Selon le pape, l’homosexualité n’est pas un «crime» mais un «péché»
Tout en s’affirmant «en bonne santé», le pape François déclare dans un entretien accordé le 24 janvier 2023 à l’agence de presse américaine AP que la diverticulose de laquelle il avait été opérée en 2021 est «revenue». Dans le même entretien, le pontife affirme que l’homosexualité n’est pas un «crime» mais un «péché». Il s’exprime sur les critiques à son encontre, sur sa relation avec Benoît XVI et revient, entre autres, sur la diplomatie du Vatican avec la Chine ou le chemin synodal allemand.
En juillet 2021, le pape avait été opéré du côlon en raison d’une inflammation des diverticules – une diverticulose – mais l’opération, qui l’avait forcé à rester une semaine à l’hôpital, avait finalement nécessité que lui soit enlevé 33 cm d’intestin. Cette inflammation, a-t-il expliqué, est «revenue». «Je pourrais mourir demain, mais tout est sous contrôle. Je suis en bonne santé», a affirmé le pape à la vaticaniste Nicole Windfield, qu’il a reçue à la Résidence Sainte-Marthe.
Le pontife a aussi confié avoir été victime d’une petite fracture osseuse au genou en raison d’une chute. Il explique en avoir guéri sans chirurgie après des séances de magnétothérapie et de thérapie par le laser.
Être homosexuel «n’est pas un crime»
«Être homosexuel n’est pas un crime […] mais c’est un péché», a déclaré le pape François dans le même entretien, appelant à faire la distinction «entre un péché et un crime». Il a qualifié d’«injustes» les lois qui criminalisent ou discriminent les personnes homosexuelles, enjoignant l’Église catholique à s’engager pour y mettre fin.
Le pontife a reconnu que des évêques catholiques soutenaient parfois ces lois dans certains pays du monde, attribuant leur positionnement à leur contexte culturel. «Ces évêques doivent avoir un processus de conversion», a-t-il considéré, les enjoignant à «la tendresse […] comme Dieu l’a fait pour chacun d’entre nous». Il a cité le Catéchisme de l’Église catholique qui invite à respecter et accueillir les personnes homosexuelles et non à les marginaliser et les discriminer.
«Nous sommes tous des enfants de Dieu, et Dieu nous aime tels que nous sommes et pour la force avec laquelle chacun d’entre nous se bat pour sa dignité», a encore déclaré le chef de l’Église catholique. «C’est aussi un péché de manquer de charité les uns envers les autres», a-t-il conclu.
Benoît XVI avait choisi d’être «asservi» en tant que pape émérite
Dans une autre partie de l’entretien, le pontife s’exprime pour la première fois devant la presse sur le décès de son prédécesseur Benoît XVI, le 31 décembre dernier. Il explique avoir «perdu un bon compagnon», et même «un père». «Pour moi, il était une sécurité. Face à un doute, j’appelais la voiture et j’allais au monastère pour demander», affirme-t-il encore.
Après la disparition de son prédécesseur qui avait «ouvert la porte» à de futures démissions en renonçant, le pape argentin ne souhaite pas «réglementer» le statut de pape émérite. Selon lui, le Saint-Siège doit encore gagner en expérience avant de régulariser les retraites papales, et ne veut pas contraindre les futurs papes qui pourraient vouloir agir différemment. Dans son propre cas, il explique que s’il devait démissionner, il ne serait pas ›pape émérite’ mais ›évêque émérite de Rome’ et qu’il irait s’installer dans la résidence pour prêtres retraités du diocèse.
Benoît XVI, estime-t-il, avait trouvé une «bonne solution intermédiaire» en s’installant au Monastère Mater Ecclesiae dans le Vatican. Le pontife allemand avait choisi de vivre sa retraite de pape «asservi, dans le bon sens du terme, en ce qu’il n’était pas complètement libre, car il aurait aimé retourner en Allemagne et continuer à étudier la théologie».
Des critiques irritantes mais acceptées
François reconnaît être aujourd’hui attaqué au sein de l’Église mais n’y voit pas une conséquence de la mort du pape allemand. «Je ne ferais pas le lien avec Benoît XVI, mais avec l’usure d’un gouvernement de dix ans», déclare-t-il. Il estime que la «surprise» qui avait suivi son élection pour certains a laissé place au malaise «quand ils ont commencé à voir mes défauts et ne les ont pas aimés».
Ces critiques, confie le pontife, sont pour lui «comme une éruption cutanée qui vous dérange un peu». Il estime cependant qu’il est bon que les voix critiques s’expriment, même si cela perturbe sa «tranquillité».
«Je préfère qu’ils le fassent parce que cela signifie qu’il y a une liberté de parole», déclare le pape, qui y voit un antidote à la «dictature de la distance, quand l’empereur est là que personne ne peut rien lui dire». «La critique permet de grandir et d’améliorer les choses», assure-t-il.
Trois figures importantes ont récemment critiqué le pontife dans des publications: le secrétaire du pape émérite Mgr Georg Gänswein, le cardinal Gerhard Ludwig Müller ainsi que le cardinal George Pell, récemment décédé. Ne commentant pas les attaques des deux premiers, le pontife considère que le cardinal australien «avait le droit» de le critiquer.
Il salue même l’ancien préfet du secrétariat pour l’Économie: «C’était un type formidable. Génial». Au lendemain de sa mort, le vaticaniste Sandro Magister a révélé qu’il avait été l’auteur l’année précédente d’un pamphlet écrit sous le pseudonyme ›Demos’ dans lequel il qualifiait le pontificat de l’Argentin de «catastrophe».
Maintenir le dialogue avec la Chine
«Nous devons marcher patiemment en Chine», déclare le pontife à propos des relations établies depuis 2018 avec Pékin sur la nomination des évêques. Il assure que le Saint-Siège est actif et que chaque nomination d’évêque en Chine est «examinée à la loupe».
Les relations avec le gouvernement de Xi Jinping sont «parfois un peu fermées, parfois non», explique-t-il. Pour lui, l’important est que le dialogue existant ne s’interrompe pas. Selon la journaliste d’AP, le pontife aurait éludé une question posée sur le cas de Taïwan, pays avec lequel le Saint-Siège est le seul à entretenir des liens officiels.
Les pleurs du cardinal Zen
Le pontife s’est aussi confié sur le cardinal Joseph Zen. L’évêque émérite de Hong Kong, âgé de 90 ans, est opposé à la ligne diplomatique que poursuit le Vatican avec la Chine et a récemment été arrêté puis condamné à une faible amende par la justice de sa ville pour son soutien à des opposants à Pékin dans l’ancienne enclave britannique.
La justice de Hong Kong a retiré au cardinal son passeport, mais l’a autorisé à gagner Rome exceptionnellement à l’occasion de l’enterrement de Benoît XVI. Le pape, profitant de sa présence, l’a reçu dans la résidence Sainte-Marthe, son domicile, le 6 janvier, déclarant qu’il avait pu s’entretenir avec un «vieil homme charmant» à l’«âme tendre».
François a confié que le cardinal s’était mis à pleurer «comme un enfant» en voyant que le pontife avait dans son bureau une statue de la Vierge du sanctuaire de Notre-Dame de Sheshan qu’il lui avait offerte en 2013. Dans un entretien accordé à America après la rencontre, l’évêque émérite avait confié avoir été touché par la présence de la statue du grand sanctuaire marial de Chine, situé à Shanghaï, dans les appartements du pape.
L’Église allemande doit se remettre sur «le vrai chemin synodal»
Selon le pontife, le chemin synodal allemand, qu’il a déjà critiqué par le passé, ne va pas dans le bon sens parce qu’il a été mené par «l’élite» et non «le peuple de Dieu». Initié en 2019 par les évêques et laïcs catholiques allemands pour répondre à la sécularisation, à la pénurie de prêtres et à la crise des abus dans leur pays, le ›Synodale Weg’ s’est fait remarquer pour ses prises de positions progressistes, notamment sur la sexualité, le célibat des prêtres ou le partage des pouvoirs dans l’Église, s’attirant les foudres du Saint-Siège et du pape à plusieurs reprises.
«Le danger est que quelque chose de très, très idéologique s’infiltre. Lorsque l’idéologie s’immisce dans les processus de l’Église, le Saint-Esprit rentre chez lui, car l’idéologie l’emporte sur le Saint-Esprit», considère le pontife. Il confie compter sur la patience et le dialogue pour remettre l’Église allemande sur « le vrai chemin synodal», afin que celui entamé « ne finisse pas mal d’une certaine manière, mais qu’il soit aussi intégré dans l’Église ».
Douleur après de nouvelles tueries aux États-Unis
Interrogé sur les nombreux massacres à l’arme à feu qui frappent les États-Unis, le pape François a décrié l’habitude qu’ont les Américains de posséder des armes à feu chez eux pour pouvoir se défendre. Pour lui, on ne devrait s’armer que quand c’est strictement nécessaire. «S’il vous plaît, disons quelque chose qui arrêtera cela», a-t-il supplié après qu’on lui a rapporté de récentes tueries qui se sont déroulées en Californie.
Le pape voit dans cette obsession pour les armes un cercle vicieux qui encourage l’escalade de la violence, considérant qu’au lieu «de faire l’effort de nous aider à vivre, nous faisons l’effort de nous aider à tuer». Il dénonce le rôle néfaste que joue l’industrie de l’armement.
Le pape voit dans cette obsession pour les armes un cercle vicieux qui encourage l’escalade de la violence, considérant qu’au lieu «de faire l’effort de nous aider à vivre, nous faisons l’effort de nous aider à tuer». Il dénonce le rôle néfaste que joue l’industrie de l’armement.
Abus sexuels : le pape revient sur les cas Rupnik et Bello
Le pontife a aussi été interrogé sur les abus commis sur des mineurs par le prix Nobel Mgr Carlos Ximenes Bello, ancien administrateur de Dili au Timor oriental, dans les années 1990. Ce dernier, écarté de son ministère en 2002, a été sanctionné secrètement par le Vatican en 2020, un an après que les accusations ont été rapportées à Rome.
Dans l’entretien le pape affirme qu’il s’agit d’une «affaire très ancienne où la conscience d’aujourd’hui n’existait pas». Il laisse entendre que l’archevêque, héros de l’indépendance de son pays, a bien été autorisé à prendre une retraite anticipée plutôt que d’être jugé au début des années. Il nie avoir voulu «étouffer l’affaire» et insiste sur le fait que certaines décisions ont été prises «il y a 25 ans».
L’entretien aborde le cas du père Ivan Rupnik, célèbre artiste jésuite dont le pontife est proche, accusé depuis décembre dernier par plusieurs femmes d’une communauté qu’il a fondée dans les années 1990 d’avoir abusé d’elles sexuellement, spirituellement et psychologiquement. Le pape confie que cela a été «une très grande surprise» quand on le lui a appris.
François a nié avoir joué un quelconque rôle dans le traitement de l’affaire Rupnik, si ce n’est d’intervenir sur le plan procédural pour que la deuxième série d’accusations des neuf femmes concernées ne soit pas transmise au même tribunal qu’une première plainte déposée dans le passé. Il a ensuite insisté sur sa volonté de respecter la séparation des pouvoirs et le bon déroulement de l’enquête.
La question épineuse des adultes vulnérables
Dans l’entretien, le pontife confie avoir vécu une «conversion» lors du scandale des abus qui l’avait frappé lors de son voyage au Chili en 2018. À l’époque, il avait refusé de croire à la culpabilité d’un prêtre ayant commis des abus jusqu’à ce que des journalistes ne viennent le «réveiller» lors de la conférence de presse du vol du retour. «C’est là que la bombe a explosé», affirme-t-il en simulant une explosion au niveau de son crâne. «J’ai vu la corruption de nombreux évêques dans ce domaine», explique-t-il.
Le pape François reconnaît le problème que posent les abus commis sur des «adultes vulnérables». Cette vulnérabilité des adultes a été élargie juridiquement par le pontife dans un motu proprio publié en 2019. Pour lui, sont vulnérables par exemple ceux qui sont affaiblis par une «dépendance», des «incapacités psychologiques», une «maladie» ou parce qu’ils sont victimes d’une «séduction». (cath.ch/imedia/cd/bh)