Thierry Collaud

'Repair-Année’, le don de la réconciliation

Nouvel-An. Dans un monde où les nouvelles versions des smartphones, des programmes informatiques, des voitures ou des séries télévisées se succèdent à un rythme soutenu, 2024 sera-t-elle une nouvelle année que l’on sort fébrilement de sa boite en ayant déjà expulsé l’autre de notre champ de vision?

Et si on l’abordait plutôt avec la philosophie des Repair Cafés. Selon la Fédération romande des consommateurs (FRC), qui les promeut, ce sont: «des lieux et des temps définis où de bons bricoleurs, voire des professionnels de la réparation ou des étudiants d’écoles des métiers, mettent gratuitement à disposition leur temps, leur savoir-faire, leur outillage et, dans la mesure du possible, des pièces de rechange. Ainsi, les propriétaires d’objets défectueux apprennent à les réparer en étant solidement encadrés.»

Au-delà de la réflexion écologique sur la durabilité, cette démarche est une parabole riche d’enseignements sur nos rapport ambigus au temps, au monde, aux humains et au divin. Quand ça va on prend, quand ça ne va plus, on jette et on essaye autre chose. Mais, nous dit la parabole, peut-être qu’au Repair Café de la Saint-Sylvestre je pourrais amener ma vieille année toute cabossée, celle qui m’a causé tant de soucis et dont j’ai hâte de me débarrasser.

J’y trouverais des bricoleurs de génie. Ils ne me laisseraient pas les regarder passivement travailler. Ils me mettraient au travail et m’apprendraient à me réconcilier avec ce monde qui me résiste et me contrarie. Ne pas le jeter, mais apprendre à le réhabiter et à l’aimer.

«Il faut savoir renoncer au pouvoir d’appropriation qui nous donne un si grand sentiment de maîtrise»

Cette réflexion m’a été inspirée par une pasteur neuchâteloise qui, le 31 décembre, prêchait sur la deuxième épître de saint Paul aux Corinthiens: «Dieu nous a réconcilié avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation» (5,18).

Changer de regard sur le monde implique un retournement premier dans lequel nous nous laissons d’abord saisir par une réalité lumineuse dont nous n’avions pas conscience et qui change notre regard sur les êtres et les choses. Le poète George Haldas évoquant le matin de Pâques nous suggère que: «le vide du tombeau n’est que l’envers temporel de l’état de Résurrection».

Dans un monde où nous devrions avoir fini de croire au progrès linéaire et à une croissance sans limites, il est vital de savoir, avec cette lumière, réparer, retisser nos relations, réhabiter les lieux que nous voulions quitter, nous réconcilier avec des espaces limités mais pouvant contenir des présences immenses, avec des lenteurs apaisantes, avec des humains imparfaits.

La métaphore de la réparation aidée nous dit que, pour beaucoup d’entre nous, il faut savoir renoncer au pouvoir d’appropriation qui nous donne un si grand sentiment de maîtrise. Il nous faut lâcher notre prise sur le monde pour pouvoir retrouver une harmonie avec lui, pour qu’il puisse se remettre à chanter et nous avec.

Que 2024 alors puisse être, pour nous tous, un temps pour réenchanter le monde parce que nous aurons su, dit encore Haldas, «nous désencombrer de la masse de nos projets, de nos ambitions, de nos calculs, de nos vaines espérances et surtout de notre besoin de puissance et d’affirmation de nous-mêmes, bref de tout ce qui nous enracine dans le temporel, le quotidien et nous y enlise, pour que s’ouvre en nous l’abîme de la Source.» (Marie de Magdala, p. 25).

Bonne Année!

Thierry Collaud

3 janvier 2024

Que nous réserve l'année 2024? | © Kajetan Sumila/Unsplash
3 janvier 2024 | 09:23
par Thierry Collaud
Temps de lecture : env. 2  min.
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