Le cardinal Becciu condamné à 5 ans et 6 mois de prison
Le cardinal Angelo Becciu a été condamné à une peine de 5 ans et 6 mois de prison par le tribunal du Vatican à l’issue du procès de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’, le 16 décembre 2023. C’est la première fois qu’un tribunal civil de la Cité du Vatican prononce une peine à l’encontre d’un cardinal. Neuf accusés ont été condamnés, dont le Fribourgeois René Brülhart, qui écope d’une amende de 1750 euros.
Au terme de deux ans et demi de procès, le président du tribunal du Vatican, Giuseppe Pignatone, a rendu son verdict aux alentours de 16h dans la salle polyvalente des Musées du Vatican, qui a hébergé l’ensemble du procès. Le cardinal Becciu, ancien substitut de la secrétairerie d’État de 2011 à 2018, est condamné à 5 ans et 6 mois de prison, à 8’000 euros d’amende et est interdit perpétuellement d’exercer une charge publique.
L’ancien numéro 3 du Saint-Siège est reconnu coupable de trois chefs d’accusation concernant des détournements de fonds qui pesaient contre lui. Il est acquitté pour cinq autres chefs d’accusation parmi lesquels celui de subornation de témoin envers Mgr Alberto Perlasca, ancien chef de la section financière de la secrétairerie d’État. Le juge Pignatone n’a pas présenté les motivations de son verdict. Elles devraient être présentées prochainement.
Coupable de détournement de fonds
Le tribunal a reconnu le cardinal sarde coupable de détournement de fonds – de 200’500’000 dollars, soit près de 184 millions d’euros – dans l’opération financière qui a entraîné entre 2013 et 2014 l’acquisition d’un immeuble à Londres avec des fonds appartenant à la secrétairerie d’État. Cet investissement a été effectué à travers un hedge fund administré par le banquier anglo-italien Raffaele Mincione qui avait «des caractéristiques hautement spéculatives et qui impliquait pour l’investisseur un risque élevé sur le capital sans aucune possibilité de contrôle de la gestion».
Le cardinal a en revanche été reconnu non-coupable des deux autres accusations de détournement de fonds concernant la gestion de l’immeuble londonien entre 2014 et 2018 qui pesaient contre lui. Le tribunal a considéré qu’il n’avait alors plus la maîtrise des fonds. Sur l’ensemble de l’opération financière de l’immeuble du 60, Sloane Avenue à Londres, le Vatican estime avoir perdu entre 139 et 189 millions d’euros.
Appel probable
Dans un autre volet du procès, le cardinal a été reconnu coupable de détournement de fonds – de 570’000 euros – dans le cadre de l’embauche, entre 2018 et 2019, de l’intermédiaire Cecilia Marogna pour une opération visant à libérer une religieuse retenue en otage dans le Sahel. Le tribunal considère que l’argent n’a pas été utilisé pour suivre cette fin.
Angelo Becciu a également été reconnu coupable de détournement de fonds – de 125’000 euros – dans le cadre de deux versements effectués avec l’argent de la secrétairerie d’État en 2015 et 2018 à une association diocésaine de Sardaigne gérée par son frère. Le tribunal reconnaît que la destination des fonds était licite – l’argent du Saint-Siège pouvait servir à financer ce type d’association -, mais qu’il s’agissait néanmoins d’une «utilisation illégale» des fonds en raison de la présence de son frère de l’organisation bénéficiaire.
Initialement, le promoteur de justice Alessandro Diddi avait notamment requis à l’encontre du cardinal Becciu 7 ans et 3 mois de réclusion. Réagissant au sortir de l’audience, les avocats du cardinal, Maria Concetta Marzo et Fabio Viglione, ont affirmé qu’ils feraient certainement appel. «Nous pensons que le procès a démontré l’innocence absolue du cardinal, une innocence en laquelle nous croyons», a insisté Fabio Viglione. (cath.ch/imedia/ic/cd/cv/rz)
Les verdicts des autres accusés
René Brülhart, ancien président de l’Autorité d’information financière (AIF), est condamné à une amende de 1750 euros.
Gianluigi Torzi, banquier italien, est condamné à 6 ans de prison, à 6000 euros d’amende, est interdit perpétuellement d’exercer une charge publique et est soumis à une surveillance spéciale pendant un an.
Raffaele Mincione, banquier anglo-italien, est condamné à 5 ans et 6 mois de prison, à 8000 euros d’amende et est interdit perpétuellement d’exercer une charge publique.
Enrico Crasso, banquier italien et ancien gestionnaire du patrimoine financier de la secrétairerie d’État, est condamné à 7 ans de prison, à 10’000 euros d’amende et est interdit perpétuellement d’exercer une charge publique.
Fabrizio Tirabassi, ancien employé de la secrétairerie d’État, est condamné à 7 ans et 6 mois de prison, à 10’000 euros d’amende et est interdit perpétuellement d’exercer une charge publique.
Cecilia Marogna, seule femme accusée dans ce procès, qui se présente comme une experte en diplomatie informelle, est condamnée à 3 ans et neuf mois de prison et est interdite temporairement d’exercer une charge publique pendant une période équivalente.
Nicola Squillace, avocat et associé de Gianluigi Torzi, est condamné à un an et dix mois de prison.
Tommaso Di Ruzza, ancien directeur de l’AIF, est condamné à une amende de 1750 euros.
Mgr Mauro Carlino, ancien secrétaire personnel du cardinal Becciu puis de son successeur, Mgr Peña Parra, a été acquitté de toutes les charges retenues contre lui.
La cour vaticane a enfin ordonné la confiscation de 166 millions d’euros et condamné les prévenus au paiement solidaire de dommages et intérêts à hauteur de 200 millions d’euros aux parties civiles (la secrétairerie d’État, l’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA) – la banque publique du Vatican -, l’Institut des œuvres de religion (IOR) – la banque ›privée’ du Vatican -, et l’Autorité de surveillance et d’information financière (ASIF) – l’autorité anti-blanchiment d’argent du Vatican).
IC/CV/CD