F-X Amherdt: «Il faut une parole d’espérance très réaliste»
Après 16 ans comme professeur ordinaire de théologie pastorale, l’abbé François-Xavier Amherdt quitte l’Université de Fribourg, pour retourner dans le diocèse de Sion comme curé de Savièse. Pour cath.ch, il revient sur cette riche période de sa vie.
«Au terme de mon enseignement, je me sens de plus en plus appelé à délivrer une parole d’espérance», insiste François-Xavier Amherdt. «J’aime bien le mot ‘enthousiasme’ dans son sens étymologique d’être ‘rempli de Dieu’. Être témoin dans ce contexte de crises, de guerre, de destruction de l’environnement, du désespoir de la jeunesse, des abus dans l’Église, exige une parole d’espérance très réaliste. Il s’agit de voir que Dieu continue d’être à l’œuvre dans le monde et dans l’Eglise. D’où l’importance d’un ancrage dans la spiritualité et dans la Bible.
Touche-à-tout de talent, François-Xavier Amherdt a été actif dans tant de domaines qu’il est difficile de résumer son activité foisonnante. Cath.ch vous propose quelques flashs.
Une mission donnée par Mgr Schwery
Après trois ans comme maître d’enseignement et de recherches, en étant conjointement directeur de l’Institut de formation aux ministères (IFM, devenu CCRFE), François-Xavier Amherdt a été nommé comme professeur ordinaire de théologie pastorale. «C’était une demande de Mgr Henri Schwery, évêque de Sion, qui souhaitait qu’un prêtre diocésain romand soit membre du corps professoral de l’Université de Fribourg. J’ai ainsi pu, ou au moins essayé de tisser le lien entre la Faculté de théologie et les diocèses, entre l’enseignement, la recherche et le terrain. C’est quelque chose que mes confrères ont salué. J’ai toujours gardé ce lien avec la pastorale de mon diocèse.»
La théologie reste attractive
Du côté universitaire, F.-X. Amherdt exprime sa gratitude pour l’accueil de ses collègues. La théologie pastorale et la pédagogie religieuse ont vraiment leur place dans l’enseignement de la Faculté. La collaboration a été très bonne tant avec les dominicains qu’avec ses homologues de la section alémanique. Et entre autres avec le professeur de liturgie Martin Klöckener qui vient également de prendre sa retraite. «Je reconnais que la partie germanophone stimule la partie francophone qui est plus classique pour une théologie plus ouverte. C’est très précieux. Je ne constate d’ailleurs plus du tout de tensions, comme il a pu en exister par le passé «.
«Au-delà des crises et des difficultés – ou peut-être grâce à elles – l’intérêt pour la vie ecclésiale se maintient.»
L’accueil des étudiants a également été excellent. «Un grand nombre d’entre eux ont fait avec moi leurs travaux écrits de bachelor, diplôme ou master en théologie pastorale. J’ai également eu nombre de doctorants.» Pour le professeur, cela montre qu’au-delà des crises et des difficultés – ou peut-être grâce à elles – l’intérêt pour la vie ecclésiale se maintient. Le nombre des étudiants dans la faculté reste stable, à environ 400. Fribourg est ainsi la plus grande des facultés de théologie de Suisse catholiques et protestantes.
Au cours des dernières décennies, Fribourg a aussi acquis une forte dimension œcuménique. La faculté compte beaucoup d’étudiants réformés, évangéliques et aussi orthodoxes. «C’est important pour une théologie catholique qui ne soit pas figée mais dynamique», relève François-Xavier Amherdt.
La collaboration avec les confrères germanophones de Suisse, à Coire ou à Lucerne, ainsi qu’avec les collègues réformés de Genève et Lausanne a également été stimulante.
Un rayonnement international
Au-delà de la cité des Zaehringen, la collaboration internationale, entre autres autour de la Revue Lumen Vitae, dont il est le directeur adjoint, est aussi un des grands motifs de satisfaction de François-Xavier Amherdt. «Cela m’a ouvert de nombreux horizons en particulier en Belgique avec Louvain-la-Neuve, mais aussi Paris, Laval au Québec, et Vérone en Italie. Les cahiers internationaux de théologie pratique permettent la publication de nos travaux en ligne.
La prédication
Un des sujets de ›prédilection’ de François Xavier Amherdt a été la prédication, ou l’homilétique selon le terme savant, avec notamment un manuel sur La joie de prêcher qui est quasiment le seul en théologie catholique francophone, avec des aspects théoriques et pratiques. Sur un ton plus léger, mais néanmoins sérieux, il a rédigé avec le chanoine Guy Luisier: L’anti-manuel de prédication; les 66 tactiques du Diable pour faire échouer une homélie. «Je pense que l’homélie peut (et doit) être une nourriture pour la vie spirituelle des fidèles. Aujourd’hui, il manque à mon sens une formation continue dans le domaine. Il s’agit de ‘transmettre ce que l’on a contemplé’ selon les mots de Thomas d’Aquin.»
«Les funérailles sont une pastorale du carrefour, où l’on rencontre énormément de gens éloignés de l’Eglise.»
Les funérailles et la Bible
Parmi ses favoris, François Xavier Amherdt cite aussi la pastorale des funérailles. «C’est une pastorale ‘carrefour’ où l’on rencontre énormément de gens éloignés de l’Eglise. Comment les approcher? Avec la pandémie de covid-19, nous avons constaté combien l’absence de célébration de funérailles a pesé pour les familles en deuil.»
La formation biblique reste aussi un ›must’. François-Xavier Amherdt l’a développée dans le cadre de l’Association (Animation) biblique catholique (ABC) dont les cahiers d’animation sont largement appréciés dans la francophonie.
Sport et musique
La pastorale du sport et la musique qui correspondent à ses ‘dada’ personnels doit également être mentionnée. «Le petit livre Ce que la Bible dit du sport me vaut des appels de journalistes à chaque grande compétition internationale.»
L’aspect interculturel de la faculté fribourgeoise qui rassemble plus de 50 nationalités a aussi été un des points d’attention du professeur. «En accompagnant leurs travaux, j’ai moi-même élargi mes horizons, pour voir combien le métissage peut être une richesse pour l’Eglise.»
Un enseignement au rythme du pape François
«Tout mon enseignement s’est déroulé au rythme de la pastorale du pape François, explique le prêtre: Evangelii gaudium pour l’évangélisation, Amoris laetitia «dont on n’a pas encore tiré tous les enseignements», Laudato si’ pour les questions écologiques et Fratelli tutti sur la fraternité humaine.
Récemment, les ministères de catéchiste, de lecteur-lectrice et d’acolyte institués, désormais ouverts aux laïques par le pape François, ont attisé sa réflexion. Ces ministères portent une responsabilité dans la transmission de la Parole. «Je crois beaucoup à l’Eglise comme communauté de communautés.»
Depuis la vingtaine d’années qu’il est professeur, François Xavier Amherdt a constaté que la collaboration entre les prêtres et les laïcs, même si elle présente parfois des difficultés, est quelque chose d’acquis chez nous. Ce qui n’est pas le cas partout! La démarche synodale lancée par le pape peut la renforcer. De même que l’initiative de Mgr Charles Morerod pour LGF de désigner des représentant-e-s laïques, ou celle de Mgr Jean-Marie Lovey à Sion de nommer des laïques dans son Conseil épiscopal.
«Comme le pape François l’admet lui-même, on pourrait souhaiter encore plus de postes à responsabilité pour les femmes, sans forcément les lier au ministère ordonné qui est une autre question, même si personnellement je serais favorable au diaconat féminin.»
La synodalité n’est pas une question de pouvoir ou de structures
Pour lui, la synodalité n’est pas une question de structures, de pouvoir ou d’organisation, mais d’abord de spiritualité. «Plus nous offrirons des écoles de prières et de spiritualité, plus la synodalité pourra se vivre. Une des questions posées pourrait s’exprimer ainsi: ‘Qu’est-ce je gagne en autorité quand je perds quelque chose en pouvoir?’ Une autre question de nos assemblées pourrait-être: ‘Qui manque-t-il autour de la table? Les pauvres? Les migrants? Les malades?’ C’est quand nous mettons les périphéries au centre que l’Eglise se renouvelle.»
François-Xavier Amherdt ramène ici le thème de ›L’école de sainteté’ qui a été un élément récurrent de sa réflexion à la suite notamment de l’exhortation apostolique du pape François Gaudete et exsultate. «Nous sommes tous appelés à devenir des saints dans notre vie quotidienne. Comment mettre en place les conditions favorables pour cela? J’ai beaucoup travaillé sur la spiritualité d’engendrement en pastorale et ma leçon d’adieu ira dans ce sens -là. C’est comme cela que nos communautés et nos paroisses peuvent retrouver un souffle. (cath.ch/mp)
Le professeur F.-X. Amherdrt donnera sa leçon publique d’adieu le 10 mai 2023, à l’aula magna de l’Université de Fribourg, à 17h15 sur le thème «Du souffle en théologie pastorale, pédagogie catéchétique et homilétique. Vers une spiritualité de compagnonnage missionnaire pour temps de crise».
Les publications
Seul ou en collaboration, François Xavier Amherdt est l’auteur d’un très grand nombre d’ouvrages. À défaut de les lister, voici une série de collections qu’il dirige ou auxquelles il contribue.
La collection Perpectives pastorales rassemble des ouvrages de vulgarisation souvent élaborés avec des étudiants.
La collection bilingue Théologie pratique en dialogue présente un travail plus académique. Un des derniers volumes revient notamment sur le synode des catholiques suisses en 1972.
Une série Recherches pastorales s’attarde sur des sujets assez spécialisés.
La revue Lumen Vitae et les Cahiers de l’ABC.
Les 12 inouïs de l’Evangile publié en 2022 sont une réflexion plus personnelle.
L’évolution des étudiants à Fribourg
«La première évolution que je constate en faculté de théologie est celle du nombre de femmes», relève François-Xavier Amherdt. Elles sont aujourd’hui environ un tiers pour l’ensemble de la Faculté (près de la moitié en section alémanique). C’est un changement assez fort car la théologie est restée pendant très longtemps une affaire d’hommes.
La deuxième évolution est la diversité des provenances. Aujourd’hui les étudiants issus de familles catholiques et ayant reçu une bonne éducation religieuse se font plus rares au profit de jeunes aux parcours variés, ayant vécu par exemple une conversion. «Ces jeunes arrivent donc avec des exigences plus spécifiques. Je suis positivement touché par leur soif de connaissance et d’intimité avec le Christ.» Il reste aussi quelques séminaristes, à un niveau numériquement assez bas mais stable.
La problématique des abus a provoqué un abattement chez certains étudiants face à l’ampleur de la crise et au manque de réaction des responsables. Mais paradoxalement la situation les amène à davantage s’enraciner dans l’essentiel. Il y a une gravité dans leur chemin qui se traduit par des interpellations mutuelles, entre eux et avec les professeurs.
Avec le professeur Thierry Collaud, nous organisons le 16 mai une rencontre autour du livre L’affaire qui a enquêté sur les dérives des frères Thomas et Marie-Dominique Philippe. Le second a été prof à Fribourg durant 40 ans! MP
Le retour en paroisse
«Le défi de mon retour en paroisse comme curé de Savièse sera de mettre en œuvre ce que j’ai enseigné pendant vingt ans», rigole François-Xavier Amherdt. «J’ai la joie d’être prêtre depuis presque 40 ans et j’ai toujours gardé pas mal d’activités pastorales, mais une autre chose sera de vivre avec une communauté dans la durée.» Savièse est une grande paroisse avec 8’000 catholiques répartis dans huit villages. Il y a beaucoup de laïcs et de nombreuses propositions pour les jeunes. Plus globalement, il faut regarder comment passer d’une pastorale de ‘maintenance’ à une conversion.
Je resterai à disposition à 20% pour des activités de formation, notamment dans le cadre du Foyer de charité de Bex. MP