2022 au Vatican: l’année des reprises en main musclées
Que ce soit avec la Caritas, l’Ordre de Malte ou bien l’Opus Dei, le pape François n’a pas hésité à faire acte d’autorité en 2022. Retour sur ces interventions et sur ce qu’elles disent du style de gouvernement du pape François.
Au Vatican, l’année 2022 restera dans les mémoires comme celle de la publication de la nouvelle constitution apostolique Praedicate Evangelium, qui encadre la nouvelle structure de la Curie romaine, l’administration centrale de l’Église catholique. Cependant, le pape François n’a pas limité son action à Rome, mais est intervenu directement pour réformer le fonctionnement de nombreuses organisations catholiques ›satellites’, celles-ci bénéficiant statutairement d’une certaine autonomie vis-à-vis du Saint-Siège tout en y restant structurellement liées.
Recadrage de l’Ordre de Malte, normalisation de l’Opus Dei
C’est le cas en premier lieu de l’Ordre de Malte, qui, tout en étant uni à Rome, reste une entité souveraine et officiellement indépendante du Vatican. Cela faisait cinq ans que le pape demandait aux descendants des Hospitaliers de Terre Sainte de se réformer, une décision qu’il avait prise après avoir déposé en 2017 le Grand Maître de l’époque, Fra’ Matthew Festing, sur fond de tensions internes. Le pontife a finalement tranché. S’il a rappelé que l’Ordre était souverain, il lui a imposé une nouvelle constitution, rédigée par une petite équipe avec à sa tête son envoyé personnel, le cardinal Tomasi. Pour porter le changement de gouvernance qu’il a imposé à l’Ordre, il a aussi remplacé intégralement le «Souverain Conseil» qui le dirige et nommé un nouveau Lieutenant du Grand Maître.
Le pontife est aussi intervenu auprès de l’Opus Dei, œuvre catholique qui bénéficie depuis 1968 d’un statut légal à part de prélature personnelle, pour lui retirer certaines spécificités dont elle bénéficiait depuis son établissement. Dans le sillage de la publication de la nouvelle constitution de la Curie, le pape François a d’abord décidé de faire passer la prélature sous le contrôle du dicastère du Clergé et non plus des Évêques. Enfin, le prélat de l’Ordre – plus haut représentant – n’est plus automatiquement évêque. Ces mesures vont dans le sens d’une normalisation de la place occupée par l’Opus Dei dans l’Église et à Rome.
Mise sous tutelle de Caritas Internationalis
Le pape François, après un audit, a aussi débarqué le 22 novembre la direction de Caritas Internationalis, la confédération qui coordonne l’action des 162 organisations humanitaires centrales de l’Église catholique, sur fond de problèmes de management en interne. Pour les résoudre, le pontife a nommé un commissaire extraordinaire, actant la mise sous tutelle de l’organisation et a annoncé vouloir améliorer les normes et procédures de gestion en place. La décision a été annoncée devant des représentants stupéfaits des Caritas d’une soixantaine de pays réunis à Rome. «On se croirait chez Twitter», soufflait un membre de la Curie, faisant référence au management de l’entreprise américaine rachetée par Elon Musk, qui venait de licencier manu militari des centaines d’employés.
Un management autoritaire?
Ces trois «recadrages» opérés par le pontife ont en commun d’avoir été annoncés sans que la direction des organisations concernées en soit préalablement informée. Ils ont, à chaque fois, suscité de la surprise, aussi bien en interne qu’en externe. Ainsi, des diplomates accrédités près le Saint-Siège – interrogés par l’agence I.MEDIA – se sont dits déconcertés par le style «autoritaire» ou «violent» employé par le pontife.
Une réaction que relativisent certains. Ainsi, le Père Cristian Mendoza voit derrière ces interventions du pape «son style de gouvernement» ordinaire. Le professeur mexicain en doctrine sociale, qui enseigne à l’Université pontificale de la Santa Croce à Rome, insiste sur le fait que le pape agit de la sorte depuis l’époque où il était archevêque de Buenos Aires, notamment parce qu’il craint les «dérives» qui peuvent survenir dans ces organisations et souhaite apporter plus de «transparence».
Discrétion privilégiée
Dans un entretien avec America publié en 2013, le pontife avait reconnu avoir fait preuve d’autoritarisme quand il était provincial des Jésuites en Argentine pendant les années 1970. Il avait cependant assuré avoir changé. Il confiait vouloir consulter des gens avant de trancher plutôt que de prendre des décisions solitaires.
Aujourd’hui, il semble privilégier une certaine discrétion concernant ces consultations, et ce jusqu’au moment de décider. En outre, il lui arrive souvent de faire le choix de ne pas s’entretenir avec certains responsables en place. C’est parce qu’il ne leur fait pas confiance, considère pour sa part le Père Mendoza. «Quand on vient le voir, on lui présente souvent une vérité embellie», estime-t-il. Ce serait donc pour cela que le pontife fait appel à des personnes extérieures. (cath.ch/imedia/cd/rz)