Quelle unité?
Dans certains milieux où l’on cause du prochain synode à Rome, j’entends bruisser quelques réflexions qui ne me rassurent pas. Il conviendrait d’éviter tout changement intempestif dans la vie de notre Eglise, sous prétexte que certains bouleversements porteraient atteinte à la sacro-sainte unité de notre vaste communauté.
L’unité! N’est-ce pas le charisme fondateur de notre Eglise, un ADN que d’autres nous envient? Partout, dans le monde entier, se retrouvent les mêmes liturgies, les mêmes traditions, les mêmes gouvernances. Il ne faut pas mettre en danger de tels atouts spirituels en introduisant des nouveautés qui susciteront inévitablement le pour et le contre, donc la désunion.
L’Eglise catholique repose sur un socle solide de confessions de foi, de spiritualités, de structures de gestion communautaire, de pratiques héritées d’un long passé qui porte encore notre présent. Dans ce patrimoine, il y a incontestablement le centralisme romain. Il s’agit d’un réflexe qui concentra peu à peu les offices de décision dans les mains du pape et de ses services, toujours avec l’obsession de l’unité à défendre et illustrer à tout prix.
«Il n’y a pas qu’une manière ultra-romaine de rayonner sa catholicité»
Pour nous les catholiques, comme l’a rappelé le concile Vatican II, le pape est le «principe et fondement visible de l’unité de foi et de communion». Mais un tel ministère, si précieux qu’il soit, ne justifie pas une accumulation de (presque) tous les pouvoirs au Vatican. Une fois honoré le trésor basique de notre foi et de notre communion, notre «catholicité» doit aussi honorer la variété des contextes et des cultures dans lesquels les chrétiens vivent et s’expriment. Le pape François, à propos du synode, a souvent parlé de conversion de mentalité. Que voilà une conversion concrète qui pourrait contribuer au renouveau de notre Eglise.
Cette décentralisation responsable, me semble-t-il, est très attendue dans les milieux œcuméniques, par certains épiscopats, pour mieux prendre en compte les exigences de l’inculturation et même pour mieux gérer les problèmes délicats liés aux abus d’un cléricalisme délétère.
Le chemin synodal d’une unité qui implique le respect des légitimes diversités est-il une menace pour la communion «catholique»? Le témoignage des Eglises d’Orient en communion avec Rome prouve le contraire. On peut être profondément catholique et vivre sincèrement dans un cadre différent quant aux spiritualités, aux liturgies et aux disciplines communautaires. Il n’y a pas qu’une manière ultra-romaine de rayonner sa catholicité.
Dans une société très connectée, avec une chrétienté qui glisse vers le sud, il me paraît important que le prochain synode relève le défi d’une unité non pas sauvée par un regain d’uniformité, mais dynamisée par une plus grande estime de la diversité ecclésiale.
Claude Ducarroz
22 février 2023
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