Le Programme alimentaire mondial réduit encore son aide aux Rohingyas
Le Programme alimentaire mondial des Nations unies a annoncé une nouvelle baisse de ses subventions destinées aux réfugiés des camps de Cox’s Bazar, dans le sud-est du Bangladesh. Il s’agit de la deuxième baisse en trois mois, due au manque de financement.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a déclaré être forcé de réduire son soutien alimentaire aux réfugiés Rohingyas au Bangladesh faute de fonds suffisants, rapporte le site Eglises d’Asie. Dans les camps de Cox’s Bazar, dans le sud-est du pays, on compte toujours près d’un million d’entre eux. Il s’agit de la seconde réduction des rations alimentaires fournies par le PAM en trois mois, alors que la minorité Rohingya a été particulièrement affectée par le cyclone Mocha (qui a touché toute la côte birmane jusqu’au Bangladesh le 14 mai dernier).
Huit dollars par personne et par mois
Selon les Nations unies, au moins 800’000 personnes ont besoin d’aide humanitaire immédiatement. Un porte-parole de l’organisation, Kun Lin, a confié aux médias qu’après une baisse de 12 à 10 dollars US par personne et par mois, les subventions accordées aux familles Rohingyas vont encore chuter jusqu’à 8 dollars à compter du 1er juin. Près de 56 millions de dollars sont nécessaires pour poursuivre la distribution des aides alimentaires, a-t-il ajouté.
Peter Saiful, qui est chrétien contrairement à la plupart des autres membres de l’ethnie Rohingya, estime que «puisque le gouvernement bangladais ne permet pas aux Rohingyas de travailler, certains pourraient fuir les camps pour tenter de gagner de l’argent dans d’autres régions du pays».
«Le Bangladesh ne peut pas forcer les Rohingyas à partir»
Peter, qui fait partie de la Fraternité chrétienne Rohingya de l’Église Bethel, de confession protestante, ajoute que de nombreux groupes criminels cherchent à pousser les réfugiés à détourner les aides. Il signale enfin que «si les gens ne reçoivent pas la nourriture dont ils ont besoin pour survivre, différentes maladies pourraient se propager».
«Certains réfugiés pourraient accepter de rentrer [en Birmanie] même si les conditions n’y sont pas sûres», note-t-il en évoquant les risques potentiels liés à la décision de l’ONU. Le pays est en effet en proie aux conflits internes entre la junte et les groupes rebelles armés depuis le coup d’État du 1er février 2021, au cours duquel l’armée birmane a chassé le gouvernement civil du pouvoir.
Dès 2017, les membres de la minorité Rohingya, qui vivent principalement dans l’État de Rakhine, dans l’extrême nord-ouest de la Birmanie, ont fui massivement au Bangladesh pour échapper aux violences et aux persécutions de l’armée, qui a fait d’eux des apatrides. «Le Bangladesh ne peut pas forcer les Rohingyas à partir, sauf via les rapatriements volontaires. Et personne n’a accepté de s’en aller», assure Peter Saiful. Toutefois, ajoute-t-il, «en essayant de forcer le PAM à réduire les rations alimentaires et les aides indispensables, ils tentent de pousser les Rohingyas à rentrer.»
Au moins 164 réfugiés tués dans les camps en cinq ans et demi
La semaine dernière, la Première ministre bangladaise Sheik Hasina a réagi en assurant à la BBC que son pays a accueilli les Rohingyas et respecté leurs droits. «Face à leurs souffrances, nous leur avons permis de venir dans notre pays. Nous avons respecté tous les exigences requises pour eux. Près de 40’000 femmes étaient enceintes», a-t-elle déclaré. Par-dessus tout, a-t-elle insisté, «nous faisons en sorte qu’ils reçoivent les soins et la nourriture dont ils ont besoin. Au début, personne n’est intervenu. Ce sont les Bangladais, les habitants de notre pays, qui sont venus pour les aider.»
Cependant, les conditions se sont progressivement détériorées dans les camps de Cox’s Bazar. Au moins 164 personnes ont été tuées au cours des cinq dernières années. Certains réfugiés sont impliqués dans des trafics de drogues et des trafics humains, et les violences semblent être dues à des tensions entre différents groupes se disputant le contrôle du trafic de drogue au sein des camps. Récemment, des soldats bangladais ont été tués durant des embuscades lancées par des milices ethniques, et pour cette raison, les autorités bangladaises voient d’un plus mauvais œil la présence de tant de réfugiés sur leur territoire. (carh.ch/eda/bh)