Quelles suites pour le chemin synodal allemand?
Le 11 mars 2023, le chemin synodal allemand a pris fin, près de 3 ans et demi après son lancement. I.MEDIA, qui a assisté à la cinquième et dernière session à Francfort, fait le point sur les résultats et l’avenir de ce processus. En ligne de mire se profile déjà le Synode sur l’avenir de l’Église, dont la prochaine étape aura lieu à Rome à l’automne.
1. Ce qui a été voté à Francfort
Lors de sa dernière assemblée, le chemin synodal aura examiné dix textes : huit textes dits « d’action », un texte de théologie fondamentale qui réaffirme l’importance d’une présence sacerdotale dans l’Église en Allemagne et un « préambule » général.
Tous ont été adoptés avec une très nette majorité – souvent plus de 90% – sauf un. L’assemblée a en effet décidé, sur recommandation des évêques, de ne pas voter un texte autorisant la création de conseils synodaux, mais de laisser cette tâche à un « comité synodal » dont les 20 membres ont été élus le 11 mars. Rome s’était clairement opposé à l’adoption de ce document, y voyant une remise en cause de l’autorité épiscopale. Argument entendu à Francfort : au moment de la présentation du texte, plusieurs évêques – et pas seulement les habituels opposants – ont annoncé vouloir s’y opposer, considérant que le conseil synodal prétendait prendre des « décisions conjointes » avec l’évêque, et donc niait sa pleine autorité et responsabilité.
Voici les textes qui ont été adoptés :
– Document : « Le célibat des prêtres – renforcement et ouverture »
Le chemin synodal demande au pape de « réexaminer » la question du célibat des prêtres. Les Allemands demandent aussi une place pour les anciens prêtres qui ont été renvoyés à l’état laïc après avoir choisi de se marier.
– Document : « Proclamation de l’Évangile par les « laïques » dans le cadre de la Parole et des Sacrements »
Le chemin synodal autorise les laïcs – hommes et femmes – à prêcher lors d’une messe. La mesure a été appliquée dès la messe de clôture de l’événement. S’appuyant sur le point 89 de l’exhortation Querida Amazonia, les membres du synode autorisent aussi les laïcs à célébrer les baptêmes, à dispenser le sacrement des malades et à recevoir les engagements lors d’un mariage. Cette mesure entrera en application dès lors que les laïcs auront été formés – des formations avaient déjà commencé en amont de l’événement. Le texte initial prévoyait aussi qu’un laïc puisse recevoir la confession dans le cadre d’un accompagnement spirituel, mais les évêques ont bloqué ce point.
– Document : « Célébrations de bénédiction pour les couples qui s’aiment »
Le chemin synodal autorise la bénédiction des couples homosexuels et divorcés-remariés. Une période de test de trois ans est prévue, mais les bénédictions pourront commencer dès lors qu’une prière de bénédiction sera établie par la conférence des évêques d’Allemagne (DBK). Cette dernière a expliqué vouloir s’inspirer de celle mise en place par les évêques flamands.
– Document : « Prévention de la violence sexualisée, intervention et traitement des auteurs de violences dans l’Église catholique »
Le chemin synodal a adopté à l’unanimité ce document qui demande aux évêques d’élaborer un « code de discipline » pour les prêtres, qui pourra être utilisé pour gérer les cas de prêtres coupables d’abus, mais non condamnables du point de vue du droit canonique, notamment en cas de prescription ou de décès de l’abuseur. Ce document crée aussi une fonction, celle de « personne de contrôle », qui doit permettre un suivi pour les prêtres « signalés » ou mis en cause, pour vérifier par exemple qu’ils suivent leur thérapie ou qu’ils ne changent pas de diocèse. Le texte prévoit enfin des investissements importants en termes de prévention.
– Document : « Mesures contre les abus envers les femmes dans l’Église »
Le chemin synodal a approuvé ce texte à 100% des votes exprimés. Il demande que des mesures soient prises pour une meilleure reconnaissance des abus spirituels et sexuels commis sur des adultes, et en particulier sur les femmes. Il prévoit des procédures diocésaines pour gérer ce type de cas.
– Document : « Gestion de la diversité sexuelle »
Le chemin synodal demande au pape une meilleure inclusion des diversités de genre, notamment pour les personnes transsexuelles et intersexuelles. Il autorise les catholiques allemands à pouvoir choisir « divers » comme genre dans les registres de baptême. Ils pourront aussi, a posteriori, changer leur genre dans les mêmes registres.
– Document : « Les femmes dans les ministères sacramentels – Perspectives pour le dialogue au sein de l’Église universelle »
Le chemin synodal demande enfin au pape d’autoriser le diaconat féminin. Les évêques ont réussi à convaincre les participants d’amender la partie demandant aussi le sacerdoce féminin.
2. L’avenir du chemin synodal
Mgr Georg Batzing, président de la DBK, l’a assuré : « le chemin synodal est terminé », mais il a aussi insisté sur le fait qu’il ne s’agissait que du « début du chemin » pour l’Église allemande. De fait, les « grands résultats » dont l’évêque de Limbourg s’est félicité à l’issue de cette ultime session demandent encore de pouvoir être appliqués.
En Allemagne
Cela dépendra en premier lieu des évêques allemands eux-mêmes. La plupart d’entre eux ont clairement signifié qu’ils voyaient les documents comme une « feuille de route » pour les prochaines années. Mgr Bätzing a déclaré ne pas comprendre les rares oppositions existantes : « Que leur avons-nous retiré ? »
Quelques diocèses pourraient cependant être réfractaires : ceux de Ratisbonne, Passau ou Cologne notamment. « Maintenant on va pouvoir venir les voir en leur montrant les décisions prises ici », a cependant mis en garde un membre du Comité central des catholiques allemands (ZdK).
À Rome
Reste Rome, où le chemin synodal a généré beaucoup d’inquiétude ces derniers mois. Mgr Bätzing a affirmé qu’il avait demandé un « rendez-vous » au Saint-Siège afin de pouvoir prochainement présenter les résultats de la dernière session.
La lettre envoyée en janvier par les cardinaux de la Curie – et approuvée par le pape – a fait son effet, les conseils synodaux n’étant pas créés pour l’instant. Mais beaucoup d’autres mesures pourraient susciter une réaction négative de la part de Rome.
Interrogé sur un possible refus de Rome, le président de la DBK affirme être persuadé que l’Esprit saint était bien à l’œuvre dans le chemin synodal. Il s’est dit confiant sur la réception des demandes affirmant que le pape François était « à l’écoute » et « ouvert » à leurs revendications.
Le synode sur l’avenir de l’Église
Mais l’horizon le plus important, pour le chemin synodal allemand, est le Synode sur la synodalité. Les représentants allemands se sont réjouis à de nombreuses reprises de l’expérience de l’étape continentale du Synode à Prague en février dernier, affirmant y avoir compris l’importance de se forger un « réseau d’alliés ».
Celui-ci, selon eux, pourrait être composé de la Belgique, du Luxembourg, de la Suisse, du Royaume-Uni, de la France, de l’Irlande, du Portugal, de l’Amérique latine et de l’Australie.
« Nous travaillerons à renforcer ces liens », a assuré la présidente du ZdK, Irme Stetter-Karp, évoquant des « invitations » qui seront envoyées dans les prochaines semaines. Ils pourront s’appuyer sur leurs importants moyens financiers : le chemin synodal, a-t-il été rappelé, continuera d’ailleurs à recevoir 2,3 millions d’euros chaque année bien qu’il soit terminé. (cath.ch/imedia/cd/mp)