Le pape encourage une Église qui veut «sécher les larmes du peuple»

«Votre Église est présente dans l’histoire concrète de ce peuple, enracinée en profondeur dans la réalité, actrice dans la charité», s’est réjoui le pape François en s’adressant à la soixantaine d’évêques congolais membres de la CENCO, la Conférence épiscopale nationale du Congo, le 3 février 2023. Pour la dernière étape de son voyage en RDC, il a salué l’engagement de cet organisme dans la vie sociale du pays, tout en mettant en garde contre les risques de la compromission avec les pouvoirs politiques.

Le pape François a appelé les évêques à assumer une vocation prophétique, afin que les Congolais « découvrent leur dignité de fils de Dieu et apprennent à marcher la tête haute, sans jamais s’incliner devant les humiliations et les oppressions ». Mais ce combat doit d’abord s’enraciner dans la prière, afin que les pasteurs « soient capables de semer la Parole qui sauve dans l’histoire blessée de cette terre ». 

«Face au peuple qui souffre et face à l’injustice, l’Évangile exige que nous élevions la voix», a martelé François, prenant l’exemple de Mgr Christophe Munzihirwa, l’archevêque de Bukavu assassiné en 1996, un pasteur courageux et une voix prophétique, qui a gardé son peuple en offrant sa vie, a-t-il souligné. Il a également rendu hommage au cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, décédé en 2021, avec lequel il avait collaboré au sein du Conseil des cardinaux.

Le pape a néanmoins averti contre les risques d’un engagement politique trop direct des évêques. «Qu’il ne nous arrive pas de nous considérer comme autosuffisants, et encore moins de voir dans l’épiscopat la possibilité d’accéder à une position sociale et d’exercer un pouvoir», a-t-il averti. Le pontife argentin a martelé que les évêques ne doivent pas «laisser le feu de la prophétie s’éteindre, à cause de calculs ou de compromis avec le pouvoir, ni à cause d’une vie tranquille et routinière».

Sortant de son texte, il a cité les réflexions du cardinal français Henri de Lubac sur les dangers de la mondanité spirituelle, en invitant l’épiscopat congolais à la vigilance. Cette référence est fréquente lors des rencontres du pontife avec des membres du clergé. Les évêques «ne doivent pas être des affairistes ou des administrateurs, mais des pasteurs», a-t-il insisté.

« Apporter la lumière dans les ténèbres »

Le pape François a remarqué « le visage d’une Église qui souffre pour son peuple, et dont le cœur bat au rythme de la vie du peuple avec ses joies et ses tribulations ». Il a salué « une Église signe visible du Christ qui, aujourd’hui encore, est rejeté, condamné et méprisé dans les nombreux crucifiés du monde, et qui pleure nos propres larmes ». La première responsabilité des évêques est donc de « consoler le peuple », a insisté François.

«Avec vous, frères, je vois Jésus souffrant dans l’histoire de ce peuple crucifié et opprimé, frappé par une violence qui n’épargne pas, marqué par la souffrance des innocents », s’est ému le pape François. Il a toutefois souligné que le peuple n’a pas perdu l’espérance, écoute ses pasteurs, et veut se remettre entre les mains de Dieu « afin que la paix à laquelle il aspire, étouffée par l’exploitation, l’égoïsme partisan, par les poisons des conflits et des vérités manipulées, puisse enfin advenir comme un don d’en haut ». 

Tout comme le prophète Jérémie, « envoyé pour apporter la lumière dans les ténèbres, pour témoigner dans un contexte de violence et de corruption », les évêques doivent «collaborer à une histoire nouvelle que Dieu veut construire dans un monde de perversion et d’injustice». Ils doivent «toujours pardonner, prendre des risques pour le pardon», a insisté le pape François.

«Vous avez dû travailler deux fois, car la première fois la visite a été annulée, mais je sais que vous êtes miséricordieux envers le pape !», a par ailleurs souligné François avec humour, après l’annulation de sa visite prévue en juillet 2022 dans le pays, et qui prévoyait, en plus de Kinshasa, une étape dans l’Est, à Goma. La guerre qui y fait rage n’a pas permis de la maintenir au programme.

Direction le Soudan du Sud

Après ce dernier discours en terre congolaise, le pape doit rejoindre l’aéroport Ndjili de Kinshasa pour prendre l’avion en direction de Djouba, la capitale du Soudan du Sud, où il est attendu à 15h heure locale (14h heure de Rome). Il sera accueilli sur place par le primat anglican Justin Welby et le modérateur de l’Eglise d’Ecosse, Iain Greenshields, avant de saluer le président Salva Kiir avec qui il s’entretiendra ensuite au palais présidentiel. (cath.ch/imedia/cv/hl/mp)