«Dieu n’existe pas»
Grâce aux vœux de 2024, nos ami.es se rappellent à notre bon souvenir et nous recevons parfois des nouvelles de personnes perdues de vue depuis… un an. Ainsi des connaissances précieuses des Pays-Bas sont revenues séjourner dans ma mémoire.
Et de me relancer sur un vieux livre lu et discuter avec véhémence. C’était en 2007, aux Pays-Bas. Là-bas, les relations sont franches. A tel point qu’elles pourraient être, à tort, qualifiées soit de frustres soit au pire de grossières. Les choses sont dites sans emprunt. Un collègue pasteur de la Protestantse Kerk in Nederland (PKN), Eglise protestante aux Pays-Bas, avait publié un livre explosif. Vous l’aurez peut-être lu dans la presse de l’époque, ce pasteur néerlandais, Klaas Hendrikse, proclame haut et fort que «Dieu n’existe pas». Ce qui lui vaut d’attirer les foules à ses cultes et de vendre abondamment son livre au titre évocateur Croire en un Dieu qui n’existe pas. Manifeste d’un pasteur athée.
Bien sûr, une telle déclaration dans la bouche d’un pasteur est de l’ordre de la provocation et du défi. Elle peut en blesser certains, elle peut offusquer, bref elle dérange. Néanmoins, un tel titre s’expose et cherche à faire éclater les frontières de la tradition. Oser être iconoclaste pour faire avancer le langage sur Dieu, et par là-même l’image des Eglises et de la foi.
Cependant je pense que si un reproche devait être formulé, ce serait celui de l’approximation théologique du discours de ce pasteur. La théologie est une discipline scientifique. Elle cherche, s’interroge, se confronte aux autres sciences. Dire Dieu est au-delà de nos mots humains, tout comme dire l’éternité est au-delà de notre échelle de temps humaine. Cependant, le propre de toute science est de ne pas abdiquer face à l’impossible et de continuer à chercher, à découvrir.
Des théologiens ont réfléchi sur Dieu, sur son existence. Qu’est-ce que l’existence d’un être éternel et infini?
«Cet état d’aliénation qu’est l’existence, la notion de Dieu n’en souffre pas»
Toute vie est marquée par sa finitude, en ce sens que tous nous avons une date de naissance: un jour le monde était sans nous, un autre jour nous y prenions part. Nous aurons également une date pour notre mort. Ces deux bornes – naissance et mort – limitent notre existence. Notre existence est coincée – aliénée – entre ces bornes. En théologie, cela se traduit par ces termes: l’existence est l’état d’aliénation. Mais en est-il de même avec Dieu, et son existence? En demeurant dans la sphère théologique – comprenez par là, une sphère de recherche scientifique, d’hypothèses et d’exploration – des théologiens ont écrit que ›Dieu n’existe pas. Dieu est l’être-même au-delà de l’essence et de l’existence’.
Il est entendu ici que l’être de Dieu ne peut connaître la finitude que notre propre vie connaît. Cet état d’aliénation qu’est l’existence, la notion de Dieu n’en souffre pas. C’est tout. De la même manière, Dieu ne fête pas son anniversaire chaque année comme nous le faisons. Dieu n’a pas de date d’anniversaire. Quoique bien accrocheur, le titre du livre aurait pu être honnêtement analysé par Klaas Hendrikse dans quelques pages de son essai. Parce que la frontière est mince entre meurtrir et provoquer, surtout en matière de foi, si personnelle, si individuelle, privée. Parler de Dieu revient pour beaucoup à toucher leur intimité propre. Puisque selon les mots du dogmaticien André Gounelle: «Dieu est à la fois autre et intime; où Dieu fait partie de moi sans être mon semblable et sans se confondre avec moi.»
Nadine Manson
10 janvier 2024
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