Fribourg le 11 novembre 2022. Bernadette Lopez dans son atelier | © Bernard Hallet
Suisse

Berna: «Les couleurs disent la joie de ma foi»

Bernadette Lopez a reçu cath.ch dans son atelier à Fribourg où elle prépare une rétrospective pour ses 30 ans de peinture. Elle raconte comment elle proclame sa foi à travers la peinture de l’Evangile et la joie qu’elle éprouve à peindre des scènes bibliques.

L’atelier dans lequel Bernadette Lopez, dite Berna, reçoit cath.ch ne fait pas 20m2 . Deux pans de mur d’un orange soutenu réchauffent la pièce baignée d’une froide lumière de novembre. Difficile de se déplacer sans devoir se contorsionner, bouger une chaise, un carton à dessins ou des tableaux soigneusement emballés dans du papier à bulles. Des toiles qui seront accrochées à la rétrospective que l’artiste, d’origine espagnole, prépare pour ses 30 ans de peinture à Fribourg.

Berna ouvre d’emblée son univers au visiteur et partage sa joie de peindre. Le terme reviendra souvent durant l’entretien. «J’ai beaucoup de complicités avec les couleurs. Je travaille d’égal à égal avec elles. Et même, elles me devancent car elles connaissent mon idée… Parfois, elles me font tout changer au dernier moment! Et le pinceau aussi sait déjà ce que je vais peindre».

Et les couleurs ont jailli

Les couleurs si vives et si contrastées qui caractérisent les toiles de Bernadette Lopez ont jailli un jour de 1991, «comme un geyser!» Des amis lui commandent une représentation de Marie. «Je n’ai pas une sensibilité mariale, mais je me suis lancée. J’ai peint Marie en jaune». C’est la révélation. «Tout ce que j’avais en moi et que j’avais assimilé sans vraiment le savoir est sorti!» Depuis ces couleurs coulent «comme une source. Comme si un bouchon avait sauté! Elles disent la joie de ma foi!».
En préparant l’exposition, elle a retrouvé l’original de 1991 en fouillant dans des classeurs. Elle s’enthousiasme: «J’ai retrouvé Marie! Le tableau sera à l’expo!» Depuis, elle l’assure, Berna n’a jamais quitté cette joie et cette plénitude qu’elle trouve dans la peinture et la Bible. Qui s’est imposée à elle comme le sujet de son œuvre.

«La toile vient de la lecture de la Bible. La Parole précède l’image, toujours.», explique Berna, dans son atelier de la route de la Vignettaz | © Bernard Hallet

Elle dessinait ses cours

Ce qu’elle avait assimilé? Le dessin. Dès qu’elle a pu tenir un crayon, Bernadette a dessiné, presque frénétiquement. Arrivée d’Espagne en 1989 elle n’a pourtant jamais fréquenté d’école d’art ni pris de cours. «C’est un don. Je dessinais tout le temps sans vraiment me rendre compte, c’était naturel». Elle bondit de son siège, attrape un classeur, l’ouvre et fait défiler des pochettes qui contiennent des dizaines de dessins de paraboles sur des transparents. Le coup de crayon est vif. «C’était en 1994 quand j’aidais à la paroisse. Je dessinais pour les enfants de la catéchèse et je les passais au rétroprojecteur».

A la Faculté de Théologie, elle ne prenait pas de notes, mais dessinait ses cours. Même si elle s’est orientée vers la peinture, Berna continue de dessiner. «J’en ai des tout frais pour l’exposition», sourit-elle.

Un peu plus tôt, Albert Longchamp, alors rédacteur en chef de l’Écho Illustré à Genève, a repéré Bernadette Lopez et publie, dès 1992, ses œuvres. La même année, la première grande commande que reçoit Bernadette émane du vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg: un chemin de croix pour le séminaire de Fribourg. Mgr Jacques Richoz lui laisse carte blanche. Le travail préliminaire lui permet de recevoir l’avis – et l’aval – de Marie-Christine Varone, qui enseigne à la faculté de Théologie de Fribourg. S’inspirant de l’Evangile selon Saint Luc, Berna veut être au plus près du texte.

Le «coup de cœur» pour l’acrylique

C’est encore l’époque où l’artiste peint à la gouache, sans avoir appris. Une autre commande, en 1995, lui donne un vrai «coup de cœur» pour la peinture à l’acrylique. «Un prêtre de Saint Domingue m’avait commandé un chemin de joie pour une église à ciel ouvert». Un climat tropical incompatible avec la peinture à la gouache. Bernadette découvre alors l’acrylique. Elle doit travailler très vite: «la peinture sèche très rapidement». La matière convient bien à l’artiste dont le coup de pinceau est vif. L’acrylique lui permet d’épaissir ou d’alléger les couches rapidement et de donner du relief à sa peinture.

Une peinture «catéchétique»

Cette manière de travailler et de contraster ses couleurs donne aussi de l’épaisseur à son œuvre: la matière peut aider à transcrire le texte. Cela doit inviter le spectateur à réfléchir, à se remettre en question. Elle peint des couleurs vives car «La Parole de l’Evangile, elle percute! Elle ne doit pas nous confirmer dans nos certitudes ou nos habitudes». Ce n’est pas une simple illustration du texte. «Ma peinture est en ce sens très catéchétique».

Berna peint des couleurs vives car «La Parole de l’Evangile, elle percute!» | © Bernard Hallet

Et, insiste-t-elle, «La toile vient de la lecture de la Bible. La Parole précède l›image, toujours.» «Je n’effectue pas de travail préparatoire». Au moment où elle prend le pinceau, Berna a la toile dans la tête et la peint instantanément. Elle peut passer huit à neuf mois à «méditer» plusieurs tableaux d’une future exposition et les exécuter en moins de huit semaines.

Marc Chagall, Arcabas et Georges Rouault

L’artiste reconnaît trois maîtres: Marc Chagall et Arcabas pour les couleurs vives, «et leur interprétation des textes bibliques!». Et pour les visages aux traits marqués, notamment ses béatitudes (voir encadré) et ses pèlerins d’Emmaüs, «c’est Georges Rouault» (1871-1958). Elle aime le style de Goya, des impressionnistes et du groupe des Nabis, les peintres du mouvement postimpressionniste, actifs fin du 19e siècle et au début du 20e.

Elle n’a pas voulu vivre de sa peinture. «Je ne voulais pas entrer dans un système, la dimension économique de la peinture et les contraintes qui l’accompagnent ne m’intéressaient pas». Aujourd’hui, Berna travaille à l’aumônerie de l’hôpital de Morges à temps partiel, disposant ainis de temps pour peindre. (cath.ch/bh)

Les béatitudes
Neuf portraits sont disposés sur un grand panneau, au sol. L’artiste s’apprête à les coller. «Chaque visage correspond à une béatitude, explique Berna. Je n’avais pas envie de peindre un Jésus en haut de la montagne avec la foule qui le regarde d’en bas. Une couleur a émergé pour chaque béatitude, de même qu’une expression du visage. J’ai imaginé que je me trouvais face au Christ et que je le regardais à chaque phrase.» Berna avait présenté ces portraits de Jésus à l’huile lors d’une rencontre «Prier Témoigner», en 2000. «Une participante les avait tous achetés. J’y tenais tellement que je les ai repeints en 2003». BH

Evangile-et-peinture fête 20 ans
La création du site Evangile-et-peinture, en 2003 avec Marie-Dominique Minassian et Cyril Rouiller, a eu pour but de mieux faire connaître les peintures de Berna. Le site propose chaque semaine une méditation de l’évangile dominical, réalisée par Marie-Dominique et accompagnée d’une peinture. Au fil du temps, le site est devenu une sorte de banque d’images où les peintures peuvent être téléchargées gratuitement. «Beaucoup de fidèles nous suivent depuis longtemps, autant pour lire les méditations que pour télécharger les images pour des activités pastorales diverses!» BH

> Rétro-Perspective: exposition de Berna. 1992 – 2022: 30 ans de peinture et 20 ans du site «Evangile-et-peinture» En présence de l’artiste
-Samedi 19 novembre, de 9h à 17h
-Dimanche  20 novembre, de 11h à 17h
-Centre Le Phénix, rue des Alpes 7 à Fribourg

Fribourg le 11 novembre 2022. Bernadette Lopez dans son atelier | © Bernard Hallet
16 novembre 2022 | 17:00
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 5  min.
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