Le pape nomme un juge québécois pour enquêter sur le cardinal Lacroix
Le pape François a demandé au juge québécois André Denis d’enquêter sur le cardinal Gérald Lacroix, rapporte l’agence de presse catholique Présence, le 4 mars 2024. L’archevêque de Québec est mis en cause pour des attouchements sur une jeune fille mineure, dans les années 1980.
Le nom de Gérald Lacroix est apparu dans une liste de membres de l’Église catholique au Canada mis en cause dans une action collective qui rassemble les plaintes de 147 victimes potentielles. L’archevêque de la capitale du Québec est accusé «d’attouchements» par une personne âgée de 17 ans au moment des faits (en 1987-1988) – et dont l’identité est maintenue secrète –, soit à une période où le cardinal était encore séminariste ou à peine ordonné prêtre.
L’engagement du juge à la retraite André Denis pour mener l’enquête sur le cardinal Gérald Lacroix a été annoncé dans une lettre que l’agence de presse québécoise Présence a pu consulter. André Denis, qui a déjà mené des enquêtes dans les archives d’une dizaine de diocèses du Québec, peut «faire appel à d’autres personnes pour l’assister dans cette enquête, notamment pour une expertise en droit canonique, le cas échéant», précise le pape dans sa missive.
En application de Vos estis lux mundi
La mesure est directement liée aux dispositions du motu proprio Vos estis lux mundi. Cette lettre apostolique énonce plusieurs règles promulguées par le pontife en 2019, puis renouvelées en 2023, afin de lutter contre les abus sexuels dans l’Église catholique.
Au terme de cette enquête, ajoute le pape dans sa lettre à André Denis, «vous aurez soin de me produire un rapport détaillé de vos démarches et de vos conclusions». Le document porte la date du 8 février 2024, soit deux jours après la rencontre du Conseil des cardinaux (C9) à laquelle le cardinal Lacroix a participé à Rome. Quelques jours plus tôt, l’archevêque de Québec annonçait se «retirer provisoirement» de ses fonctions.
Un enquêteur expérimenté
Bien que retraité de la Cour supérieure québécoise, le juge André Denis a obtenu depuis 2020 plusieurs mandats d’enquête auprès de diocèses québécois. Il a notamment examiné les dossiers personnels de tous les prêtres liés à neuf diocèses afin d’y découvrir «tout possible indice d’abus sexuel sur des mineurs ou des personnes vulnérables».
En juin 2023, les Oblats de Marie-Immaculée du Canada et de France l’ont nommé pour diriger une enquête indépendante sur les allégations de sévices sexuels portées contre leur confrère Johannes Rivoire. À la Cour supérieure du Québec, il a été le premier juge au Canada à présider un procès en vertu de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. En 2009, il avait condamné le réfugié rwandais Désiré Munyaneza à l’emprisonnement à perpétuité en raison de sa participation active au génocide de 1994.
«Je crois bien que c’est la première fois, depuis la promulgation du motu proprio du pape, qu’on apprend qu’un laïc est nommé enquêteur», note le théologien à Présence le théologien québécois Jean-Guy Nadeau, spécialiste des abus sexuels dans l’Eglise. (cath.ch/presence/arch/rz)