Momoko Nishimura (à gauche) avec Estela Padilla, une théologienne philippine, également membre de l’assemblée synodale | DR
Vatican

Momoko Nishimura, une Japonaise à la tête du Synode à Rome

Momoko Nishimura, Japonaise et laïque consacrée, fait partie des neuf présidents délégués de l’Assemblée générale du Synode des évêques sur la Synodalité actuellement réuni à Rome. Elle y apporte l’expérience d’une Eglise très minoritaire au Japon.  

Momoko Nishimura fait partie des dix Asiatiques non-évêques choisis pour participer au Synode. De Rome, elle a partagé avec Eglises d’Asie son regard sur l’Église japonaise et l’ouverture de la première session plénière du Synode: « Je pense que nous ne sommes pas là avant tout pour dire ce que nous pensons ; quand nous prions en tant qu’assemblée, l’Esprit Saint est là pour nous guider. »

Membre des missionnaires des Serviteurs de l’Évangile de la Miséricorde de Dieu, sœur Momoko, âgée de 48 ans, a étudié la théologie à l’université Sophia de Tokyo. Elle a passé six ans de ministère en Argentine avant de revenir au Japon en 2017. Elle a traduit l’encyclique Fratelli Tutti en japonais et travaille aujourd’hui pour la pastorale des jeunes du diocèse de Yokohama. Sa congrégation, relativement jeune, a été fondée officiellement en 2002 en Allemagne, avec pour charisme une vie dédiée à la proclamation de l’Évangile. Présente aujourd’hui dans quinze pays différents, la communauté rassemble des personnes consacrées, des prêtres et des laïcs.

Avant de parler du Synode, quel peut être l’avenir de l’évangélisation au Japon?
Je pense qu’avec la synodalité que nous voulons, en travaillant et en avançant ensemble en Église – même si nous ne savons pas encore exactement comment –, il y a beaucoup d’espérance. Au Japon, le problème, c’est que les gens vieillissent. Mais grâce aux étrangers, il y a beaucoup de missionnaires, et à travers cela, la société japonaise peut devenir plus diverse à l’avenir, et l’Église catholique japonaise peut parvenir à servir de modèle pour la société japonaise, en montrant qu’il est possible de vivre ensemble.
Les valeurs bouddhistes et confucéennes font qu’au Japon, l’accent est mis sur les efforts, sur le fait de travailler dur. Mais en raison de cette même culture, les Japonais ont souvent peu d’estime d’eux-mêmes. Nous essayons donc d’aider les gens à s’accepter tels qu’ils sont, de leur faire prendre conscience que Dieu nous aime comme nous sommes. Par la prière, par le témoignage de vie, et aussi et par les contacts fraternels.

Comment sont les liens avec les non chrétiens?
Les relations entre catholiques et non catholiques sont très positives. Il y a seulement 0,3% de catholiques japonais, 0,6% en comptant les catholiques étrangers, et on compte environ 1% de chrétiens dans le pays en incluant les protestants. Beaucoup de congrégations ont fondé des écoles catholiques ici, en offrant une formation humaine et en véhiculant des valeurs chrétiennes. Donc beaucoup de familles japonaises apprécient cela et veulent y placer leurs enfants, à la fois pour le haut niveau académique de ces établissements, mais aussi pour les valeurs qui y sont transmises. Donc d’une certaine manière, beaucoup de gens reçoivent une éducation chrétienne inconsciemment. Il y a très peu de gens qui nous voient de manière négative. Certains membres de sectes peuvent être agressifs, mais de manière générale, les gens sont très ouverts à la foi.

Sœur Momoko (à gauche) avec Estela Padilla, une théologienne philippine, également membre de l’assemblée synodale.

Comment expliquez-vous que la foi chrétienne ne parvienne pas à se développer davantage au Japon ?
Si vous vous rendez dans les régions provinciales japonaises, les gens s’y convertissent très difficilement. Plus vous allez dans les régions rurales, plus les habitants seront réticents à la foi chrétienne. Le bouddhisme est plus qu’une religion, c’est très culturel, c’est inséparable de la culture japonaise, même si les choses ont tendance à changer aujourd’hui. Auparavant, c’était très choquant si quelqu’un se convertissait au christianisme dans une famille. C’est comme si en France, le fils d’une famille catholique se convertissait à l’islam.
Le pays est très bouddhiste, même si les gens ne vont pas beaucoup au temple sauf pour certaines occasions (comme le décès d’un proche, la nouvelle année, un mariage…). Ce n’est pas un pays athée. Les Japonais sont religieux mais assez peu pratiquants. Il y a aussi beaucoup d’autres raisons, que nous ne connaissons pas forcément toutes d’ailleurs ! Il y a notamment le fait que dans le monde moderne, il devient plus difficile de s’engager dans une religion.

Vous avez participé à l’Assemblée continentale asiatique du Synode en février dernier: quelles sont les préoccupations majeures que vous voulez partager ?
En février, je faisais partie de l’équipe de discernement et de rédaction, et je représentais l’Asie de l’Est. Cette opportunité m’a aidée à élargir mon horizon, en tant qu’Asiatique. L’Asie est vraiment immense, il y a beaucoup d’enjeux très différents. Sur le continent, il y a par exemple beaucoup de pays où il est interdit de se convertir, où les gens rencontrent des discriminations. Il y a aussi le problème du changement climatique qui affecte particulièrement les pays les plus pauvres.
Il n’y a pas de persécution officiellement, à proprement parler, mais d’une certaine manière, parce qu’il y a de l’indifférence, ou parce que nous sommes assez peu reconnus étant une minorité, nous autres baptisés, nous ne partageons pas suffisamment notre foi. J’ai donc ici une occasion de témoigner. Comme c’est un continent multireligieux, les catholiques sont conscients que leur vie et leur façon d’agir peuvent être en elles-mêmes évangélisatrices. Beaucoup de gens veulent partager l’amour de Dieu par leur propre vie. Il y a par exemple des symboles comme le fait d’ôter ses chaussures quand on entre dans une maison ou un lieu saint, afin d’exprimer le respect physiquement et spirituellement.

Vous avez été nommée présidente déléguée de l’Assemblée synodale : pouvez-vous décrire votre rôle?
Avec les huits autres présidents délégués (dont une seconde femme, la religieuse mexicaine Maria De Los Dolores Palencia Gómez NDLR), je suis chargée de présider l’assemblée du Synode et par l’autorité du pape en son absence. J’ai trouvé que c’était bien de commencer par une retraite. Je pense que nous ne sommes pas là pour dire ce que nous pensons ; quand nous prions en tant qu’assemblée, l’Esprit Saint est là pour nous guider. Pour cela, ces trois jours de retraites étaient très bons. C’était une bonne façon de commencer. Sans cela, cela n’aurait pas été pareil. Ensuite, nous avons commencé à la 16e Assemblée générale, mais c’était pour moi comme une continuité de la retraite, avec une attitude très priante.
Je pense que le Synode sur la synodalité n’est pas réservé aux 365 participants, toute l’Église catholique peut être impliquée ! Beaucoup de gens prient pour nous, ils savent ce que nous faisons, nous sommes unis. Concernant les craintes que certains peuvent avoir, peut-être que les perceptions que les gens ont du Synode sont très différentes. Je crois qu’il est aussi important de les écouter pour comprendre pourquoi il y a ces craintes. (cath.ch/eda/mp)  

Momoko Nishimura (à gauche) avec Estela Padilla, une théologienne philippine, également membre de l’assemblée synodale | DR
15 octobre 2023 | 11:05
par Rédaction
Temps de lecture : env. 5  min.
Asie (39), Japon (99), synodalité (78), Synode (177)
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