Le monastère de la Laure de Kiev domine le Dniepr                    | wikimedia commons arraia CC BY-SA 3.0
International

Ukrainiens et Russes s'affrontent au sujet des Grottes de Kiev

Les fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne historiquement liée à Moscou (EOU-MP) sont descendus dans les rues de Kiev pour demander l’annulation de l’expulsion des moines de la Laure des Grottes. Depuis le début de la guerre, ce grand monastère de la capitale cristallise les tensions.

L’administration de l’institution, qui appartient à l’État ukrainien, a annoncé le 10 mars 2023 la résiliation du contrat de bail qui depuis 2013 permettait aux moines d’occuper le site, rapporte asianews. Faute d’un nouvel accord, ils pourraient être contraints de quitter les lieux dès le 29 mars.

Dans la lettre de résiliation, le directeur général Aleksandr Rudnik mentionne les conclusions du groupe de travail interministériel qui signale que la communauté des moines aurait violé les conditions d’utilisation des biens de l’État. Il se réfère également au décret du président ukrainien Zelensky imposant des sanctions personnelles aux représentants de toutes les associations religieuses liées à la Russie.

Pressions depuis des mois

Ces derniers mois le monastère a fait l’objet de pressions croissantes – perquisitions, descentes de police… – de la part du gouvernement ukrainien, qui soupçonne l’institution d’avoir conservé des sympathies pro-russes malgré la déclaration par l’EOU-MP, fin mai 2022, de la rupture de ses liens avec Moscou.

En janvier 2023, l’État ukrainien avait déjà annoncé cesser la locationde la cathédrale de la Dormition à l’Eglise orthodoxe ukrainienne (EOU-MP) et y autoriser la célébration de la messe de Noël orthodoxe par le métropolite Épiphane, à la tête de l’Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine. Le métropolite avait alors salué une «deuxième naissance» pour la cathédrale et la laure, débarrassées de «l’enseignement impie du monde russe’», tandis que l’EOU-MP dénonçait un coup de force de sa rivale. Elle avait toutefois conservé l’accès à la laure dite inférieure, qui abrite les grottes, les cellules des moines, mais aussi le séminaire et l’Académie de théologie de Kiev.

Vive réaction de Moscou

Face à cette nouvelle menace, le patriarcat de Moscou a vivement réagi comparant les politiques ukrainiens à des «fonctionnaires soviétiques des années 1960». Selon lui, il n’existe aucune base juridique réelle pour l’expulsion, qui n’est liée qu’aux «manies» des dirigeants ukrainiens.

Le patriarche Cyrille de Moscou a même lancé un appel au pape François et au secrétaire général de l’ONU, M. Guterres, pour empêcher l’expulsion des moines de la Laure. Il a également rappelé la grande «unité des peuples russe, ukrainien et biélorusse», qui ont leur origine commune à Kiev. Une unité qui est inscrite dans les murs du monastère des Grottes.

Le pape prend la défense des moines

Lors de l’audience générale du 15 mars, le pape François demandé «aux parties en guerre de respecter les lieux religieux» en soulignant que les personnes occupant le monastère sont «consacrées à la prière» et «de quelle confession qu’elles soient, sont un soutien au Peuple de Dieu». Il a néanmoins créé une certaine confusion en évoquant des «religieuses» habitant le monastère, alors qu’il n’est occupé que par des congrégations masculines.

Le ministre de la culture promet de ne pas intervenir par la force

Le ministre de la culture ukrainien, Aleksandr Tkacenko, a répondu lors d’une émission de télévision aux accusations et aux manifestations de rue. Il est revenu sur la question de l’ultimatum en assurant que «les moines pourront rester dans la Laure, sous certaines conditions, et qu’en tout état de cause il n’y aura pas d’action de force contre eux».

Le ministre a déclaré qu’il avait parlé directement à tout le monde, y compris à plusieurs prêtres qui sont passés de l’Église orthodoxe ukrainienne, historiquement affiliée à Moscou (EOU-MP), à l’Église autocéphale d’Ukraine.»De toute façon, nous ne forcerons personne, nous sommes un pays démocratique», a conclu le ministre. Selon Kiev, si la juridiction moscovite se retire, tous les moines présents pourront continuer à vivre et à célébrer selon leurs propres traditions, sous le contrôle et la protection de l’État ukrainien.

Le plus ancien monastère de l’orthodoxie russe

Le monastère des grottes de Kiev est la plus ancienne institution monastique de l’orthodoxie russe. Il remonte au milieu du XIe siècle, sous la principauté de Iaroslav le Sage, fils du prince Vladimir le Grand. Selon la tradition, le premier ermite Antonij, rentrant après des années d’expérience monastique au Mont Athos, choisit une grotte près de la rivière Dniepr, et autour de lui d’autres ascètes occupèrent les grottes adjacentes. Finalement, une grande communauté s’installa sur la colline. Même après la destruction de la ville par les Tatars en 1240, les moines sont restés dans les grottes.

A la période soviétique, Moscou a transformé la Laure en musée. Après la fin de l’URSS, l’administration est restée entre les mains de l’État ukrainien, et des moines des diverses juridictions orthodoxes ont trouvé une place dans les cellules monastiques, sous la direction officielle de clercs du patriarcat de Moscou.  (cath.ch/asianews/cx/mp)

Le monastère de la Laure de Kiev domine le Dniepr | wikimedia commons arraia CC BY-SA 3.0
15 mars 2023 | 10:40
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 3  min.
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