«Voir le pape dans la Péninsule est un encouragement»
Près de 30.000 fidèles assistent à la messe du pape François célébrée au Stade national de Bahreïn, ce 5 novembre 2022, au troisième jour de sa visite dans le pays du golfe Persique. Une grande joie pour ces chrétiens venus d’Arabie saoudite, d’Inde ou bien du Liban, qui peuvent trouver à Bahreïn un espace pour vivre leur foi.
Samedi matin, près de deux heures avant le début de la messe papale, le stade de Bahreïn, qui accueille normalement des matchs de football, est déjà bondé. Dans les tribunes et sur la pelouse, près de 30.000 chrétiens se sont rassemblés pour voir et prier avec le pape François.
« Nous sommes si chanceux », souffle Mirella, 39 ans, venue avec son mari et son fils de cinq ans. Installée à Bahreïn depuis 2014, la famille est originaire du Liban mais la situation économique du pays l’a obligée à migrer vers le Golfe. « Mon mari travaille en Arabie saoudite et traverse chaque jour le pont pour rejoindre Bahreïn », explique la mère de famille. Elle précise qu’ici, les chrétiens sont « bien tolérés », contrairement à l’Arabie saoudite où « il n’est même pas possible de porter une croix dans la rue ».
Un peu plus loin dans le stade, Rosy, une autre Libanaise, confirme. Elle vit avec ses deux enfants dans le pays des Saoud et ne peut vivre librement sa foi. « À la maison, nous avons un coin prière. Mais impossible d’avoir une messe. Alors nous traversons le pont presque tous les vendredis pour rejoindre l’église du Sacré Cœur de Bahreïn », raconte celle qui a dû se résoudre à quitter il y a 9 ans le Liban.
« C’était si difficile de quitter un pays où nous pouvions montrer que nous étions chrétiens… Mais il fallait trouver du travail », poursuit Rosy, qui ne pense pourtant pas retourner au pays du Cèdre, compte tenu de l’effondrement économique. Alors elle espère que cette visite du pape pourra faire bouger les lignes, et « qu’un jour il puisse y avoir une église en Arabie saoudite », rêve-t-elle.
« C’est plein d’espérance de voir le pape venir dans un pays arabe », estime pour sa part Xavia, 42 ans, venu avec sa femme et un enfant. Originaire d’Inde, cela fait 17 ans qu’il vit à Bahreïn et compte bien y rester. « Il y a du travail et les chrétiens sont bien tolérés », souligne ce fidèle de la messe catholique tamoule de l’église du Sacré Coeur – l’une des 13 messes célébrées le vendredi dans l’église. « Il y a beaucoup de catholiques de diverses origines à Bahreïn et nous nous sentons intégrés », abonde-t-il.
Comme lui, Gasper, est un pilier de la paroisse du Sacré Cœur. Pour la messe du pape, il s’est proposé pour être l’un des 300 ministres à porter la communion aux fidèles. « C’est un grand jour pour nous, c’est comme un rêve de voir le pape ici », sourit ce comptable dans l’industrie pharmaceutique.
À 62 ans, cet Indien d’origine a déjà passé 40 ans à Bahreïn et y restera. Sur les plus de 80.000 catholiques que compte le petit État du Golfe, la grande majorité vient des Philippines ou bien d’Inde.
« En regardant ce stade, on comprend que l’avenir du catholicisme est en Asie », murmure Muriel, française de 54 ans. Expatriée depuis 8 mois à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, elle a pris spécialement l’avion pour venir voir le pape.
« Je voyage beaucoup et constate que la dynamique est bien du côté asiatique et africain », raconte cette cadre dans l’industrie pétrolière qui s’attriste de voir le catholicisme s’effondrer en occident. « Je remarque que les gens riches pensent ne plus avoir besoin de spiritualité et se suffisent à eux-même. Dans les églises, ce sont les pauvres qui viennent », observe-t-elle.
Et c’est cette périphérie de l’Église catholique, une périphérie vivante et diverse, que le pape est venu honorer par sa présence. « C’est un encouragement de le revoir dans la Péninsule arabique », conclut Mirella, serrant dans ses bras son fils de 5 ans. (cath.ch/imedia/hl/mp)