Le cardinal Rosa Chávez retrace l'histoire de l’Église salvadorienne
Dans un livre-entretien publié en espagnol en novembre 2022, le cardinal salvadorien Gregorio Rosa Chávez, âgé de 80 ans, retrace avec franchise le chemin escarpé que fut celui de son engagement dans l’Église de son pays. On trouve dans ses mémoires la présence prégnante de saint Oscar Romero.
Durant ses 50 ans passés au service de l’Église de son pays, les difficultés et les occasions de désespérer – du clergé catholique lui-même – n’ont pas manqué de surgir, explique à Catholic News Service le premier cardinal du pays. Mais s’il y a une chose qu’il a dit avoir apprise au cours de cette période, c’est que «Dieu écrit droit avec des lignes courbes», comme le dit le dicton.
Ce livre est écrit à partir d’entretiens retranscrits par le Père Ariel Beramendi, un prêtre bolivien basé à Rome. On y découvre un vaste paysage, non chronologique, de la vie de Gregorio Rosa Chávez, qui fut durant 40 ans évêque auxiliaire de San Salvador. Le cardinal revient longuement sur les calomnies et les attaques personnelles dont a été victime Oscar Romero, y compris de la part de prélats. Il retrace aussi le parcours du Père Rutilio Grande, jésuite récemment béatifié.
Le martyre blanc de saint Romero
Il décrit le «martyre rouge» d’Oscar Romero, assassiné le 24 mars 1980, et son «martyre blanc» qui s’en est suivi. A savoir une campagne de calomnie menée de l’intérieur de l’Église. C’était une époque de violence et de persécution contre les membres de l’Église qui se battaient pour les pauvres et contre l’injustice.
«J’ai vu l’archevêque Romero sur une civière avec ses vêtements sacerdotaux violets, sans vie, un visage serein… quand je suis sorti dans les rues, j’ai entendu des feux d’artifice de célébration dans les quartiers aisés de la ville, et j’ai entendu plus tard que quelqu’un avait dit: «Enfin, ils ont tué le communiste»», raconte-t-il.
Mais les réponses du cardinal, directes et empreintes de sérénité, indiquent qu’il n’a jamais perdu l’espoir, ni nourri de ressentiment. Peu importe ce qui l’entourait: guerre, attaques idéologiques, calomnies. Il se dit reconnaissant que saint Romero soit mort en état de «grâce», puisqu’il participait à l’eucharistie lorsqu’il a été tué.
Bénédiction d’un exil
Le cardinal revient aussi, plus sobrement, sur ses propres difficultés rencontrées au sein de l’Église. Notamment dans ses relations avec Mgr Fernando Sáenz Lacalle, devenu en 1995 archevêque salvadorien. Décédé au début de l’année, celui-ci l’a assigné à reprendre une paroisse d’une église à la périphérie de la capitale San Salvador, alors même que Mgr Rosa Chávez était évêque auxiliaire de San Salvador. Le cardinal considère ce moment comme une bénédiction qui lui a permis de se rapprocher des pauvres. Il mentionne néanmoins que d’autres frères évêques ont vu ce déménagement comme une punition et un «exil».
Un devoir de mémoire
Depuis cette paroisse où il vit toujours, il a déclaré à Catholic News Service, dans une interview du 16 décembre, qu’il avait décidé de collaborer avec le Père Beramendi parce qu’il était très inquiet de n’avoir rien écrit sur son expérience d’évêque. Il pense que son récit doit être publié car il y a toujours une confusion, voire des tentatives d’effacer ou de présenter des versions différentes, de ce qui s’est passé pendant une période importante de la vie de l’Église catholique au Salvador. «Pendant 20 ans, Rome a été mal informée sur la question de Romero», qui était présenté comme un communiste, notamment par certains membres du gouvernement.
«Je voulais que tout cela cela figure dans les archives», a déclaré le cardinal Rosa Chávez, qui a étudié la communication à l’Université de Louvain et qui a dirigé pendant des décennies les communications de l’Église à l’archevêché. (cath.ch/cns/lb)