Petru Pruteanu est responsable des communautés orthodoxes russes en Espagne et au Portugal | capture d'écran YouTube
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Un jeune évêque de l'Église russe fustige la guerre en Ukraine

Consacré évêque de l’Eglise orthodoxe russe par le patriarche Cyrille en novembre 2022, Petru Pruteanu prend le contre-pied de ce dernier sur la guerre en Ukraine. «Il n’y a pas de guerres saintes, seule la paix est sainte», affirme-t-il.

«Je pense que le patriarche Cyrille, comme la plupart des Russes de plus de 50 ans, est nostalgique de l’Empire russe et de l’Union soviétique», assure Petru Pruteanu au média catholique américain The Pillar, le 2 février 2023. L’évêque moldave de 43 ans n’hésite pas à critiquer celui-là même qui l’a consacré évêque et responsable des communautés orthodoxes russes en Espagne et au Portugal, en novembre dernier.

Il affirme ne recevoir aucune instruction de Moscou et s’estime libre d’exprimer son opinion en tant que chrétien. «Je suis d’accord avec le pape Jean Paul II et le pape François qui ont dit: ‘Il n’y a pas de guerres saintes, seule la paix est sainte’. Personnellement, je ne peux pas penser à une guerre aussi vaine et inutile que celle-ci (en Ukraine, ndlr)».

Revendications russes erronées

Petru Pruteanu ne croit pas aux justifications historiques pour les revendications territoriales de la Russie, ni sur le Donbass, ni sur la Crimée. «Pendant des siècles [la Crimée, ndlr] n’a fait partie ni de la Russie ni de l’Ukraine, mais d’un khanat tatare musulman, rappelle-t-il. Staline a déporté les Tatars en masse au Kazakhstan, les remplaçant par des immigrants russes, qui forment aujourd’hui la majorité. Lors des célébrations des 300 ans de l’union de 1654 entre l’Ukraine et la Russie, Khrouchtchev a offert la Crimée à l’Ukraine, à laquelle elle n’avait jamais appartenu. D’autre part, la Russie a reconnu l’indépendance de l’Ukraine en 1991, avec ses frontières de l’époque, et s’est engagée en 1997 à respecter la souveraineté et les frontières de l’Ukraine».

Pour l’évêque résidant au Portugal, «cette guerre est tout simplement scandaleuse. Personne ne pensait que cela pouvait arriver au 21e siècle, surtout entre des pays ayant la même origine ethnique et la même religion».

Une génération «mentalement asservie»

Le jeune prélat pense que Cyrille «soutient sincèrement le régime, non par intérêt ou opportunisme, ni par manque de liberté, mais parce qu’il est fortement influencé par des penseurs, comme Alexandre Douguine, qui ont tenté de ressusciter l’idéologie des slavophiles tels que Khomiakov, du 19e siècle, et surtout Ivan Ilyin, au 20e siècle». Pour Petru Pruteanu, il serait ainsi plus juste de décrire l’Eglise orthodoxe russe comme «impérialiste», plutôt que «nationaliste».

Par rapport à cette collusion entre l’Eglise et la politique, il estime que les jeunes évêques orthodoxes doivent «tirer les leçons de l’Exode»: «Nous allons devoir passer 40 ans dans un désert spirituel, constamment tentés, jusqu’à la disparition de cette génération mentalement asservie qui fait de la politique une idole, afin de pouvoir entrer dans la ‘terre promise’, ou du moins dans une meilleure (terre)».

Pas d’informations complètement neutres

Pour autant, l’évêque orthodoxe russe ne pense pas que les Occidentaux reçoivent des informations totalement neutres sur la guerre, «puisque les médias occidentaux reflètent la position nettement pro-ukrainienne de leurs gouvernements». Les populations, à l’Ouest sont toutefois, selon lui, «certainement mieux informés que les Russes.»

Tout en confirmant la très grande complexité de la situation des Eglises orthodoxes en Ukraine, en ce moment, il espère qu’elles pourront un jour être réunies, «mais seulement après la guerre, et sans conditions politiques». (cath.ch/thepillar/rz)

Petru Pruteanu est responsable des communautés orthodoxes russes en Espagne et au Portugal | capture d'écran YouTube
5 février 2023 | 15:08
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
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