Le siège de l'Eglise protestante en Allemagne (EKD), à Hanovre | domaine public
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Allemagne: quand les victimes d’abus participent aux enquêtes

Une étude a été réalisée en Allemagne sur la participation active de personnes concernées par des abus sexuels en Eglise aux travaux de recherches. Des résultats jugés positifs, même si des problématiques ont été relevées.

Trois victimes d’abus sexuels dans un contexte ecclésial en Allemagne ont été, à titre expérimental, intégrées dans le projet intitulé «ForuM – Recherche sur le traitement de la violence sexuelle et d’autres formes d’abus dans l’Eglise évangélique et la diaconie en Allemagne», rapporte l’agence catholique allemand KNA. L’étude a été commandée par l’Eglise protestante en Allemagne (EKD). Elle doit être publiée le 25 janvier 2024 à Hanovre.

Sur un pied d’égalité avec les experts

En préalable des résultats, des scientifiques et des participants au projet ont présenté leurs conclusions sur l’intégration des personnes concernées lors d’une conférence à Tutzing, en Haute-Bavière. Ces données seront intégrées dans le rapport de l’EKD. C’était la première fois, en Allemagne, que des victimes devenaient de véritables co-chercheuses. Elles ont participé à l’élaboration du questionnaire destiné aux autres personnes concernées, travaillant «d’égal à égal» avec les experts.

L’étude était supervisée par l’Institut für Praxisforschung und Projektberatung (IPP) de Munich, qui bénéficie d’une vaste expertise dans le domaine des abus dans un contexte ecclésial. L’IPP a en effet déjà mené des études sur l’Abbaye bénédictine d’Ettal, en Bavière, et l’école d’Odenwald, à l’ouest de l’Allemagne, où des abus sexuels commis dans les années 1970 et 1980 ont été révélés.

Problème de distance

L’une des personnes concernées participante au projet, Christiane Lange, s’est exprimée lors de la conférence sur des difficultés rencontrées. «La participation touche toujours à ses propres blessures et exige beaucoup de distance par rapport à sa propre histoire», a-t-elle assuré. Elle s’est néanmoins dite convaincue que le processus ne peut pas réussir sans l’expérience et le regard des personnes concernées. Grâce à elles, des aspects auxquels «nous n’avions pas pensé auparavant» ont été intégrés, a souligné Peter Caspari, responsable de l’IPP.

Un équilibre entre vigilance et autocensure

Une autre personne concernée, Horst Eschment, a vécu des phases de doute. Il a admis avoir, avec ses deux co-chercheurs, manqué de communication et de transparence lorsqu’il s’est agi d’évaluer les interviews. Horst Eschment s’est posé la question de sa continuation dans l’expérience. Les choses ont pu finalement se régler avec l’aide d’une médiatrice. Helga Dill, de l’IPP, a relevé que la recherche participative n’était «pas quelque chose de simple», et que cela demandait beaucoup de travail. Il faut clarifier les rôles et trouver un équilibre entre vigilance et autocensure dans les relations.

«La recherche scientifique ne devrait pas se faire sans les survivants de ces expériences extrêmes», a répété Horst Eschment. Leur participation peut élargir et stimuler la recherche. Heiner Keupp, psychosociologue munichois et membre de la commission indépendante sur les abus sexuels, a également plaidé pour le développement de ce type de démarche. (cath.ch/kna/arch/rz)

Le siège de l'Eglise protestante en Allemagne (EKD), à Hanovre | domaine public
22 janvier 2024 | 10:51
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
Abus sexuels (1289), EKD (9), Enquête (57), Protestant (36), victimes (35)
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