Le pape Benoît XVI est décédé le 31 décembre 2022 | © Flickr
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Benoît XVI aurait été «amèrement déçu» par le pape François

Peter Seewald, biographe du défunt pape Benoît XVI, assure dans une interview que ce dernier avait été «amèrement déçu» par le pontificat de François. Le journaliste allemand estime même que Jorge Bergoglio fait tout pour «effacer l’héritage» de son prédécesseur.

De sa renonciation, en février 2013, à son décès, le 31 décembre 2022, Joseph Ratzinger a vécu reclus dans le monastère Mater Ecclesiae, dans les jardins du Vatican. Malgré son détachement du gouvernement de l’Eglise, il avait toujours gardé un esprit vif et se tenait fort instruit des affaires du monde et du cours du nouveau pontificat.

Plusieurs épisodes ont démontré qu’il détenait encore une influence certaine sur la curie. Il avait à quelques occasions également exprimé publiquement ses opinions.

Deux papes très différents

Il n’avait cependant jamais critiqué ouvertement les décisions du pape François et avait entretenu jusqu’à la fin de bons rapports avec son successeur. Mais dans le silence de son monastère, le pontife allemand avait des positions bien arrêtées sur la façon dont l’Argentin dirigeait l’Eglise.

C’est en tout cas ce qu’affirme Peter Seewald. Le journaliste allemand, qui a été très proche de Joseph Ratzinger, est l’auteur de deux ouvrages biographiques sur son compatriote, et de quatre livres écrits en collaboration avec ce dernier. Dans une interview au journal américain New Daily Compass, le 27 décembre 2023, Peter Seewald assure ainsi que «Benoît a fait confiance à François». Mais que ce dernier l’a «amèrement déçu, à plusieurs reprises». «Les différences entre Benoît XVI et son successeur ont été énormes dès le début, analyse Peter Seewald. Que ce soit au niveau du tempérament, de la culture, de l’intellect et surtout de la direction des pontificats.»

François a peut-être écrit de «belles lettres» à son prédécesseur et l’a décrit comme un «grand pape», remarque le journaliste. Mais dans la pratique, Jorge Bergoglio a «effacé une grande partie de ce qui était précieux et cher à Ratzinger». «Si vous affirmez vraiment avec conviction que Benoît XVI était un ‘grand pape’, ne devriez-vous pas faire tout ce qui est en votre pouvoir pour cultiver son héritage? Comme Benoît XVI l’a fait pour Jean Paul II?», s’interroge Peter Seewald.

Un pape qui «détruit les ponts»?

Le biographe souligne entre autres les restrictions sévères imposées par le pape François à la messe traditionnelle en latin, après avoir contredit la lettre apostolique Summorum Pontificum avec le motu proprio Traditionis custodes (juillet 2021). Le document publié par Benoît XVI en 2007 reconnaissait le droit de tous les prêtres à utiliser le Missel romain de 1962, en latin.

Ce que Peter Seewald trouve «particulièrement honteux» est que «le pape émérite n’ait même pas été informé de cet acte, mais qu’il ait dû l’apprendre par la presse». «Il a été poignardé au cœur», assure-t-il. Benoît avait, selon le journaliste, construit «un petit pont vers une île au trésor largement oubliée, qui n’était jusqu’alors accessible que par un terrain difficile». C’était quelque chose qui tenait à cœur au pape allemand «et il n’y avait vraiment aucune raison de démolir à nouveau ce pont», déplore Peter Seewald.

Il regrette aussi que de nombreuses personnes qui soutenaient les positions de Ratzinger et la doctrine catholique aient été «guillotinées». Il critique notamment le traitement réservé à l’archevêque Georg Gänswein, secrétaire de longue date de Benoît XVI et préfet de la Maison pontificale du Vatican auprès des deux papes pendant plusieurs années.

Benoît XVI «n’était pas un homme amer»

«C’est un événement sans précédent dans l’histoire de l’Église que l’archevêque Gänswein, le plus proche collaborateur d’un pape très méritant, du plus grand théologien jamais assis sur la Chaire de Pierre, ait été honteusement mis à la porte du Vatican. Il n’a même pas reçu un mot de remerciement pro forma pour son travail».

Le journaliste allemand met cela en relation avec le traitement du cardinal américain Raymond Burke, grand détracteur du pape François. Lorsque «le cardinal [Raymond] Burke, âgé de 75 ans, est privé de sa maison et de son salaire du jour au lendemain sans aucune explication, il est difficile de reconnaître la fraternité chrétienne dans tout cela», note Peter Seewald.

Il critique aussi la nomination du cardinal argentin Victor Fernandez en tant que préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi, insinuant que la nationalité et la ligne idéologique y ont été pour beaucoup. «Jusqu’à maintenant, l’aptitude était le principal critère des nominations, mais sous Bergoglio, il semble que la loyauté à la ligne soit primordiale», affirme Peter Seewald.

Le pape émérite Benoît XVI est décédé à l’âge de 95 ans le 31 décembre 2022. S’adressant aux journalistes lors d’un vol vers Rome deux mois plus tard, le pape François avait déploré que des personnes cherchent à instrumentaliser sa mort, remarque le média Catholic News Agency (CNA). Benoît XVI, avait souligné François, «n’était pas un homme amer». (cath.ch/dailymediacompass/cna/arch/rz)

Le pape Benoît XVI est décédé le 31 décembre 2022 | © Flickr
2 janvier 2024 | 16:02
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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