Bahreïn: le pape rencontrera le 'Conseil des sages musulmans'
Lors de son déplacement au Royaume de Bahreïn, le pape François rencontrera le 4 novembre 2022 les membres du Conseil des sages musulmans, une institution promouvant la paix au sein de l’islam née en 2014, constituée de leaders musulmans du monde entier. Retour sur l’importance que recouvre cette rencontre pour le pontife, et sur la place qu’occupe ce conseil au sein de l’islam aujourd’hui.
Le Conseil est présidé par le Grand Imam d’al-Azhar, Ahmed al-Tayyeb, cosignataire avec le pape en 2019 du Document sur la fraternité humaine à Abou Dhabi. Son plus proche conseiller, le juge Mohamed Abdelsalam, un des principaux artisans de la rédaction de ce texte qui prône la fraternité entre les religions et leur coopération dans le domaine de la lutte contre les extrémismes et pour la liberté de religion, est le secrétaire de l’organisation.
Un conseil lié à l’université al-Azhar
Si le Conseil est directement lié à la très prestigieuse et ancienne université islamique d’al-Azhar, au Caire, son siège est à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis. Son objectif: «rassembler la nation islamique en éteignant le feu qui menace les valeurs humanitaires et les principes de tolérance de l’islam, et en mettant fin au sectarisme et à la violence qui sévissent dans le monde musulman depuis des décennies».
Les 17 membres du Conseil sont des universitaires islamiques, des experts et des dignitaires connus «pour leur sagesse, leur sens de la justice, leur indépendance et leur modération», souligne le site de l’organisation. Plusieurs membres du conseil ont déjà rencontré le pontife: c’est le cas notamment du grand mufti du Caucase Allahchukur Pachazadé, rencontré en Azerbaïdjan, à Rome, et dernièrement au Kazakhstan en septembre dernier.
Le Conseil se veut représentatif des différents courants et réalités de l’islam. Les membres viennent de 15 pays différents, du Moyen-Orient, d’Asie du Sud-Est, du Caucase et d’Afrique. On notera l’absence de quelques ›géants’ du monde musulman: le Pakistan, l’Inde, le Bangladesh (pourtant 2e, 3e et 4e pays musulmans les plus peuplés du monde) ou encore l’Iran, la Turquie ou l’Algérie (7, 8, et 9e, qui représentent à eux trois 200 millions de musulmans).
Différents courants religieux représentés
Les membres sont issus de différents courants religieux de l’islam. C’est le cas du chiisme, représenté par le grand mufti du Caucase et par le mufti de Tyr et de Jabal Amel, Sayyed Ali bin Mohamad el-Amine, un universitaire libanais opposé au Hezbollah. Les principaux courants du sunnisme, la branche majoritaire de l’islam, sont aussi représentés : l’école malikite africaine, le hanbalisme saoudien, le hanafisme égyptien et jordanien et le chaféisme asiatique.
En s’appuyant sur sa relation privilégiée avec Ahmed al-Tayyeb pour dialoguer avec l’islam, le pape a une nouvelle fois la possibilité de dialoguer avec ce Conseil des sages, déjà rencontré en 2109. Créé pour répondre à la montée en puissance de l’islamisme politique et du terrorisme djihadiste, le Conseil des sages se veut une instance de dialogue qui fasse autorité dans un monde musulman éclaté en de nombreux centres de pouvoirs.
Interrogé par I.MEDIA, le dominicain Emmanuel Pisani explique que le ‘Conseil des sages’ a été pensé comme une réponse d’al-Azhar au ›Conseil des savants musulmans’ des Frères musulmans. Le spécialiste de l’islam, directeur de l’Institut dominicain d’études orientales, souligne le choix du terme ›sages’, opposé aux ‘savants’, signe que l’université al-Azhar «considère que les sciences peuvent être instrumentalisées par le politique et servir la violence ou l’extrémisme».
«Aujourd’hui, l’impact d’al-Azhar a considérablement diminué», reconnaît le frère Pisani, qui estime cependant que l’actuel Grand Imam redore le blason de l’université par son activisme international en faveur du dialogue. Un positionnement qui, en outre, reçoit souvent le soutien de certaines autorités politiques, soucieuses de maintenir la paix sociale entre les diverses populations musulmanes mais aussi avec les minorités, notamment chrétiennes. (cath.ch/imedia/hcd/bh)
Les membres du Conseil
Président: Grand Imam d’al-Azhar, le cheikh Ahmed al-Tayyeb
Secrétaire: Juge Mohamed Abdelsalam
Membres:
-Allahchukur Pachazadé, grand mufti du Caucase – Azerbaïdjan – chiite duodécimain.
-Ahmed bin Abdulaziz al-Haddad, grand mufti de Dubaï – UAE – sunnite hanbalisme.
-Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger – Niger – sunnite malikite.
-Ibrahim Saleh al-Hussaini, grand imam du Nigéria – Nigéria – sunnite malikite.
-Abdullah Nassif, chimiste et géologue – Arabie saoudite – sunnite hanbalite.
-Mohammed al-Noor Mohammed al-Hilw, grand mufti du Tchad – Tchad – sunnite malikite.
-Hassan Mahmoud el-Shafei, professeur de linguistique – Egypte – sunnite hanafite.
-Muhammad Quraish Shihab, ancien ministre indonésien et universitaire – Indonésie – sunnite chaféite.
-Sayyed Ali bin Mohamad el-Amine, mufti de Tyre et de Jabal Amel – Liban – chiite duodécimain.
-Prince Ghazi bin Muhammad bin Talal de Jordanie – Jordanie – sunnite hanafite.
-Mostafa Benhamza, président du Conseil local des oulémas d’Oujda – Maroc – sunnite malikite.
-Abdallah bin Bayyah, homme politique et religieux – Mauritanie – sunnite malikite.
-Koutoubou Sano, homme politique, ministre conseiller, spécialiste de droit et finance islamiques – Guinée – sunnite malikite.
-Zulkifli Mohamad Al-Bakri, universitaire islamique, ancien conseiller religieux – Malaisie – sunnite chaféite.
-Abdul Rahman bin Mohammed al Khalifa, président du Conseil suprême des affaires islamiques – Bahreïn – sunnite hanbalite. I.M.