Accompagnement des mourants: «Les gens souhaitent qu’on les écoute!»
Caroline Walker Miano est accompagnatrice pour les mourants et le deuil dans le Haut-Valais. Avec son association, elle soutient les personnes concernées et leurs proches en veillant avec elles. Cela signifie: «écouter, écouter, écouter». Elle porte un regard critique sur la votation cantonale du 27 novembre: «Beaucoup de gens craignent que le suicide assisté augmente».
Sarah Stutte, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
Que faites-vous exactement avec votre association?
Caroline Walker Miano*: L’association haut-valaisanne d’accompagnement en fin de vie et de deuil accompagne bénévolement des personnes en fin de vie depuis plus de 18 ans. Nous accompagnons toutes les personnes sans distinction de religion, d’origine ethnique ou d’opinion politique.
Pourquoi cette offre a-t-elle été lancée?
A l’époque, il y avait une demande pour une telle offre dans le Haut-Valais. En 2003, l’évêché de Sion a lancé une formation continue sur l’accompagnement des mourants et des personnes en deuil, à laquelle j’ai participé. Après cette formation, je me suis associée à quelques autres diplômés pour fonder une association bénévole dans le Haut-Valais.
De quoi vous êtes-vous inspirés?
Nous nous sommes inspirés d’une offre d’accompagnement en fin de vie qui existait déjà à Lucerne. Parallèlement, le réseau de soins palliatifs du Haut-Valais a été créé en 2004.
Comment s’organise l’accompagnement de votre association?
Nous organisons des veilles avec les proches, le personnel soignant ou les aumôniers des différentes institutions. Nous le proposons dans toutes les institutions, mais aussi chez des particuliers, ici dans le Haut-Valais. Les veilles ne sont pas des activités de soins, ni médicales. L’assistance au suicide ne fait pas non plus partie de notre offre.
L’association se compose-t-elle uniquement de bénévoles?
Oui. L’équipe se compose d’environ un tiers de personnel soignant et de deux tiers de bénévoles sans formation médicale. Nous avons aussi bien des femmes que des hommes. Tous apportent un haut degré de flexibilité et de résistance au stress. Actuellement, 32 membres effectuent ce travail bénévole.
«Est-ce que j’ai bien vécu? Ai-je tout fait correctement? Que restera-t-il de moi?»
Où et comment ces veilles ont-elles lieu?
Les accompagnements ont lieu à 97% pendant la nuit et sont très variés. La plupart de nos interventions se déroulent dans des maisons de retraite et des établissements médico-sociaux (EMS). Les accompagnements dans un environnement privé représentent la minorité. Mais cela a changé depuis la pandémie de covid. Nous avons constaté une augmentation des demandes émanant du secteur privé.
Pourquoi en est-il ainsi?
La pandémie a limité l’accès aux institutions et de nombreuses personnes concernées ont constaté qu’elles pouvaient aussi être soutenues à domicile. En Valais, nous sommes en outre dans la fâcheuse situation que les EMS manquent de lits pour la génération des baby-boomers qui arrive maintenant. Et puis, la route vers les centres est aussi limitée par la topographie valaisanne. Dans les villages de montagne, nous faisons donc plus souvent des accompagnements à domicile.
Y a-t-il des moments dans la journée ou dans l’année où vous recevez plus de demandes?
Les demandes les plus fréquentes nous parviennent entre 14 et 18 heures. Cela signifie qu’à partir de 22 heures le soir même, un ou une bénévole est déjà assis(e) au chevet de la personne mourante. En ce moment, nous sommes très occupés. Il se peut que le téléphone ne sonne pas du tout pendant trois semaines, mais aussi que trois demandes arrivent le même jour.
Combien de temps dure une telle assistance?
Cela dépend de l’état dans lequel se trouvent les personnes. Certaines décèdent le soir même. D’autres ont besoin d’un soutien pendant plusieurs semaines – la nuit et parfois même 24 heures sur 24.
Comment vivez-vous les rencontres avec les proches?
Nous accompagnons de nombreuses personnes très âgées, souffrant de pathologies multiples, qui ont également des proches déjà âgés ou qui n’en ont pas du tout. Dans le domaine privé, notre service sert surtout à soulager les proches et, dans les institutions, à soulager le personnel soignant.
Les proches participent-ils aussi à la veille?
Oui. Souvent, il y a déjà un accompagnement au pied du lit. Nous parlons avec les proches de la vie des personnes mourantes. Nous leur expliquons ce qui se passe au moment de la mort.
Des thèmes religieux sont-ils également abordés?
Absolument. La spiritualité et le sens de la vie sont des thèmes fréquents, indépendamment de l’appartenance religieuse. «Est-ce que j’ai bien vécu? Ai-je tout fait correctement? Que restera-t-il de moi?» Nous prions ensemble, souvent aussi avec des aumôniers qui sont appelés.
Qu’est-ce qui vous semble problématique dans la loi sur l’assistance au suicide en EMS en votation le 27 novembre, en Valais?
Le fait que les soins palliatifs et le suicide assisté soient mentionnés dans le même projet de loi est certainement problématique. Certains disent que ce n’est pas contradictoire. Mais pour les personnes qui sont très religieuses, le suicide assisté est un grand sujet et conduit à un dilemme éthique. En Suisse, nous avons une position très libérale sur ce sujet. D’un autre côté, les soins palliatifs sont quelque chose que l’on doit très bien ancrer avec des formations et un travail de communication.
«Les gens ne veulent pas recourir à l’assistance au suicide, mais ils souhaitent simplement que quelqu’un les écoute»
Si la loi devait être adoptée, quelles seraient les conséquences pour le travail des institutions de soins du Haut-Valais et de leur personnel ?
Chaque institution doit réfléchir à sa charte et à ses valeurs. Cela doit être clairement communiqué. Le personnel ne pouvait pas être contraint auparavant d’assister à l’aide au suicide; et il ne le sera pas non plus après. Je ne pense toutefois pas que le suicide assisté augmentera de manière exorbitante si la loi est adoptée.
Il aurait toutefois été souhaitable que le canton émette une recommandation invitant chaque institution à prendre clairement position à ce sujet et à élaborer un concept en la matière. Afin que les résidents actuels ou futurs sachent eux aussi quelle philosophie est vécue dans l’institution en question et que les craintes puissent être réduites.
Les aumôniers catholiques travaillant à l’hôpital et dans les maisons de retraite devront-ils supporter davantage de poids par l’acceptation du projet?
Oui, en raison de leur foi et de leurs valeurs. En outre, ce n’est pas seulement un dilemme pour les collaborateurs catholiques, mais aussi en général pour les Haut-Valaisans religieux. Je ressens également cette détresse lorsque je m’entretiens avec ces personnes. Elles craignent qu’une telle législation entraîne une augmentation du suicide assisté. Il faut prendre cela au sérieux.
Quelle conclusion en tirez-vous?
Beaucoup de personnes en situation finale ne veulent pas recourir à l’assistance au suicide, mais elles souhaitent simplement que quelqu’un les écoute. On peut parler de la mort si l’on a une personne authentique et vraie à ses côtés. Comme nous, les bénévoles, qui aidons à supporter cette dernière étape. (cath.ch/kath.ch/sas/mp)
* Caroline Walker Miano est membre fondatrice, présidente et directrice de l’association haut-valaisanne d’accompagnement en fin de vie et en deuil. (Oberwalliser Verein für Sterbe- und Trauerbegleitung)