Les visites 'Living Stones' rassemblent art et spiritualité   | © Maurice Page
Suisse

Fribourg: une cathédrale de 'pierres vivantes’

Il y a cent ans, la collégiale Saint Nicolas de Fribourg accédait au rang de cathédrale. Mais le majestueux édifice domine la cité de la Sarine depuis beaucoup plus longtemps. Emblématique, mais parfois méconnue, la cathédrale a encore beaucoup de choses à dire à nos contemporains. Visite en compagnie des guides de ‘Living Stones’.   

«Le Christ en croix, placé entre la Vierge Marie et saint Jean, sur la poutre de gloire dominant le chœur plonge son regard sur l’autel placé juste au dessous où le prêtre célèbre à chaque messe sa mort et sa résurrection,» explique Prisca Zurron au petit groupe de visiteurs qu’elle accompagne dans la cathédrale Saint Nicolas de Fribourg.

La guide, vêtue d’un gilet grenat estampillé ‘Living Stones’, entend bien relever la mission première de l’art religieux qui est celle d’évangéliser le spectateur. «L’autel de bronze contemporain représente le peuple hébreux en marche vers la Terre Promise, et aussi le peuple de l’Eglise qui se rassemble dans ce lieu pour prier depuis des siècles.» Artistique, le patrimoine religieux est avant tout l’héritage des croyants qui nous ont précédés.

Un patrimoine vivant

«Lorsqu’on vit depuis longtemps dans une maison, nous accumulons au fil du temps beaucoup d’objets. Nous les apprécions un temps, puis nous nous les regardons moins, enchaîne Prisca Zurron. C’est exactement ce qui se passe dans cette cathédrale de Fribourg. Il y a beaucoup de choses (trop?) mais chacune exprime les croyances d’une génération de l’époque gothique jusqu’à nos jours.»

Pour ‘Living Stones’ visiter une église permet de s’imprégner de l’art et de la culture des époques successives, mais aussi de partager la foi des artistes, des commanditaires et des fidèles.

La cathédrale St-Nicolas de Fribourg |  © Maurice Page

Un cadeau d’anniversaire

Le groupe que Prisca a guidé est une famille portugaise établie à Grolley, à quelques kilomètres de la capitale fribourgeoise. Les parents et leurs deux ados sont venus accompagnés de leur tante Susanna, arrivée en Suisse il y a quelques mois, et qui fête le même jour son anniversaire. Comme cadeau, ils lui ont offert cette visite avec une montée à la tour de la cathédrale qui du haut de ses 76 mètres domine la Basse Ville. «Nous sommes enchantés de cette visite avec une guide qui nous a partagé sa foi avec amour et passion. C’est un plus». Susanna est ravie de son cadeau: «On m’avait dit d’aller absolument voir la cathédrale. Je suis très contente», explique-t-elle au moment d’entamer les 360 marches de l’escalier en colimaçon de la tour.

De quelques minutes à deux heures

«Chaque visite est différente et nous ne récitons jamais un texte appris par cœur, la durée peut varier de quelques minutes à deux heures», commente Prisca Zurron. Une des originalités de ‘Living Stones’ est de s’adapter aux visiteurs selon leurs demandes et leurs intérêts. «Je me souviens d’un papa venu avec sa fillette d’une dizaine d’années. C’est elle qui a conduit toute la visite avec ses nombreuses questions. Le papa l’a suivi avec beaucoup d’intérêt.»

Il faut dire qu’il y a largement de quoi faire, de l’architecture au portail du jugement dernier, de la statuaire médiévale aux autels baroques, des vitraux art nouveau aux couleurs chatoyantes au Saint sépulcre baigné d’une pénombre violette, la cathédrale de Fribourg offre un ‘catéchisme’ très complet.

Le portail sud de la cathédrale Saint Nicolas représente l’adoration des mages | © Maurice Page

Comme dans une bande dessinée, l’Eglise et ses saints défilent en rangs serrés derrière la Vierge Marie, Nicolas de Myre, Barbe et Catherine patronnes secondaires de la cité, Laurent, Maurice, Nicolas de Flüe ou Pierre Canisius. L’édifice grouille d’animaux et de diablotins ou de monstres à la figure plus ou moins hideuse. Dans la lumière d’un bel après-midi de printemps les vitraux projettent leur ombre colorée sur le dallage. A chaque pas, le regard découvre une nouvelle histoire. «En entrant dans la cathédrale de Fribourg, le visiteur est souvent un peu perdu devant cette profusion. Nous essayons de l’aider à en comprendre.le sens.»

«Seigneur que souhaites-tu que je leur dise de ta part?»

Pour Prisca et ses deux camarades guides Pierre et  Max, la démarche a une vraie dimension spirituelle, l’après-midi de visite s’ouvre d’ailleurs par une brève prière: «Seigneur que souhaites-tu que je leur dise de ta part?». Avec la «grammaire» apprise durant leur formation en art et histoire, les guides choisissent les points où ils sentent que celui qui l’écoutera pourra être aidé à rencontrer Dieu. Après la visite, le volontaire se recueille de nouveau et demande: «Seigneur, que m’as-tu dis à travers eux?».

La prière commune s’articule aussi autour des intentions et des vœux que les visiteurs ont inscrit dans un grand cahier relié de bleu. «Merci de prier pour que notre famille garde la santé et que nous puissions rester unis», a écrit Joanna. (cath.ch/mp)

«Living Stones – Pietre vive»
Le mouvement «Living Stones» est né dans les années 2000 dans le milieu des jésuites de Francfort, en Allemagne. De là, il a émigré en Italie et dans les années 2008-2009 les «Living Stones» sont devenues une communauté de communautés avec des groupes naissants d’abord en Italie sous le nom de ‘Pietre vive’ et ensuite partout en Europe. En Suisse, des groupe sont actifs à Lucerne, Saint-Gall, Zurich Lugano et Fribourg. «Il s’agit d’initiatives locales où quelques volontaires se réunissent pour offrir ce service aux visiteurs des églises. Souvent par le lien des aumôneries universitaires.» Le site du mouvement met en exergue cette sentence de saint Jean Damascène (675-749) «Si un païen vous demande de lui montrer votre foi, emmenez-le à l’église, montrez-lui les icônes et expliquez-lui la série de peintures religieuses.
«Une église n’est pas un musée, insiste Prisca Zurron. Mais trop souvent l’accueil des visiteurs est un peu négligé. Or dans une église comme la cathédrale de Fribourg, le passage est constant. Des gens entrent pour y prier, beaucoup sont des touristes de passage. C’est à ces personnes que nous nous adressons en priorité. L’idée est offrir gratuitement un moment de dialogue et d’échange. Raison pour laquelle nous partons des questions des personnes.» «Les personnes de 18 à 35 ans qui aimeraient se joindre à nous comme guides sont les bienvenues», ajoute Prisca Zurron.
Le mouvement ‘Living Stones’ s’est fédéré au niveau international et organise chaque année des journées de rencontre et de formations. Les prochaines ont lieu à St-Jacques de Compostelle. du 26 au 28 avril. MP

Les visites 'Living Stones' rassemblent art et spiritualité | © Maurice Page
26 avril 2024 | 17:00
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 4  min.
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