’est pas d’accord avec le pape ?
J’avais l’intention de parler du ‘dissensus’ comme diversité créatrice dans l’Église. L’actualité m’a rattrapée, de manière à la fois sérieuse et cocasse. Il y a quelques jours, une journaliste interviewant le pape lui a demandé si «une petite fille grandissant comme catholique aujourd’hui aura l’opportunité d’être diacre et de participer comme membre du clergé dans l’Église». La réponse fut nette: «Non!».
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Les unes/uns se désespérant d’un ‘ukase’ qui semble refermer une porte que l’on voyait timidement s’ouvrir. D’autres qui ont besoin d’une stabilité structurelle et qu’angoisse le flou ouvert par les multiples revendications, se réjouissant d’une parole ferme qui coupe court au risque représenté par une assemblée synodale difficilement contrôlable.
«Le ‘non!’ de François est rude parce qu’il est péremptoire»
Mais le «non!» papal que j’avais en travers de la gorge s’est trouvé apaisé par l’intervention ô combien rafraîchissante de Roberto Benigni sur la place Saint-Pierre à l’occasion de la journée des enfants. Quel souffle divin a poussé le pape à inviter ce clown magnifique rempli d’humanité? En fou du roi, non content d’embrasser le pape sur les deux joues, transgressant les consignes qu’on lui avait données avec cette justification: «À quoi servent les baisers si on ne peut pas les donner», il rouvre toute grande la porte que François avait voulu fermer.
On ne parle plus ici d’être diacre, mais d’être pape: «Qui voudrait être pape? Levez la main!». Devant les mains levées, il les encourage à rêver: «Dans le règne de Dieu, tout est possible!». Peut-être le prochain pape se trouverait-il parmi eux. Il pourrait être Africain, Asiatique «ou une petite fille, une femme, la première pape de l’histoire. Mamma Mia, on en parlerait sur la lune!», s’est-il exclamé.
Quand le pape dit «non!», que fait-on? On rentre dans le rang? On sort de l’Église catholique? Où ne devrait-on pas plutôt dire: «Cher pape, certains sont d’accord avec toi, d’autres non. Au nom de ton charisme d’unité, aide-nous, à vivre pacifiquement avec nos différences, qu’elles ne brisent pas la communion.» ?
Le «non!» de François est rude parce qu’il est péremptoire et semble être issu de sa seule personne et non d’une large discussion. C’est la malheureuse rançon de la pyramidalisation de l’Église catholique. Seule la parole du sommet compterait. C’est de cette construction institutionnelle qui s’est rigidifiée au cours du temps que les membres du synode doivent avoir le courage de sortir. Le pape n’est pas là pour donner son avis personnel. D’autres que lui sont aussi inspirés et habilités à donner leur opinion. Le rôle principal du pape n’est pas de trancher les différends pour qu’il y ait toujours une voix unique, mais de veiller à ce que des différences d’accent soient possibles sans que l’unité ne soit rompue.
«Je prie pour que l’Esprit saint souffle sur le synode pour qu’il ose se saisir des sujets brûlants»
Le principal charisme du pape est celui de la réception des diversités, de l’accueil des voix de chacun. Il doit permettre cette communion dans la diversité qui est la vraie définition de la catholicité de l’Église.
Penser et construire une Église plurielle et polyphonique est un défi majeur. Si nous ne le faisons pas, nous allons au-devant de graves tensions. On l’a vu avec le document sur la bénédiction des couples homosexuels. On le voit avec l’importance prise dans certaines parties de la communauté ecclésiale catholique par la redéfinition du rôle des femmes dans la vie ecclésiale.
Le rôle du ministère pétrinien devrait être d’apaiser les tensions qui surgissent et non pas de dicter les sujets de conversation. On ne prévient pas un schisme en interdisant la discussion. On obtient à ce moment-là un schisme silencieux de ceux qui s’en vont progressivement. Au contraire, on évite un schisme en Église par la rencontre, par la mise en circulation infatigable de la parole, par l’amour et le respect mutuel qui permettent la cohabitation pacifique des différences.
Je prie pour que l’Esprit saint souffle sur le synode pour qu’il ose se saisir des sujets brûlants et qu’il sache faire le tri entre ce qui peut être objet de diversité et ce qui est à tenir pour un. Qu’il sache même bousculer le pape et surtout l’appareil curial, le peuple chrétien lui en saura gré.
Thierry Collaud
29 mai 2024
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