Miracle ou mirage? le festival 'Il est une foi' ouvre le débat
Suffit-il juste de voir pour croire? Le festival de films IL EST UNE FOI de l’Église catholique romaine à Genève (ECR) consacre sa 8ème édition à la thématique des miracles dans le cinéma. Une entrée en matière entre expériences et interprétations, ou la manière dont le miracle est mis à l’épreuve du réel.
Myriam Bettens, pour cath.ch
Paupières closes et main sur le cœur, les spectateurs du théâtre du Centre Espérance ont assisté, hier soir et en direct, à un miracle. Point d’avocat du diable, ni de postulateur. Par contre, des convaincus et des sceptiques, assurément. En effet, c’est, littéralement, les yeux fermés que les participants ont entamé la conférence inaugurale de la 8è édition du festival IL EST UNE FOI par l’entremise de Marie Cénec, pasteure réformée à Genève et membre du comité cinéma. Suivant la suggestion de l’un des invités, la modératrice a invité le public «à prendre une minute pour écouter son cœur», rappelant par cet exercice que le premier miracle est d’avoir un cœur battant.
«Avez-vous déjà imaginé qu’un ovule est un spermatozoïde qui se rencontrent, dont les noyaux fusionnent, dégagent une lumière de l’ordre de l’explosion atomique. Cette énergie va, quelques heures plus tard, impulser une décharge dans un petit groupe de cellules. Ces dernières vont former le cœur», développe Thierry Janssen, médecin-psychothérapeute. «Ce cœur va battre jusqu’au dernier jour de notre existence. C’est inouï! Et pourtant, pas un seul scientifique n’est capable aujourd’hui de vous expliquer comment cela se produit».
Ils expérimentent dans leur chair
Ce soir-là, les invités des rendez-vous cinéma de l’Église catholique romaine à Genève (ECR) ont expérimenté, dans leur chair, ce que qualifie Thierry Janssen de «logique de la Vie, qui nous dépasse complètement et suffit pour croire aux miracles». A ses côtés, Eliane Baudois acquiesce. La Fribourgeoise partage avec le public son «histoire aussi touchante qu’étonnante». En déplacement pour assister à une foire agricole à Paris, Eliane Baudois appelle à la maison pour prendre des nouvelles. Son beau-père lui relate alors l’accident et «le miracle». Sa fille Virginie, vingt-deux mois, vient de passer sous les roues du tracteur que son beau-père conduisait, mais elle s’en sort indemne. Celui-ci avait invoqué le secours de Marguerite Bays, une paysanne et couturière de Siviriez (FR). La reconnaissance de ce miracle par l’Église a permis sa canonisation par le pape François en 2019.
Sonder le miraculeux
A ces mots, Thierry Janssen se tourne vers Eliane Baudois: «Il y a toujours une partie de moi qui essaie de détecter dans ce type de témoignage ce qui relève du non-spirituel». Le psychothérapeute relève que «ces phénomènes miraculeux sont comme des failles qui viennent interroger notre vision de la réalité». Car comme le note Marie Cénec, «il est très facile de rester dans une lecture symbolique, voire psychologique des miracles. Mais que faire lorsque celui-ci advient sous nos yeux, dans la matière? Il me semble alors que le miracle dérange beaucoup, parce que croire aux miracles peut facilement être taxé de complètement ‘perché’». Par ailleurs, Thierry Janssen souligne le côté rassurant du procès en canonisation instruit par la Congrégation pour les causes des saints. Pour la modératrice, l’Église catholique démontre ainsi une vraie rigueur dans la gestion des miracles, peut-être une manière pour l’Église catholique de canaliser la croyance des fidèles.
Les miracles «ne tombent pas du ciel»
«Un miracle, c’est toute une procédure. Cela ne tombe pas du ciel comme ça!», lance Jean-Paul Conus. Le président du Conseil de la Fondation Marguerite Bays réalise une seconde trop tard ce qu’il vient de dire, la salle est déjà hilare. Cet élan spontané fait également sourire le journaliste Emmanuel Tagnard, l’autre modérateur. Il mentionne néanmoins l’ampleur et la complexité du procès en canonisation de Marguerite Bays, dont Jean-Paul Conus a été l’observateur privilégié. «Lorsqu’on entend un témoignage comme celui d’Eliane Baudois et de Jean-Paul Conus, on devient soi-même témoin», ajoute-t-il.
«Cela vient remuer, mettre une sorte de chaos en moi, mais cela m’invite à trouver une nouvelle façon d’organiser ma pensée», rétorque Thierry Janssen. «Qu’est-ce qui est naturel et surnaturel? A vrai dire, la frontière n’est pas si claire. De nombreux éléments dans notre vie viennent questionner notre compréhension de la réalité et du réel. Nous avons chacun une réalité différente, or le réel englobe toutes ces réalités».
Les limites du réel
Le miracle nous introduit dans le monde de l’inexplicable et de l’inconnaissable. «Il nous encourage aussi à lui trouver un sens et à l’interpréter», avance Marie Cénec. Il oblige à composer avec ce qui est de l’ordre de l’invisible et de l’inexplicable, avec ce qui souvent échappe à la médecine et même à la science «parce que le miracle fait brèche dans le réel. Il fait éclater les limites que nous nous étions fixées». Le miracle, «dans son étymologie même, convoque le regard, puisqu’il provient du latin miraculum, lui-même tiré de mirare et qui signifie regarder et admirer. Il nous fait voir l’invisible», explique encore la modératrice.
En plus de dévoiler et de bousculer, le miracle peut parfois prendre la forme d’un cadeau empoisonné, voire encombrant lorsqu’il est instrumentalisé. Lorsqu’il devient le but de la foi, de la prière ou de l’existence chrétienne, il peut alors même devenir dangereux. Tout comme le miracle, son proche cousin le mirage, tiré de la même étymologie, ne nous propose qu’illusions. (cath/ch/myb/mp)
8e édition du Festival ‘Il est une foi’
Au micro de Marie Cénec, pasteure et Emmanuel Tagnard, journaliste, trois intervenants ont été invités à croiser leur compréhension de ce que miracle signifie pour eux lors de la soirée inaugurale de la 8e édition des rendez-vous cinéma de l’Eglise Catholique à Genève (ECR).
–Eliane Baudois est la maman de Virginie Baudois, qui échappe miraculeusement en 1998, à l’âge de 22 mois à l’écrasement de la roue d’un tracteur, après que le grand père de l’enfant a invoqué le secours de Marguerite Bays. Ce miracle permettra à Marguerite Bays d’être canonisée.
-Jean-Paul Conus est président du Conseil de la Fondation Marguerite Bays. Créée en 1968, cette fondation veille à préserver et à perpétuer l’héritage spirituel de la Sainte de Siviriez. Il a également suivi l’entier du processus de reconnaissance officielle des miracles qui ont permis la canonisation de la couturière fribourgeoise en 2019 par le pape François.
-Thierry Janssen est médecin de formation et psychothérapeute. Il se consacre à une approche globale de l’être humain, au développement de la «médecine intégrative» et à une vision plus spirituelle de la société. Fondateur de l’Ecole de la Posture Juste (EDLPJ) à Bruxelles, il est également l’auteur de plusieurs ouvrages qui ont eu un large écho.
Cette conférence ouvrait le festival de films-débats IL EST UNE FOI autour de la thématique: MIRACLE[S]. D’autres invités continueront d’explorer ces phénomènes l’ordre de l’invisible et de l’inexplicable du 3 au 7 mai aux cinémas du Grütli par le biais de projections cinématographiques suivies de débats. MYB