Le Chemin synodal allemand ouvre sa 5e session: les sujets en débat
Le Chemin synodal allemand s’apprête à vivre son dernier tour de piste – et a encore beaucoup à faire. Un programme serré attend une fois de plus les délégués lors de la cinquième assemblée synodale du 9 au 11 mars 2023, à Francfort.
Au total, neuf textes seront soumis au vote final, un autre ne sera débattu qu’en première lecture. Le site katholisch.de a livré un aperçu du contenu et des revendications des principaux textes: Conseil synodal, ordination des femmes, rôle des laïcs, abus, bénédiction des couples de même sexe, et diversité de genre sont autant de points chauds des débats.
«Consulter et décider ensemble»
Le forum synodal souhaite établir des instances synodales au niveau des diocèses et des paroisses afin de permettre la participation et la séparation des pouvoirs. Il s’agit d’atteindre une transparence, une qualité et une efficacité maximales. Les organes existants pourraient être développés en conseils synodaux.
Au niveau diocésain, cela signifie que toutes les questions relatives à des thèmes d’importance diocésaine devraient être discutées et décidées au sein d’un conseil synodal. Ces conseils doivent être désignés par des élections libres, égales et secrètes et représenter le peuple de Dieu dans sa diversité. Si l’évêque approuve une décision de ce conseil synodal, celle-ci est juridiquement valable. En cas de désaccord une procédure de conciliation serait envisagée.
Au niveau local, l’option serait de fusionner le conseil de paroisse ou le conseil administratif avec le conseil synodal. Ce conseil serait lui aussi élu directement par les fidèles.
Le Vatican est intervenu à plusieurs reprises contre la mise en place de conseils et de structures synodales en Allemagne qui interféreraient avec le pouvoir canonique des évêques et des curés. Il faut s’attendre à des interventions d’évêques à ce sujet.
Toutes les parties auront probablement intérêt à apporter de nouvelles modifications au texte d’action afin qu’il soit susceptible de recueillir une majorité. Il s’agit entre autres de déterminer si le pouvoir de ces conseils sera décisionnel ou seulement délibératif.
«Les femmes dans les ministères sacramentels»
Le Forum synodal III demande que les femmes soient davantage représentées dans l’Eglise. Pour cela, il faut mener une discussion théologique dans l’Église universelle et faire davantage de recherches en Allemagne sur le diaconat féminin. Le texte appelle à un échange mondial sur le rôle de la femme dans l’Église et sur l’ouverture des ministères ordonnés aux femmes.
Selon le Chemin synodal, les évêques allemands doivent donc s’engager pour une admission des femmes au diaconat sacramentel. Et une commission devrait s’occuper exclusivement de la question du ministère sacramentel pour les «personnes de tout sexe».
Selon le document synodal, le fait qu’un grand nombre de fidèles refusent de recevoir l’hypothèse selon laquelle seul un homme peut présider la liturgie eucharistique en raison de sa ressemblance naturelle avec Jésus devrait donner à réfléchir. Le forum voit un «écart considérable entre les arguments avancés dans les documents doctrinaux catholiques romains, qui conduisent à l’exclusion des femmes du ministère sacramentel, et les connaissances acquises sur la base de standards herméneutiques et d’hypothèses dans la recherche et l’enseignement de la théologie».
«Annonce de l’Évangile par les laïcs dans la parole et les sacrements»
Les laïcs doivent assumer une multitude de tâches qui, selon le droit ecclésiastique, ne sont jusqu’à présent confiées qu’aux clercs. Ils doivent être davantage impliqués dans la prédication et l’administration des sacrements. Les évêques allemands doivent à cet effet élaborer une réglementation spéciale permettant aux laïcs de prêcher lors de la célébration de l’Eucharistie. L’administration extraordinaire du baptême et l’assistance au mariage par des laïcs doivent également être introduites dans les diocèses allemands. En outre, la direction de la communauté par des laïcs doit être étendue. Dans l’ensemble, les propositions doivent permettre d’alléger la charge des clercs et d’établir un lien avec la culture et la société.
Là aussi la question de l’administration des sacrements par des laïcs continue de receler un fort potentiel de discussion à Francfort.
«Mesures contre les abus envers les femmes dans l’Église» (première lecture)
Contre les abus sexuels sur les adultes, il faut des réglementations claires, une prévention structurelle, des voies fiables d’information, un concept de protection efficace et un code de conduite avec des normes de qualité contraignantes.
Toutes les relations inappropriées entre les agents pastoraux et les personnes qu’ils accompagnent doivent être considérées comme des abus sexuels en raison de l’inégalité de pouvoir inhérente. Les concepts de protection contre la violence sexuelle doivent également être valables pour les adultes. Outre les abus sexuels, les abus spirituels doivent également être pris en compte. Enfin, les offres d’aide morale et financière pour les personnes concernées doivent être étendues.
«Célébrations de bénédiction pour les couples qui s’aiment»
L’Église en Allemagne doit permettre officiellement des célébrations de bénédiction pour les couples qui ne peuvent pas contracter un mariage sacramentel – les couples de même sexe ou les divorcés remariés.
Aucun responsable de telles cérémonies de bénédiction, ministre ordonné ou laïc, ne doit craindre de conséquences disciplinaires. Mais en même temps, personne ne peut être contraint d’organiser de telles bénédictions.
Les offres de célébrations de bénédiction reposent sur la conviction «qu’il y a du bien moral dans la vie commune des couples qui vivent dans l’engagement et la responsabilité l’un envers l’autre». Là où des personnes s’aiment, l’amour de Dieu est présent. Les couples de même sexe et les couples remariés ont souvent fait l’expérience de l’exclusion et de la dévalorisation dans l’Église. Cette possibilité offre à l’Église la chance «d’accorder désormais de l’estime à l’amour présent dans ces relations et de demander ainsi pardon et de permettre la réconciliation».
Le texte porte un regard critique sur la note de la Congrégation pour la doctrine de la foi du printemps 2021, dans laquelle une bénédiction des partenariats homosexuels est refusée. La vision de l’homosexualité sur laquelle repose ce document est considérée comme insuffisante en de nombreux endroits».
«Gestion de la diversité sexuelle»
Les personnes transgenres et intersexuées font partie de la bonne création de Dieu et participent à la dignité inviolable de l’être humain créé à l’image de Dieu. Dans le cadre de la pastorale, l’acceptation de la diversité sexuelle et la sensibilisation à celle-ci doivent être encouragées.
Le texte demande ainsi que les enfants intersexués aient la possibilité d’omettre la mention du sexe dans le registre des baptêmes ou, comme le prévoit désormais le droit allemand, d’inscrire «divers». Si le souhait de modifier la mention du sexe se manifeste ultérieurement, cela doit être accordé sans complication. Les croyants transgenres doivent également avoir la possibilité de faire modifier leur état civil dans le registre des baptêmes. Si les croyants transgenres ou intersexes se voient refuser le sacrement du mariage, ils doivent pouvoir bénéficier de cérémonies de bénédiction pour leur partenariat. L’accès aux ministères ordonnés et aux professions pastorales de l’Église ne devrait pas être exclu en bloc pour les catholiques inter- et transgenres.
Pour le chemin synodal, l’anthropologie du genre normative et positiviste en matière de droit naturel et sa légitimation par le recours aux textes bibliques de la création nécessiteraient un examen avec les connaissances de la science biblique et de la théologie modernes.»L’anthropologie des genres transmise et rétrécie» dans l’enseignement de l’Eglise doit se développer fondamentalement en tenant compte des connaissances médicales, biologiques et (neuro)psychologiques disponibles aujourd’hui. (cath.ch/katholisch.de/mp)
Les origines du Chemin synodal en quelques dates
1848:Le «Comité central des associations pies pour la liberté religieuse» est créé par des laïcs et religieux catholiques en Allemagne pour défendre leur foi dans un contexte d’hostilité du pouvoir politique. Il est interdit par Bismarck lors du Kulturkampf à la fin du XIXe siècle, puis par les nazis. En 1952, il est renommé sous le nom de Comité central des catholiques allemands (ZDK) et fonctionne comme une fédération des associations catholiques du pays.
1971-1975: Synode de Würzburg: convoqué en 1969 par les évêques de RFA, avec l’accord exceptionnel de Paul VI, ce synode national – le seul du genre avec celui de RDA – est l’acte fondateur de la synodalité «à l’allemande». Au lendemain du Concile Vatican II, des événements de mai 68 et des premiers remous autour de la publication du catéchisme hollandais ou de l’encyclique Humanae Vitae, le synode des Églises de RFA est lancé pour «germaniser» le Concile, ce qui lui vaut d’être parfois surnommé «le concile allemand». Lors des huit sessions, l’accent est mis sur la démocratisation de l’Église et la place des laïcs qui peuvent voter les résolutions, avec une participation importante du ZDK. Les déclarations finales orienteront profondément le développement de l’Église en Allemagne par la suite. Participent tous les plus grands théologiens du pays: Karl Rahner, Johann Baptist Metz, Karl Lehmann ou encore Joseph Ratzinger. Ce dernier cependant, agacé par le tournant parlementaire de l’expérience, quitte le synode en cours de route.
25 septembre 2018: le rapport d’études indépendant sur les abus dans l’Église catholique en Allemagne «MHG», initié le 1er juillet 2014, est présenté à la conférence épiscopale allemande à Fulda. Outre les résultats – 3’677 victimes recensées entre 1946 et 2014 – le document comporte un certain nombre de recommandations. Il demande ainsi des fortes réformes culturelles voire dogmatiques de l’Église – sur les structures de pouvoir et sur l’homosexualité.
13-14 mars 2019: Les évêques allemands se retrouvent à Lingen en assemblée pour digérer le rapport MHG. Le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence des évêques d’Allemagne (DBK), lance l’idée, comme solution à la crise que traverse l’Église allemande, de l’ouverture d’un chemin synodal – et non d’un synode, qui doit être approuvé par Rome et dans lequel seuls les évêques votent. Ce processus doit être un temps de dialogue ouvert et d’écoute en vue de trouver des solutions concrètes. Trois premiers axes sont décidés, qui se matérialisent par des forums préparatoires en vue du chemin synodal: la question du pouvoir, celle de la morale sexuelle, et celle de la forme de vie sacerdotale.
29 juin 2019 : Le pape envoie la Lettre au peuple de Dieu en marche en Allemagne. Il encourage la démarche mais met en garde contre la tentation de vouloir résoudre du seul point de vue allemand les problèmes de l’Église. Il ne ferme pas la porte à des réformes, mais exhorte à ne pas être contraint par l’air du temps et les questions purement structurelles.
1er décembre 2019: Ouverture du chemin synodal allemand, le premier jour de l’Avent à Munich, et élection des 227 membres du synode.
30 janvier-1er février 2020: Première assemblée synodale à Francfort. Polémique sur la négation de la hiérarchie catholique. I.M