Interdiction d’utiliser l’araméen, la langue du Christ

Turquie: Nouvelles menaces sur les chrétiens araméens du Tur Abdin

Ankara, 17 décembre 1997 (APIC) Les autorités turques viennent de porter une nouvelle estocade à la petite communauté araméenne du Tur Abdin, une communauté chrétienne très ancienne aujourd’hui en voie d’extinction: le gouverneur de Mardin, Fikret Guven, a décrété l’interdiction d’utiliser l’araméen pour les cours de religion dans les couvents de l’Est de l’Anatolie et leur a interdit de recevoir des hôtes.

Ils utilisent encore à la maison et à l’église le «suroyo», proche de la langue araméenne que parlait le Christ en Palestine. Dans l’indifférence générale, à la veille du troisième millénaire, les quelque 2500 chrétiens de confession syro-orthodoxe qui peuplent encore le Tur Abdin (la Montagne des serviteurs de Dieu), un haut plateau aride habité aujourd’hui par une majorité de Kurdes, font leurs valises, victimes de persécutions sournoises, parfois ouvertes. Les chrétiens étaient encore plus de 200’000 au début du siècle en Haute-Mésopotamie turque. Rien qu’en Suisse, les réfugiés et immigrés syro-orthodoxes de Turquie sont deux fois plus nombreux que dans leur région d’origine.

La nouvelle de cette mesure contre les Araméens «süryanis» du sud-est de la Turquie a été publiée mercredi par le service de presse protestant EPD, à partir d’informations diffusées à Istanbul. Le «vali» (gouverneur) de Mardin a décrété cette mesure sous prétexte que l’enseignement en araméen et l’accueil d’hôtes dans les couvents de la région violent les lois turques. Le Traité de Lausanne de 1923 donne des garanties aux minorités grecques et arméniennes de Turquie, qui possédaient alors leurs propres écoles, mais ne protège pas les populations syriaques. Dans le Tur Abdin, pas question d’utiliser le «suroyo», seule la langue turque est autorisée à l’école.

Prestigieux monastères visés

Le décret du «vali» de Mardin frappe en particulier les deux prestigieux monastères de Deir-es-Zafaran, près de Mardin, et le couvent de Mar Gabriel, centre de la vie religieuse dans le Tur Abdin, qui a fêté ses 1600 ans cette année. Deir-es-Zafaran fut la résidence des patriarches de l’Eglise syrienne orthodoxe d’Antioche, transférée aujourd’hui à Damas. Mar Gabriel, grâce surtout au soutien des dizaines de milliers d’émigrés et de réfugiés installés en Europe occidentale, a connu un renouveau réjouissant.

Les deux monastères ont des internats pour des jeunes qui fréquentent les écoles publiques turques, mais suivent au couvent l’enseignement religieux en araméen. Ils reçoivent également de nombreux visiteurs d’Europe et d’Amérique du Nord intéressés à la vie de ces communautés chrétiennes anciennes. Les deux institutions chrétiennes ont vivement protesté contre cette nouvelle violation des droits des minorités en Turquie, un pays qui aspire pourtant à faire partie de l’Union européenne, mais qui est encore loin d’en avoir adopté les standards en matière de droits de l’homme. (apic/kap/be)

30 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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