L’histoire du catholicisme en Mongolie
Du 31 août au 4 septembre 2023, le pape François se rendra en Mongolie, une première historique. Même si l’installation des premiers missionnaires en Mongolie date d’il y a à peine plus de 30 ans, l’histoire des relations entre le monde chrétien et l’illustre nation des khans est riche et ancienne.
Elle se résume en 4 périodes: en premier lieu, entre le VIe siècle et le début du XIIIe siècle, on observe la présence de représentants de l’Église nestorienne, un courant considéré comme hérétique par Rome mais qui a prospéré jusqu’aux confins de l’Asie; ensuite, au XIIIe siècle, survient une période d’échanges intenses entre la chrétienté et la Mongolie toute puissante des Khans, qui seront tentés de s’allier face à l’émergence des dynasties musulmanes d’Égypte; les missions envoyées en Chine entre le XVIe et le XXe siècle tentent d’atteindre la Mongolie, sans succès; et enfin, après la période communiste, s’ouvre la première phase d’évangélisation de la Mongolie.
I. Les racines nestoriennes
VIe-XIe siècles: Des prêtres chrétiens appartenant à l’Église nestorienne parcourent l’Asie et convertissent de nombreux membres de plusieurs tribus présentes en Mongolie: les Naimans, les Keraït, les Ouïghours ou encore les Kara Khitai.
1203: Le chef des Keraït, Toghril, est trahi par son allié Gengis Kahn et meurt assassiné. Son peuple intègre la grande horde de Gengis Kahn. Certains historiens assimilent Toghril, qui était probablement nestorien, au prêtre Jean, un personnage mythique ayant dirigé un grand royaume chrétien dans la région.
II. L’échec de l’alliance franco-mongole
1238: Louis IX et Édouard Ier d’Angleterre refusent de s’allier aux Abbassides contre les Mongols.
1240: Le pape Grégoire IX envoie une délégation de neuf dominicains, guidée par le prêtre Guichard de Crémone, qui se rend en Géorgie. Ils sont témoins de la chute du royaume de Géorgie, battu par les Mongols en 1243, et rapportent leur témoignage à Rome.
1241: Les Mongols envahissent la Hongrie. Ils y restent jusqu’en 1286.
1245: Le pape Innocent IV envoie quatre missions en Mongolie pour entrer en contact avec ses dirigeants. Sont notamment envoyés les dominicains Ascelin de Lombardie, Simon de Saint-Quentin et André de Longjumeau, et les franciscains Jean de Plan Carpin et Laurent du Portugal.
1246: Le Khan Guyuk, neveu de Gengis, envoie une lettre menaçante à Innocent IV, lui demandant de se soumettre à lui «ou de devenir son ennemi».
1248: Innocent IV publie la lettre apostolique Viam agnoscere veritatis, dans laquelle il demande aux Mongols de cesser leurs menaces. Saint Louis, en croisade à Chypre, reçoit une lettre des Mongols demandant une alliance et l’invitant à attaquer les Mamelouks en Égypte (ce qu’il fait l’année même). Le roi de France, apprenant l’existence de chefs chrétiens en Mongolie, envoie à son tour une délégation, menée par André de Longjumeau pour tenter de nouer une alliance avec le Khan Guyuk – mais ce dernier meurt quand l’émissaire du roi arrive.
1253: Saint Louis envoie en Mongolie un deuxième émissaire, le franciscain flamand Guillaume de Rubrouck. Le prêtre conclut qu’une alliance n’est pas possible et que le christianisme des Mongols est feint, et invite le roi à venir aider les chrétiens d’Arménie et de Géorgie.
1254: Le roi Héthoum Ier de Géorgie se rend en Mongolie et prête allégeance à Mongke Khan, petit-fils de Gengis Kahn, en échange de son aide contre le califat de Bagdad.
1258: Le Khan Houlagou, frère de Mongke, et fondateur de la dynastie ilkhanate en Perse, prend Bagdad. Il est le chef mongol le plus proche du christianisme, car marié à une reine nestorienne. Il se proclame protecteur des chrétiens de son territoire.
1259: Le pape Alexandre IV condamne les Mongols et demande aux chrétiens de Terre Sainte d’organiser une croisade contre eux – sans résultat.
1260: Bohémond VI d’Antioche, beau-fils de Héthoum Ier, se soumet à son tour aux Mongols. Ces derniers sont finalement stoppés en Terre Sainte par les Mamelouks lors de la bataille d’Ain Jalut, le 3 septembre de la même année.
1262: Le Khan Houlagou envoie une nouvelle offre d’alliance à saint Louis. Il promet de restituer Jérusalem au pape.
1263: Urbain IV, ayant appris la nouvelle, publie la bulle Exultavit cor nostrum dans laquelle il remercie le Khan Houlagou et l’enjoint à se convertir au christianisme – en vain.
1269: Premier voyage de Marco Polo en Mongolie.
1269-1274: Les croisés du roi Édouard Ier d’Angleterre combattent aux côtés de troupes mongoles en Terre Sainte.
1274: Lors du second concile de Lyon, le pape Grégoire X accueille des délégués envoyés par des représentants mongols, qui affirment vouloir collaborer avec les royaumes chrétiens. Le pontife décide alors le lancement d’une croisade commune – mais les puissances européennes ne le suivent pas.
1282: Le second fils du Khan Houlagou, Ahmad Teküder, converti à l’islam, prend la tête de l’Ilkhanat de Perse et envisage une alliance avec les Mamelouks. Il est renversé en 1284 par Arghun, son neveu.
1285: Le Khan Arghun envoie deux émissaires au pape Honorius IV pour lui demander de l’aider à repousser les musulmans. Il promet même de se faire baptiser si Jérusalem est reprise – mais les puissances européennes ne souhaitent plus partir en croisade.
1295: Le Khan Arghun meurt: lui succède Ghazan, qui annonce publiquement sa conversion à l’islam. Mais il continue de combattre avec les chrétiens en Terre Sainte contre les Mamelouks, tout comme le feront ses descendants.
1307: Le diocèse de Cambaluc, nom de Pékin sous la domination mongole des Yuans, est érigé par le pape Clément V. Le franciscain Jean de Montecorvino en est l’évêque pendant 20 ans. Il traduit le Nouveau Testament en langue ouïghoure, alors parlée par les élites mongoles. Cette petite présence chrétienne est finalement éradiquée avec la déchéance des Mongols et le début de la dynastie chinoise Ming, à partir de 1368.
1335: Ravagé par la Grande Peste, l’Ilkhanat de Perse se dissout et met fin à l’influence de la dynastie mongole dans le Proche-Orient.
1403: Tamerlan, prince turco-mongol, fondateur de la dynastie timouride qu’il fait naître sur les ruines de l’Ilkhanat de Perse, correspond avec le roi Charles VI, lui proposant une alliance contre les Mamelouks.
III. L’échec des missions
1690: Par la bulle Romani pontificis, le pape Alexandre VIII érige à nouveau le diocèse de Pékin, dont le territoire comprend la Mongolie.
1840: Un vicariat apostolique de Mongolie est détaché du diocèse de Pékin.
1868: Le fondateur de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM, connu comme les scheutistes), le Belge Théophile Verbist, meurt du typhus à Laohugou en Mongolie intérieure sans avoir pu rejoindre l’actuelle Mongolie.
1883: Fondation d’un vicariat apostolique de Mongolie intérieure – en actuelle Chine.
1922: Fondation d’une mission sui juris pour la Mongolie extérieure – l’actuelle Mongolie. Mgr Jerome Van Aertselaer (CICM) en est nommé administrateur apostolique. Les missionnaires n’ont pas le temps de s’installer: la République populaire mongole, régime athée communiste, est proclamée en 1924. Tous les croyants sont persécutés ou exilés par le dictateur, Horloogiyn Choybalsan.
1931: Le dernier évêque de la mission sui juris, Mgr Everard Ter Laak (CICM), meurt en Chine.
IV. Trente ans d’existence
1992: Après la chute du mur, la Mongolie décide d’ouvrir ses portes aux missionnaires. Sa nouvelle constitution déclare: «En Mongolie, l’État respecte les religions, tandis que les religions honorent l’État». Rome ouvre ses relations diplomatiques avec Oulan-Bator et demande aux Scheutistes (CICM) d’envoyer trois prêtres sur place, qui s’installent à Oulan-Bator, pour initier une mission sui juris. À cette époque, la Mongolie ne compte, officiellement, aucun catholique. Le Père Wenceslao Padilla est nommé supérieur ecclésiastique de la mission.
1995: Proche des Scheutistes, la congrégation belge des Sœurs missionnaires du Cœur immaculé de Marie (appelées aussi De Jacht) envoie les quatre premières religieuses du pays à Oulan-Bator.
1996: La première église de Mongolie – l’actuelle cathédrale – est consacrée. Le gouvernement encourage l’installation des missionnaires en accordant une «autorisation perpétuelle pour les activités religieuses» aux catholiques.
1997: Mgr John Bulaitis, nonce en Corée du Sud, est aussi nommé nonce en Mongolie par le pape Jean Paul II.
2003: Le pape Jean Paul II crée la préfecture apostolique de Mongolie. Le missionnaire scheutiste philippin Wenceslao Padilla est ordonné premier préfet apostolique de Mongolie par le cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples. Le pape polonais aurait voulu l’ordonner sur place, mais doit annuler en raison de sa santé déclinante. La même année arrivent en Mongolie des missionnaires de la Consolata, une congrégation italienne. Parmi eux se trouve Giorgio Marengo, qui deviendra plus tard le premier cardinal du pays.
2004: Publication de la première version du Catéchisme de l’Église catholique en langue mongole.
2006: L’Église catholique compte 600 adhérents en Mongolie.
2007: Arrivée des Salésiens en Mongolie.
2009: Le gouvernement mongol retire l’autorisation perpétuelle accordée en 1996. Les missionnaires présents pour des raisons religieuses ou caritatives doivent désormais demander une autorisation chaque année.
2016: Ordination du premier prêtre catholique d’origine mongole.
2018: Mort en poste de Mgr Padilla, premier préfet d’Oulan-Bator.
2020: Le pape François nomme le Père Giorgio Marengo préfet apostolique d’Oulan-Bator.
2022: Le pape François crée Mgr Giorgio Marengo cardinal.
2023: Première visite d’un pape en Mongolie. L’Église dans ce pays compte officiellement un peu moins de 1400 catholiques. (cath.ch/imedia/cd/rz)
Sources:
La Horde: Comment les Mongols ont changé le monde, Marie Favereau, 2023.
Histoire secrète des Mongols, Connaissance de l’Orient, Série mongole, Gallimard, 1993.
Voyage dans l’empire mongol, 1253-1255, Guillaume de Rubrouck.
Le voyage du pape François en Mongolie, du 31 août au 4 septembre 2023, sera l’occasion pour le pontife de s’adresser à un peuple pratiquant des traditions religieuses diverses et très anciennes.