Pakistan, les violences autour des élections inquiètent les chrétiens
À la veille des élections législatives du 8 février 2024, au moins 22 personnes ont été tuées et 37 autres blessées au sud-ouest du Pakistan, dans deux attentats par engins explosifs. Tensions politiques et religieuses agitent le pays, sur fond de crise économique.
Les campagnes électorales au Pakistan sont généralement marquées par des épisodes de violence et celle-ci n’y échappe pas. Les Pakistanais sont appelés aux urnes le 8 février pour élire les députés de l’Assemblée nationale ainsi que des chambres législatives de quatre provinces. À charge ensuite à l’Assemblée nationale d’élire, par majorité simple, le Premier ministre, et aux parlements des provinces leurs gouverneurs respectifs.
En arrière toile, l’armée et des groupes islamistes
Les tensions politiques ont été fortes au cours de cette période précédant les élections. Tombé en disgrâce auprès de l’armée qui l’avait soutenu en 2018, l’ancien Premier ministre Imran Khan, en prison actuellement, a dénoncé une «répression» à son encontre et celle de son parti.
La définition du rôle de l’armée sur les scènes politique et économique du pays est l’un des enjeux de ces élections. Depuis l’indépendance en 1947, plusieurs gouvernements élus ont été renversés par des coups d’État militaires ou par des pressions indirectes exercées par les généraux. Sur le plan économique, des représentants militaires ont déjà investi le «Special Investment Facilitation Council», un organisme créé sous la direction de l’ancien Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif, dans le but d’attirer les investissements étrangers et de stimuler la croissance économique du pays.
Le Pakistan est aussi secoué par les attaques de militants et de groupes islamistes, en nombre croissant au cours des 18 derniers mois. Ces groupes – en particulier le Tehreek-e-Taliban Pakistan – se sont réorganisés après le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan en 2021 et ont mené une série d’attaques très médiatisées sur le sol pakistanais.
La crise économique
D’autres difficultés encore attendent le nouveau gouvernement. Le Pakistan est en proie à une grave crise économique depuis quelques années, avec une inflation record. L’été dernier, il a évité le défaut de paiement grâce à un renflouement de trois milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI). Mais ce soutien prend fin en mars. «La négociation d’un nouveau programme d’aide sera cruciale pour le nouveau gouvernement», a indiqué à l’agence Fides le Père Robert Mc Culloch, missionnaire australien de la Société de Saint Columba, en poste au Pakistan depuis 30 ans.
La place des minorités
Le Père Mc Culloch souligne aussi que la question de la discrimination culturelle, ethnique et religieuse reste ouverte. Les groupes et communautés non musulmans, en particulier les chrétiens et les hindous, ont appelé «tous les partis politiques à inclure dans leur programme politique la question de la protection des droits des minorités et de leur bien-être», explique-t-il. Ils ont rappelé que «les citoyens non musulmans ont joué un rôle-clé dans le développement, la prospérité et l’épanouissement économique, social et culturel du Pakistan depuis sa naissance en 1947».
Les chrétiens en mauvaise posture
La minorité chrétienne, qui représente 2% des 240 millions d’habitants du Pakistan, est particulièrement vulnérable. La loi sur le blasphème instaurée en 1986, puis les attentats du 11 septembre 2001 ont mis en mauvaise posture les chrétiens du pays, souvent accusés d’être des alliés de l’Occident et des États-Unis.
La Commission nationale sur la justice et la paix de l’Église catholique romaine estime que de 1986 à 2009, sur les 964 personnes inculpées de désacralisation du Coran ou de blasphème envers le prophète Mahomet, 119 étaient chrétiens.
Par ailleurs, des accusations de blasphème ont conduit parfois à de graves émeutes et assassinats. Ainsi, au moins 32 personnes sont mortes assassinées alors qu’elles attendaient d’être jugées pour blasphème ou après avoir été acquittées. Les violences de Jaranwala, des émeutes qui ont ciblé le quartier chrétien de Jaranwala, à 100 km de Lahore, détruisant des centaines de maisons et incendiant 22 églises, ont d’ailleurs eu lieu suite à une accusation de blasphème visant des chrétiens. (cath.ch/fides/lb)