Les évêques du Ghana défendent un projet de loi anti-LGBT
Avec d’autres groupes confessionnels, les évêques catholiques du Ghana ont défendu un projet de loi punissant de prison les personnes LGBTQIA+. La réaction des responsables religieux survient après des menaces de désinvestissement de la part de pays occidentaux.
La nouvelle loi prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans pour les personnes qui encouragent les relations homosexuelles. Les personnes qui s’identifient comme lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, intersexués, queers/en questionnement, asexuels (LGBTQIA+) pourraient également être emprisonnées pour une durée de trois à cinq ans. Le projet de loi vise en outre à retirer les services de santé à la communauté gay, y compris les médicaments contre le VIH.
Le 5 juillet 2023, le parlement ghanéen a adopté la proposition de loi intitulée «Proper Human Sexual Rights and Ghanaian Family Values» (droits sexuels humains et valeurs familiales ghanéennes). Le texte passe actuellement par les dernières étapes du processus d’approbation.
Imposer des valeurs étrangères?
La démarche a provoqué de vives protestations, aussi bien au Ghana qu’en Occident. L’une des interventions les plus remarquées a été celle l’ambassadrice des États-Unis au Ghana, Virginia Palmer. La diplomate a critiqué le projet de loi, le jugeant discriminatoire, et estimant qu’il pourrait faire fuir les investisseurs. Elle a parlé d’une loi incompatible avec la «société accueillante et tolérante» du Ghana.
La déclaration de Virginia Palmer a suscité une contre-réaction de responsables religieux dans le pays. Dans une déclaration commune du 24 août 2023, les membres des trois conseils œcuméniques chrétiens du Ghana, dont la Conférence des évêques catholiques (GCBC), ont appelé les pays occidentaux à «mettre fin aux tentatives incessantes de nous imposer des valeurs culturelles étrangères inacceptables», rapporte le site américain Crux.
Appel à adopter «rapidement» la loi anti-LGBT
«Tout comme les États-Unis et d’autres pays dits développés ont leurs valeurs culturelles qui déterminent ce qui est acceptable et/ou inacceptable dans leurs juridictions respectives, le Ghana, en tant que nation souveraine, a également des valeurs culturelles et religieuses qui guident, informent et garantissent la subsistance, l’harmonie et la cohésion de nos communautés, et nous n’avons pas l’intention de compromettre ces valeurs pour les investisseurs LGBTQI+», affirment les dirigeants chrétiens. Ils ont exhorté les membres du Parlement à «entreprendre rapidement toutes les actions nécessaires pour faire passer le projet de loi dans la législation».
Contre l’avis du pape
Au Ghana même, certains ont critiqué la législation, la considérant comme un retour en arrière en matière de droits de l’homme. «Rightify Ghana», une organisation de défense des droits de l’homme, avertit également que le projet de loi compromet les progrès accomplis dans la lutte contre le VIH et le sida et qu’il porte atteinte aux droits fondamentaux de la communauté LGBTQ+.
La répression de l’homosexualité est largement répandue en Afrique. Les actes homosexuels sont punis par la loi dans 69 États membres de l’ONU, dont 32 africains. Une situation qui rencontre en général le soutien de l’Église locale. A son retour du Soudan du Sud, en février dernier, le pape François a pourtant déclaré que «criminaliser les personnes de tendance homosexuelle est une injustice.» (cath.ch/crux/arch/rz)
L’homosexualité, une «importation» occidentale?
A noter que l’idée généralement acceptée d’une «culture LGBT» «importée» par l’Occident sur le continent africain fait l’objet de débats dans le milieu scientifique. John McAllister, professeur de littérature à l’Université du Botswana, affirme notamment, dans un article paru en 2013, que «contrairement à l’affirmation selon laquelle l’homosexualité est une importation européenne/occidentale, c’est en fait l’homophobie qui est l’importation occidentale».
Pour le chercheur, la non acceptation de l’homosexualité a en effet été introduite en Afrique par les missionnaires et les fonctionnaires coloniaux à la fin du 19e et au début du 20e siècle (à l’époque où la panique morale suscitée par la nouvelle catégorie médicale/psychologique de ‘l’homosexualité’ était à son comble en Occident). Elle aurait été «insérée» dans les cultures africaines en même temps que le christianisme, la pudibonderie victorienne, les codes vestimentaires de la bourgeoisie, les manières de table, etc.
Pour John McAllister, «les données anthropologiques et historiques montrent clairement que les sociétés africaines précoloniales avaient leurs propres méthodes, souvent très tolérantes, voire permissives, pour intégrer des modes de vie sexuels alternatifs dans les structures sociales et les systèmes de parenté traditionnels». Selon l’expert, «l’homophobie, y compris les lois sur la sodomie qui sont encore en vigueur dans la plupart des pays africains, constituent ce qui est ‘non africain’, et non l’homosexualité en tant que telle.» RZ