Bolivie: un prêtre aurait abusé de 90 enfants
Un jésuite espagnol décédé en 2009 aurait abusé de 89 mineurs en Bolivie. Son journal intime aurait aussi permis de révéler un réseau de dissimulation dans la Compagnie de Jésus et l’Eglise locale.
El Pais a mené une enquête dont les résultats ont été dévoilés début mai 2023. Le qotidien espagnol a expliqué avoir débuté sa démarche après avoir reçu le journal intime du Père P. de la part de son neveu. Le jésuite, arrivé en Bolivie en 1971, raconte dans le document avoir agressé sexuellement au moins 89 enfants jusqu’en 2008. Il avait eu une activité d’enseignant dans des écoles catholiques du pays jusqu’à sa mort, en 2009.
Le neveu aurait trouvé le journal de son oncle en 2021. Il aurait alors interpellé la direction de l’école Jean XXIII, à Cochabamba (sud-ouest), où l’abuseur avait principalement exercé. Il assure s’être aussi adressé au ministère public espagnol, ainsi qu’à la Compagnie de Jésus en Bolivie. Le parquet espagnol a toutefois considéré l’affaire comme prescrite et n’est pas entrée en matière. Le neveu a finalement délivré les informations en sa possession au journal El Pais.
Système de dissimulation?
Selon le quotidien, deux autres jésuites travaillant à l’école Jean XXIII auraient abusé d’élèves. Dans son journal intime, le Père P. évoquerait en outre un «réseau de dissimulation». El Pais suggère qu’au moins sept supérieurs hiérarchiques ainsi qu’une douzaine de représentants de l’Eglise locale étaient au courant des faits, dont des anciens provinciaux de la Compagnie de Jésus. Ces derniers auraient formé un groupe chargé de faire en sorte que rien ne filtre à l’extérieur.
Un ancien jésuite, Pedro Lima Salazar, a révélé qu’il avait été expulsé de l’ordre en 2001, précisément pour avoir dénoncé le prêtre abuseur et d’autres religieux. D’anciens élèves connaissant la vérité ont également affirmé avoir été l’objet de pressions, voire de sanctions de la part de la direction de l’école.
Vers une enquête générale sur les abus dans l’Eglise
Le procureur général bolivien,Wilfredo Chavez, a annoncé l’ouverture d’une vaste enquête sur le cas du Père P.. Si le jésuite décédé ne peut plus être poursuivi pénalement, ceux qui ont couvert les faits le peuvent. L’affaire a fortement choqué l’opinion publique en Bolivie, «au point de déclencher un débat national sur la pédophilie dans l’Église, qui n’avait pas eu lieu jusqu’alors», note El Pais. La ministre de la présidence, María Nela Prada, a demandé à l’Église catholique bolivienne de faire une déclaration ferme.
Le bureau du procureur général envisage même d’ouvrir une enquête générale sur les cas d’abus dans l’Église bolivienne dans son ensemble. Le président bolivien Luis Arce a exigé que les personnes concernées rendent des comptes et que la loi soit appliquée de façon impitoyable dans cette affaire.
Suspension des anciens provinciaux
La Conférence épiscopale du pays a déjà présenté ses excuses pour cette affaire. Dans une première réaction, les jésuites boliviens ont regretté «la souffrance infligée aux victimes» et ont signalé leur «honte de cette situation». La Compagnie de Jésus aurait ouvert une enquête contre l’accusé en 2022, concernant un cas en particulier. Elle était parvenue à la conclusion que les accusations étaient fondées. L’ordre souhaiterait maintenant écouter les personnes concernées et apporter sa contribution à la clarification de l’affaire. Le 2 mai, les jésuites de Bolivie ont annoncé la suspension immédiate des religieux qui étaient provinciaux au moment des faits pour mener une enquête sur leur rôle dans l’affaire. (cath.ch/elpais/ag/rz)