Mgr Paul Richard Gallagher, ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, ici en 2018 devant l'ONU | © UN Photo/Cia Pak
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Gaza, Ukraine, Chine, Mgr Gallagher répond sans détour à «America»

«Nous avons encouragé certains des pays qui ont retiré leur financement à l’UNRWA à reconsidérer leur position. Nous soutenons pleinement l’action de l’UNRWA.» Dans une interview exclusive accordée au magazine America, le 25 mars 2024, Mgr Paul R. Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, affirme clairement la position du Vatican à propos de la guerre à Gaza.

Israël et Palestine, Ukraine et Russie, Chine, Viêt Nam. Correspondant au Vatican de America, une revue jésuite américaine, le journaliste Gerard O’Connell a rencontré l’archevêque Paul R. Gallagher, ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège. La première question qu’ils ont abordée est la situation des Palestiniens de la bande de Gaza.

À la question de savoir si ce qui s’y passe peut-être qualifié de génocide, Mgr Paul Gallagher a fait remarquer qu’il n’appartient pas au Saint-Siège de déterminer ce qu’est une situation génocidaire. «Il y a des organisations internationales qui ont cette responsabilité et je suis sûr qu’elles l’assumeront en temps voulu.» «Étant donné les statistiques, les souffrances, les 32’000 morts, selon certaines estimations, les nombreux blessés et les millions de personnes déplacées, beaucoup de gens utilisent l’adjectif «génocidaire» pour caractériser cette situation», mais lui-même ne le fait pas personnellement, a-t-il précisé, car le terme «génocide» a une signification précise en droit international.

Mgr Paul Gallagher a déclaré que le pape et le Saint-Siège dénoncent par contre la pratique de la punition collective mise en place par l’État d’Israël, «sans parler des rapports profondément inquiétants sur le danger imminent de famine».

L’UNRWA apporte une contribution cruciale

Il a aussi clairement pris position en faveur de l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, dont le travail auprès des populations palestiniennes est entravé par les suppressions de financement proposée par Israël et mise en œuvre par plusieurs pays, dont les États-Unis.

Le Saint-Siège prend au sérieux les allégations qui ont été faites contre l’UNRWA, a-t-il répondu à America. «Lorsque les enquêtes [sur les liens entre l’UNRWA et le Hamas] seront terminées, lorsque des décisions seront prises, il y aura des changements.» Changements qui sont d’ailleurs déjà en marche. Mais il faut conserver l’UNRWA. «Nous avons encouragé certains des pays qui ont retiré leur financement à reconsidérer leur position. Nous soutenons pleinement l’action de l’UNRWA.» Celle-ci «apporte une contribution cruciale en ce moment, et pas seulement à Gaza, mais aussi dans quatre ou cinq pays du Moyen-Orient où se trouvent des Palestiniens».

Des Palestiniens constatent les dégâts après un bombardement israélien sur Rafah, dans la bande de Gaza, le 15 novembre | © Keystone/AP Photo/Hatem Ali

La solution de deux États… hors Jérusalem

À la question de savoir si la solution des deux États reste pour le Saint-Siège la voie à suivre pour la paix entre Israéliens et Palestiniens, Mgr Paul Gallagher a répondu par l’affirmative.  «Les gens commencent à en reparler… C’est peut-être une lueur d’espoir dans une situation très sombre… Mais nous n’abordons pas la question de Jérusalem. Nous pensons qu’en tant que capitale religieuse des trois grandes religions monothéistes, Jérusalem devrait bénéficier d’un statut spécial, qui devrait être assuré par une certaine forme de garanties internationales.»

«Les souffrances du peuple palestinien sont si grandes, les victimes si nombreuses, innocentes, qu’on ne peut s’empêcher de penser que l’on prépare ainsi une future génération de terroristes.»

Une politique contreproductive en matière de sécurité

Enfin, interrogé à propos de la politique sécuritaire de l’État d’Israël, le secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États a affirmé que «les objectifs fixés par Premier ministre Benjamin Netanyahu au début [de la guerre] – à savoir la destruction du Hamas, la mise hors d’état de nuire du Hamas afin qu’il ne représente plus jamais une menace pour Israël – ont été en partie atteints. Mais les souffrances du peuple palestinien sont si grandes, les victimes si nombreuses, innocentes, qu’on ne peut s’empêcher de penser que l’on prépare ainsi une future génération de terroristes qui constitueront une menace pour l’avenir d’Israël.»

Une paix juste pour l’Ukraine

Le journaliste Gerard O’Connell a aussi abordé avec Mgr Paul Gallagher la question de la guerre entre l’Ukraine et Moscou. En juillet 2022, ce dernier lui avait déclaré qu’une «paix juste» en Ukraine signifiait que la Russie devait se retirer de tous les territoires ukrainiens. «Cela reste notre position», a dit Mgr Gallagher. «Nous soutenons toujours l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous n’approuvons pas le fait que les frontières des pays soient modifiées par la force.» Une nouvelle visite du cardinal Zuppi, envoyé spécial du pape, à Moscou reste envisageable, car «le pape est prêt à faire tout ce qui est nécessaire» pour l’instauration d’une paix juste. Même se rendre lui-même à Moscou? «Le pape a toujours dit qu’il se rendrait dans les deux capitales ensemble, ou qu’il programmerait deux visites – à Moscou et à Kiev.»

L’accord Vatican-Chine sera probablement reconduit

Évoquant ensuite la Chine, America a demandé à Mgr Gallagher s’il y avait des chances pour que l’accord provisoire signé en 2018 entre Rome et Pékin soit renouvelé pour la troisième fois en octobre de cette année. Sans aucun doute, a répondu le prélat. «Nous continuons à croire que l’accord est un moyen utile pour le Saint-Siège et les autorités chinoises de traiter la question de la nomination des évêques. (…) et nous continuons à penser qu’il est possible de l’améliorer.»

Mgr Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong, opposant à l’accord Chine-Vatican | Flickr/Stephen Wu/CC BY-NC-ND 2.0

Mgr Gallagher a souligné que des évêques chinois ont pu librement venir à Rome pour l’assemblée synodale. «Nous espérons qu’ils reviendront en octobre prochain au Synode.» «Nous ne devons pas oublier, a-t-il aussi ajouté, qu’il y a eu de bons échanges entre l’évêque de Hong Kong et les évêques du continent. Les visites fraternelles se poursuivent, même si elles ne sont pas très nombreuses. Certains évêques sortent et ont plus de contacts, et nous ne pouvons qu’encourager cela.»

Avancées diplomatiques avec le Viêt Nam

Mgr Gallagher se rendra en visite en avril dans un autre pays communiste, le Viêt Nam. Quelles sont les conditions requises à l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Viêt Nam, s’est enquis America? Il faut d’abord «établir la volonté politique de le faire», a répondu le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège. «Nous sommes très heureux des progrès réalisés et nous avons un représentant papal résident à Hanoï». La priorité est de veiller à ce que «les autorités s’habituent» à cette présence, a-t-il poursuivi, et que «cela profite à la communauté catholique, aux évêques et aux fidèles du Viêt Nam». (cath.ch/america/lb)

Mgr Paul Richard Gallagher, ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, ici en 2018 devant l'ONU | © UN Photo/Cia Pak
27 mars 2024 | 12:54
par Rédaction
Temps de lecture : env. 5  min.
Chine (400), Diplomatie pontificale (35), diplomatie vaticane (128), Gaza (111), Israël (237), Palestine (138), Ukraine (665), Vietnam (87)
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