Empathie
En début de cette année, en France, il a été décidé d’introduire des cours d’empathie dans les écoles maternelles et élémentaires dès la rentrée prochaine de septembre 2024. Lorsque j’ai entendu cette nouvelle, j’ai été littéralement estomaquée et interloquée. Aurions-nous besoin d’éduquer un être humain à l’empathie? Y aurait-il un si grand déficit de communication relationnelle aujourd’hui? Pourquoi et comment l’empathie a-t-elle pu disparaître de notre vivre ensemble? Serait-ce l’évolution de notre race humaine que de perdre son empathie?
Alors j’ai enfilé mon costume de détective amateur et j’ai cherché les causes de ce nouveau mal. Parce que cela me touche particulièrement d’imaginer une société composée de femmes et d’hommes de moins en moins empathiques. Qu’en sera-t-il du personnel soignant formé pour nous accompagner dans nos maux pour nous soigner? Perdrions-nous à leurs yeux notre humanité, n’ont-ils pas besoin d’empathie pour déceler et bien dépister nos maladies? Et les professions d’écoute que sont les thérapeutes en tout genre, comment faire sans empathie? Et les Églises? Sans empathie, comment comprendre un Jésus qui nous dit: «Aime ton prochain comme toi-même»?
D’où vient la perte? Immédiatement ce qui vient à l’esprit est ce changement lié à la prolifération des écrans dans notre quotidien. Forcément, les écrans me sont apparus comme le premier coupable idéal.
L’étude Junior Connect’ menée par Ipsos (entreprise française de sondages) en 2017 montre que les enfants de un à six ans passent plus de quatre heures et demie par semaine devant les écrans. Dans ce contexte d’hyper-exposition, les questions émergent tout naturellement sur les incidences: cela change-t-il le rapport des enfants à autrui? Laissez-moi partager avec vous les réponses de Sabine Duflo, psychologue clinicienne et thérapeute familiale et de Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste.
«La violence de certains jeux vidéos brouille totalement le rapport à soi et aux autres»
Oui, hélas, les effets de la consommation télévisuelle précoce a montré que les enfants passant plus de deux heures par jour devant le petit écran avaient plus de difficultés à repérer les émotions d’autrui et à gérer les relations aux autres, à développer leur capacités empathiques. Cette angoisse de la relation avec l’autre provoque un repli sur soi et résulte d’un défaut d’empathie chez l’enfant. Pire, cela peut donner lieu à de l’agression proactive, c’est-à-dire de s’en prendre aux autres sans raison.
Mon premier coupable n’a aucune circonstance atténuante. Les écrans ont transformé le rapport au monde de cette génération hyper-exposée. Tous les écrans sont-ils incriminés? Cependant, avec l’âge, la place des écrans évolue dans notre vie. A ce propos, il a été préconisé d’introduire certains jeux vidéo dans les maisons de retraite. Car ces derniers favoriseraient le développement cognitif des personnes âgées. Ils pourraient également maintenir voire améliorer les réflexes et la mobilité.
Le jeu est à mes yeux source de plaisir. Il ne devrait donc pas contribuer à une perte d’empathie. Le jeu est aussi le lieu où j’aime me détendre avec des ami.es. Le jeu est social. De surcroît les jeux vidéo peuvent se vivre à plusieurs, les personnes se connectent entre elles au-delà de la frontière physique.
En quoi, le jeu vidéo pourrait-il rejoindre la liste des suspects numéro 1? La faute est à imputer au Game Over. Dans certains jeux, tu peux tuer, te faire tuer sans rien ressentir. Et de plus, tu peux mourir à l’envi et recommencer. Game Over! La violence de certains jeux, souvent les plus prisés, brouille totalement le rapport à soi et aux autres. Certes, c’est grisant de ne craindre ni la violence ni la mort virtuelles (donc inoffensives) grâce au Game Over. À l’équation naturelle violence = stress se substitue une nouvelle association: violence = divertissement et plaisir.
Le défi à venir apparaît colossal et démesuré: comment partager le message d’amour dans un monde en perte d’empathie.
Nadine Manson
28 février 2024
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