Haut-Karabakh: le pape appelle Azerbaïdjan et Arménie au dialogue
Le pape François a interpellé ouvertement l’Azerbaïdjan et l’Arménie, appelant à mettre fin à la crise humanitaire du Haut-Karabakh, lors de l’angélus du 1er octobre 2023. Ce même jour, les autorités arméniennes révélaient que déjà plus de 100’000 personnes étaient arrivées en Arménie en provenance de l’Artsakh – dénomination arménienne du Haut-Karabakh – «déplacées de force suite à l’épuration ethnique de l’Azerbaïdjan».
«J’ai suivi ces jours-ci la situation dramatique des personnes déplacées dans le Haut-Karabakh. Je renouvelle mon appel au dialogue entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, en espérant que les discussions entre les parties, avec le soutien de la communauté internationale, aboutiront à un accord durable qui mettra fin à la crise humanitaire», a déclaré d’un ton grave le pape François après la prière de l’Angélus.
Près de 600 morts
Les autorités locales de cette enclave à la population très majoritairement arménienne située en Azerbaïdjan, qui ont contrôlé le Haut-Karabakh pendant trois décennies, ont capitulé et accepté de déposer les armes la semaine dernière, après une offensive éclair de l’Azerbaïdjan faisant près de 600 morts. Quelque 200 soldats ont été tués dans chaque camp, tandis que plusieurs centaines d’autres ont été blessés.
Depuis, l’enclave a été presque entièrement désertée par les 120’000 habitants qui y vivaient avant la guerre, fuyant leurs terres ancestrales par crainte de représailles de l’Azerbaïdjan. L’Arménie, pays à majorité chrétienne, est confrontée à un afflux massif de réfugiés faisant craindre une grave crise humanitaire. Elle a célébré dimanche 1er octobre un jour de prière pour le Haut-Karabakh. Les cloches des églises ont résonné dans le pays et le Patriarche Garéguine II (ou Karekine II), chef de l’Eglise apostolique arménienne, a célébré une messe à la cathédrale d’Etchmiadzin, près d’Erevan, siège de l’église-mère de l’Église apostolique arménienne.
Déception arménienne face à la position du Vatican
Le flux d’exilés a ravivé les accusations d’un «nettoyage ethnique» et Erevan a lancé un nouvel appel à la Cour internationale de justice (CIJ), réclamant des mesures urgentes pour protéger les habitants de l’enclave, désormais désertée de sa population arménienne. Critiqué, le silence relatif du Saint-Siège vis-à-vis de l’Arménie a été défendu par le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin, plaidant pour un travail diplomatique discret plutôt que des condamnations.
Le 1er octobre, les «Nouvelles d’Arménie en Ligne» déplorent que le pape François, qui a évoqué ce dimanche «la situation dramatique des personnes déplacées dans le Haut-Karabakh» n’a en revanche pris «aucune position de soutien ferme envers les Arméniens du Haut-Karabakh victimes d’une épuration ethnique de la part de l’Azerbaïdjan».
Politique d’éradication de l’héritage culturel et religieux arménien
Les responsables chrétiens en Arménie redoutent que l’Azerbaïdjan, pays à majorité musulmane chiite, mène la même politique d’éradication de la présence culturelle et religieuse arménienne au Haut-Karabakh qu’ils ne l’ont fait dans l’exclave du Nakhitchevan, située à l’intersection de l’Arménie, de l’Iran et de la Turquie, séparée de l’Azerbaïdjan par la région arménienne méridionale de Syunik. Des chercheurs américains confirment que 98 % des sites du patrimoine culturel arménien au Nakhitchevan ont été détruits par l’Azerbaïdjan.
Au moins 108 monastères, églises et cimetières arméniens du Nakhitchevan ont été démolis ou détruits à l’explosif par le gouvernement azerbaïdjanais, selon l’Observatoire du patrimoine caucasien. Une enquête d’un an menée par une équipe de chercheurs affiliés aux universités de Cornell et de Purdue a mis en évidence une tendance à l’effacement délibéré du patrimoine culturel arménien au Nakhitchevan, une région historiquement arménienne qui a été intégrée à l’Azerbaïdjan à la suite de la soviétisation des républiques d’Arménie et d’Azerbaïdjan entre 1920 et 1921.
Un «effacement culturel qui a peu d’équivalents dans l’histoire»
Un rapport du Caucasus Heritage Watch (CHW) a identifié 108 monastères, églises et cimetières arméniens médiévaux et du début de l’époque moderne au Nakhitchevan qui ont été complètement détruits entre 1997 et 2011 – une éradication décrite par les auteurs du rapport comme un véritable «effacement culturel qui a peu d’équivalents dans l’histoire». (cath.ch/vaticanews/chw/be)