Le Père Frank Pavone, activiste pro-vie, renvoyé de l’état clérical
Le prêtre américain Frank Pavone, chef d’une organisation pro-vie et activiste politique controversé, a été renvoyé de l’état clérical par une décision de Rome, le 17 décembre 2022. Figure médiatique de premier plan, Frank Pavone était en conflit avec sa hiérarchie depuis des années.
Frank Pavone est le directeur national de Priests for Life, une organisation nationale qui outre le combat anti-avortement soutient les retraites de guérison post-avortement, gère une maison d’édition, s’engage dans la production télévisée et diffuse en direct une messe quotidienne.
Ordonné prêtre par le cardinal John O’Connor de New York en 1988, Frank Pavone s’est impliqué à temps plein dans la lutte contre l’avortement depuis 1993. Il a fait plusieurs fois les gros titres ces dernières années en raison de son activisme ouvertement partisan en exhortant les catholiques à voter pour Donald Trump. Il a soutenu les groupes remettant en question la validité de l’élection présidentielle de 2020 et dénigrant les démocrates.
En septembre 2020, son diocèse avait déclaré que les publications de Frank Pavone n’étaient pas conformes aux enseignements de l’Église catholique et que ni l’Église catholique ni le diocèse d’Amarillo ne cautionnaient ces messages.
Incardiné à Amarillo, au Texas
Initialement incardiné dans l’archidiocèse de New York, le prêtre a été transféré au diocèse d’Amarillo, au Texas, en 2005, avec l’intention de fonder un ordre religieux. Ce projet a échoué et Frank Pavone s’est rapidement retrouvé en conflit avec l’évêque d’Amarillo, Mgr Patrick Zurek, nommé à la tête du diocèse trois ans après l’arrivée de Pavone.
Les incidents de 2020 font partie d’un différend de dix ans entre Frank Pavone et Mgr Zurek. En 2011, l’évêque lui avait interdit d’exercer un ministère sacerdotal en dehors du diocèse, et lui avait ordonné de revenir dans son diocèse pour y recevoir une affectation pastorale. Frank Pavone n’avait pas obéi aux ordres de son évêque et avait été suspendu. Le prêtre avait lancé un recours contre sa suspension et affirmait que le Vatican l’avait levée en 2019.
Une gestion financière opaque
En 2011, outre la désobéissance de Pavone, l’évêque avait évoqué des préoccupations concernant la gestion financière de Priests for Life qui générait alors plus de 10 millions de dollars de dons par an.
Ces dernières années, Frank Pavone a prétendu être en cours de transfert vers un autre diocèse, dont il n’a pas divulgué le nom. Il affirmait dépendre désormais d’un autre évêque que Mgr Zurek. En avril 2020, l’avocat canonique de Pavone a publié une déclaration affirmant que Pavone était un «prêtre en règle» et qu’il serait transféré dans un nouveau diocèse. Ce qui n’a jamais été le cas.
Désobéissance persistante
Dans une lettre adressée aux évêques américains, le nonce apostolique, Mgr Christophe Pierre a transmis une brève déclaration du Dicastère pour le clergé du Vatican indiquant que Frank Pavone avait été réduit à l’état laïc après que la procédure canonique l’a reconnu coupable de «communications blasphématoires sur les médias sociaux et de désobéissance persistante aux instructions légitimes de son évêque diocésain». A noter que le dicastère n’évoque pas ses prises de position politiques.
La déclaration du Vatican indique également que Frank Pavone a eu «amplement l’occasion» de se défendre et qu’il a eu plusieurs chances d’accepter l’autorité de son évêque, mais qu’il ne l’a pas fait et qu’il n’a donné «aucune justification raisonnable à ses actions».
Des sources proches de l’affaire ont confirmé au média en ligne The Pillar que c’est Mgr Zurek qui a demandé au dicastère le renvoi de Frank Pavone. La lettre du nonce aux évêques américains, précise que sa laïcisation est une «décision suprême n’admettant aucune possibilité d’appel».
Refus de la décision romaine
Le 17 décembre, peu après l’annonce de son renvoi de l’état clérical, Frank Pavone a déclaré sur Twitter que «dans toutes les professions, y compris la prêtrise, si vous défendez les enfants à naître, vous serez traités comme eux ! La seule différence est que lorsque nous sommes ‘avortés’, nous continuons à parler, haut et fort.»
Le prêtre a annulé une messe en direct prévue le 19 décembre, mais ses déclarations publiques et le fait qu’il continue à porter une tenue cléricale et le titre de «Père» laissent penser qu’il n’accepte pas la décision du Vatican. S’il continue à se présenter comme un clerc, Frank Pavone pourrait faire l’objet de nouvelles sanctions, y compris l’excommunication.
En revanche, la décision du Vatican de laïciser Frank Pavone ne devrait pas affecter son rôle de président et de directeur du conseil d’administration de Priests for Life. Dans sa déclaration aux évêques américains, le Dicastère pour le clergé a noté que «puisque Priests for Life n’est pas une organisation catholique, la poursuite du rôle de M. Pavone en tant que laïc dépend entièrement de la direction de cette organisation».
Le 19 décembre, Frank Pavone a tweeté que «mon conseil d’administration, mon équipe pastorale et mon personnel sont unis à 1000% avec moi pour poursuivre notre travail. Nous ne ralentirons pas. Ma vocation est d’être un prêtre et un leader #prolife et je ne m’éloignerai pas de l’un ou l’autre !»
Divers soutiens
Frank Pavone a également reçu un certain nombre de manifestations publiques de soutien de la part de commentateurs politiques et d’activistes catholiques. Notamment Mgr Joseph Strickland, évêque de Tyler, au Texas, qui a publiquement contesté la décision du Vatican en relevant sur twitter que «le blasphème est que ce saint prêtre soit renvoyé alors qu’un président diabolique (Joe Biden NDLR) promeut la négation de la vérité et le meurtre des enfants à naître à tout bout de champ». (cath.ch/thepillar/mp)