Le Jeûne Fédéral : une tradition plus que centenaire (130988)
Fribourg, 13septembre(APIC/Evelyne Graf/BD/JB) C’est chaque année le
troisième dimanche de septembre que les chrétiens de toutes confessions et
la communauté israélite célèbrent en Suisse la journée d’action de grâce du
Jeûne fédéral. Cette date a été fixée à Lucerne le 1er août 1832. Mais des
journées d’action de grâce étaient déjà organisées au Moyen-Age, lors
d’épidémies de peste, les catastrophes naturelles, la famine et autres accidents exceptionnels. Depuis, le visage du Jeûne fédéral a changé. Ainsi
aujourd’hui on discute par exemple s’il l’on doit faire du dimanche du Jeûne fédéral un «dimanche sans voitures».
Pénitence et prière sont des manifestations profondément humaines d’une
conscience religieuse présente tant chez les individus qu’au niveau des
groupes. Ainsi, on trouve dans toutes les religions des célébrations d’action de grâce et des fêtes pénitentielles, souvent liées au jeûne. L’Ancien
Testament rapporte que le prophète Jonas appela les habitants de Ninive à
la conversion : «Les habitants de Ninive prirent au sérieux la parole de
Dieu. Ils décidèrent de jeûner et chacun, du plus riche au plus pauvre, mit
des vêtements de deuil.» (Jon 3,5). Au 17ème siècle, les promoteurs zurichois du Jeûne Fédéral se sont réclamés de Jonas. Déjà au 5ème siècle,
l’Eglise d’Occident avait introduit des processions en habits de pénitents
pour éloigner les malheurs et implorer la grâce divine.
Le fait particulier que cette fête d’action de grâce soit prescrite officiellement par l’Etat trouve sa source dans la politique des anciens
Etats confédérés. Déjà dans les années 1480 et 1483, l’établissement d’un
jour fixe pour les célébrations fédérales de pénitence et d’action de grâce
étaient l’objet de discussions entre Confédérés à la diète de Lucerne. Cependant rien d’obligatoire n’avait encore été décidé à l’époque. Chaque
canton restait libre de décider quand et comment il voulait célébrer la
fête.
Un pont entre les confessions
Après la Réforme, c’étaient surtout les autorités protestantes qui ordonnaient des journées d’action de grâce dans les temps difficiles : à cause de la peste, les Bâlois introduisirent en 1541 des jours de pénitence
mensuels. De même, c’est à cause d’une épidémie que les Bernois multiplièrent les fêtes religieuses et fixèrent en 1577, année ou la peste se
répandit, le jeudi comme jour de fête d’action de grâce hebdomadaire. Des
prières particulières furent composées pour l’occasion. En l’année de disette 1571, Zurich fixa le mardi comme jour de prière hebdomadaire. Les
jours de prière contribuèrent aussi à enjamber les fossés idéologiques et
politiques : malgré les vives tensions confessionnelles, les Bernois
réformés prièrent en 1578 dans leur liturgie du jour d’action de grâce pour
les Fribourgeois catholiques qui étaient frappés par une grave épidémie de
peste.
Un jour d’action de grâce commun
En juillet 1796, la diète siégeant à Frauenfeld, sur requête du canton
de Berne, traita de la question d’une Fête d’action de grâce commune pour
toute la Confédération. La date du jeudi 8 septembre 1796 restait cependant
controversée. Les cantons réformés voulaient le fêter, conformément à leur
tradition, un jour de semaine, les cantons catholiques, un dimanche. Finalement, on se mit d’accord sur un dimanche lors de la diète de juillet
1797.
Alors que l’ancienne Confédération disparut, le jour d’action de grâce
commun fut également remis en question. Grâce à l’intervention du ministre
helvétique Philipp Albert Stapfer, un chrétien engagé, le jour d’action de
grâce put être conservé. C’est le 1er août 1832 à Lucerne que la diète fixa
au troisième dimanche de septembre la date de la Fête fédérale d’action de
grâce, le Jeûne fédéral.
Actuellement, la Commission oecuménique 1991, une commission de la Communauté de travail des Eglises chrétiennes en Suisse (CTEC), s’attelle à un
projet de renouvellement du Jeûne fédéral. La CTEC estime en effet que la
date de 1991, année du 700ème anniversaire de la Confédération, convient
particulièrement bien à un renouveau de la Fête fédérale d’action de grâce.
La religion menacée d’étiolement
Comme chaque année, les évêques suisses publient une lettre pastorale
lue aux messes du Jeûne fédéral (17 et 18 septembre). Ils ont choisi cette
année pour leur message un titre évocateur : «Transmettre la foi». Les
évêques s’inquiètent de voir que dans notre pays la religion se trouve de
plus en plus marginalisée, surtout chez les jeunes et les jeunes adultes,
«et risque de s’étioler». Ils affirment qu’une «réévangélisation complète
est aujourd’hui extrêmement nécessaire». Ils relèvent que les premiers
messagers de la foi sont les parents et qu’ils ne doivent pas s’en remettre
simplement aux catéchistes pour la transmission de la foi. Ils soulignent
également le rôle décisif en ce domaine de la communauté tout entière, mais
rappellent qu’une foi vivante reste finalement une grâce et que les
chrétiens doivent prier humblement pour recevoir ce don de la foi.
(apic/bd/be)