Le pape a réitéré l'empêchement pour les femmes d'accéder à la prêtrise dans l’Église catholique romaine. Ici, Anne-Marie Kaufman, ordonnée prêtre dans l’Église catholique chrétienne, en Suisse | © Pierre Pistoletti
Vatican

Ordination des femmes: le pape propose une autre voie

Le pape François a livré un long entretien aux journalistes du magazine jésuite America, basé à New-York, qui a été publié le 28 novembre 2022. Il revient sur les grands dossiers diplomatiques du moment – Chine, Ukraine, Russie – ainsi que sur les tensions qui animent l’Église catholique aux États-Unis et dans le monde.

L’agence I.MEDIA propose de revenir sur les points importants de cet entretien. 

Ordination des femmes: suivre le «principe pétrinien»

«Pourquoi une femme ne peut-elle pas entrer dans le ministère ordonné? C’est parce que le principe pétrinien ne le prévoit pas», explique le pape François. Il était interrogé par le magazine américain sur la souffrance de certaines femmes de ne pas pouvoir être ordonnées prêtres dans l’Église catholique. Faisant référence à la succession épiscopale héritée des apôtres de Jésus, tous des hommes, le pape propose d’approfondir d’autres voies que celle de l’ordination ministérielle – sacerdotale et diaconale. 

«Au Vatican, les lieux où nous avons mis des femmes fonctionnent mieux»

Il ajoute que l’Église ne peut se limiter à sa dimension ministérielle. «L’Église est femme. L’Église est une épouse. Nous n’avons pas développé une théologie de la femme qui reflète cela», déplore le pape. Le fait «que la femme n’entre pas dans la vie ministérielle n’est pas une privation». Sa place est «beaucoup plus importante» et il reste aujourd’hui à la développer à l’aune du «principe marial». Ce dernier, qui vient avec le «principe pétrinien», concerne la place de la féminité dans l’Église, «de la femme dans l’Église», avance-t-il. Le pape reprend ainsi ce qu’il avait déjà exprimé lors d’une conférence de presse à l’occasion de son voyage retour de Suède, à l’automne 2016.

Pour le pontife, en plus des dimensions «pétrinienne» et «mariale» se trouve «une troisième voie», qu’il appelle: «la voie administrative». Sur ce point, le pape reconnaît qu’il faut encore donner «plus d’espace aux femmes» dans l’Église. «Au Vatican, les lieux où nous avons mis des femmes fonctionnent mieux».

Guerre en Ukraine: «Si je voyage, je vais à Moscou et à Kiev»

Le pape François se défend de vouloir ménager la Russie dans ses prises de position concernant la guerre en Ukraine. Rappelant les tragédies subies par le peuple ukrainien «martyrisé», il reconnaît clairement que, dans cette guerre, «celui qui envahit est l’État russe». Mais il explique ne pas toujours vouloir préciser les choses «pour ne pas offenser». Il propose alors une condamnation en général, «bien que l’on sache qui je condamne». Un peu plus loin, il affirme: «Pourquoi je ne nomme pas Poutine? Parce que ce n’est pas nécessaire, on le sait déjà».

«Je travaille en général à la réception de listes de prisonniers, à la fois civils et militaires»

Le pape revient par ailleurs sur son désir de se rendre en Ukraine et en Russie, un souhait qu’il avait déjà émis. Mais il explicite cette fois clairement sa doctrine sur le sujet: «Si je voyage, je vais à Moscou et à Kiev, aux deux, pas à un seul endroit». Il assure enfin que la position du Saint-Siège est de rechercher la paix. La diplomatie du Saint-Siège «est toujours prête à servir de médiateur».

Dans sa réponse, le pape rapporte aussi qu’il s’est entretenu par téléphone à trois reprises avec le président ukrainien Zelensky. «Je travaille en général à la réception de listes de prisonniers, à la fois des prisonniers civils et des prisonniers militaires, et je les fais envoyer au gouvernement russe, et la réponse a toujours été très positive», détaille-t-il.

Abus commis par les évêques: vers plus de transparence?

Interrogé sur les récentes affaires d’abus commis dans l’Église catholique, notamment par des évêques, le pape François propose la même réponse que celle effectuée durant la conférence de presse de retour de Bahreïn, le 6 novembre dernier. Il est ainsi revenu sur la façon dont l’Église avance depuis le scandale de Boston, aux débuts des années 2000 et reconnaît que l’Église agissait alors en «déplaçant l’abuseur de son poste» et en le «couvrant». L’Église a depuis pris la décision de ne plus le faire, assure-t-il. Le pape François note aussi que le problème des abus touche selon lui d’abord les familles, les centres sportifs et puis l’éducation. Cela ne doit pas être une excuse: «S’il n’y avait eu qu’un seul cas, il aurait été monstrueux», insiste-t-il.

«Le dialogue est la voie de la meilleure diplomatie»

Relancé par le journaliste sur la manière dont les évêques pourraient échapper aux règles imposées à tout le clergé, le pape François explique qu’en matière d’abus, «nous devons aller de l’avant avec une transparence égale». Et d’ajouter: «S’il y a moins de transparence, c’est une erreur ».

Chine: dialoguer «tant que c’est possible»

Le pontife défend une nouvelle fois la ligne diplomatique du Vatican vis-à-vis de la Chine, avec laquelle un accord sur la nomination des évêques a été renouvelé en octobre dernier. «On dialogue tant que c’est possible», insiste-t-il dans cet entretien, effectué une semaine avant que le Saint-Siège ne proteste pour la première fois contre une nomination unilatérale d’un évêque par Pékin, perçue comme une violation flagrante de l’accord.

Le but du Saint-Siège, souligne l’évêque de Rome, est de permettre aux catholiques chinois d’être «de bons catholiques et de bons Chinois». Prenant l’Ostpolitik menée par le cardinal diplomate Agostino Casaroli pendant la guerre froide comme modèle, il affirme que le «dialogue est la voie de la meilleure diplomatie», reconnaissant cependant sa lenteur et les «échecs» qui peuvent jalonner cette route.

Le ministère épiscopal prime sur la conférence des évêques

Sur les tensions autour de la conférence épiscopale américaine, dont le nouveau président est considéré comme conservateur, le pape répond qu’un catholique «harmonise toujours les différences». Il regrette la présence de «groupes idéologiques» dans l’Église aux États-Unis qui accroissent la polarisation en son sein.

«Si je ne vois l’Évangile que d’un point de vue sociologique, oui, je suis communiste, et Jésus aussi»

«La conférence des évêques n’est pas le pasteur», note le pontife. Il explique qu’à trop regarder la conférence épiscopale, on «risque de diminuer l’autorité de l’évêque», qui seul «a la responsabilité de chair et de sang» pour son peuple. «Vous avez de bons évêques qui sont plus à droite, de bons évêques qui sont plus à gauche, mais ce sont plus des évêques que des idéologues», déclare-t-il.

Les communistes ont «volé» certaines valeurs chrétiennes

Le pape François s’étonne ensuite que certains catholiques américains le considèrent comme un marxiste ou un communiste, assurant qu’il n’est guidé que par les «Béatitudes». Il déplore «la réduction socio-politique du message évangélique».

«Si je ne vois l’Évangile que d’un point de vue sociologique, oui, je suis communiste, et Jésus aussi», poursuit-il. Et ajoute que ce sont les communistes qui ont «volé certaines de nos valeurs chrétiennes». 

Avortement: ne pas traiter le péché de façon puritaine

Une journaliste déplore devant le pontife la politisation de la question de l’avortement par la conférence épiscopale américaine. La nouvelle présidence ayant adopté une ligne inflexible sur cette question qu’elle considère comme prioritaire. Le pape lui répond en insistant sur le fait qu’un embryon devait être considéré comme un «être humain vivant». Il décrit l’avortement comme un «crime», recourant une nouvelle fois à l’image du «tueur à gage». 

«Le racisme est un péché intolérable contre Dieu»

François insiste cependant sur le fait que l’avortement n’est pas uniquement une «affaire civile» pour l’Église américaine, mais aussi pastorale. Il incite ses évêques à ne pas traiter le péché de façon «puritaine» et à ne pas le politiser, afin de privilégier une approche pastorale. 

Il rappelle aussi que la question sacramentelle – qui est au cœur du principe de ‘cohérence eucharistique’ défendu par l’épiscopat américain, soit l’interdiction de l’eucharistie aux hommes politiques qui défendent l’avortement – ne relève pas de la conférence épiscopale mais de chaque évêque individuellement dans sa «relation avec son peuple». 

Éradiquer pastoralement le racisme 

Interrogé sur le fait que la lutte contre le racisme n’est pas perçue comme «une priorité» par les catholiques américains, le pontife se dit proche des noirs, autochtones et latinos qui vivent cette «souffrance raciale». Il décrit le racisme comme un «péché intolérable contre Dieu». 

Le pape François invite ensuite les évêques à trouver des solutions pastorales pour «éradiquer» le racisme dans leurs communautés. Il souligne aussi l’importance de la présence d’évêques noirs dans le clergé américain: en 2021, il avait été le premier à créer un cardinal afro-américain, l’actuel archevêque de Washington, Wilton Gregory. (cath.ch/imedia/hl/rz)

Le pape a réitéré l'empêchement pour les femmes d'accéder à la prêtrise dans l’Église catholique romaine. Ici, Anne-Marie Kaufman, ordonnée prêtre dans l’Église catholique chrétienne, en Suisse | © Pierre Pistoletti
28 novembre 2022 | 16:24
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 6  min.
Avortement (195), Chine (400), Ordination des femmes (23), Racisme (58), Ukraine (665)
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