Le président Emmanuel Macron était l'invité du Forum pour la paix, le 23 octobre 2022, à Rome | © Faces of the World/Flickr/CC BY 2.0
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Selon E. Macron, la religion orthodoxe est «manipulée» par la Russie

Invité au Forum de la paix organisé par l’association catholique San’t Egidio à Rome, le président français a demandé l’aide des religions pour bâtir la paix de demain, le 23 octobre 2022. Devant des responsables religieux de diverses confessions – dont un représentant du patriarcat de Moscou -, Emmanuel Macron les a exhortés à apporter une réponse que les politiques ne savent proposer: «celle de l’enracinement et celle du salut».

«Qu’est-ce que je suis allé faire dans cette galère?» C’est par cette confession que le président français Emmanuel Macron a commencé son discours dans le vaste palais futuriste de La Novula, en banlieue de Rome. Devant le président italien Sergio Mattarella et un parterre de leaders religieux, il a d’emblée convenu que c’était un «drôle de moment pour venir parler de la paix» dans ce cadre interreligieux, alors qu’il est à la tête d’une République laïque et d’une puissance dotée de l’arme nucléaire.

«La paix ne peut venir consacrer l’état du plus fort»

Dans un discours d’une trentaine de minutes, il a tenté de répondre au fondateur de la communauté San’t Egidio, Andrea Riccardi, qui, par téléphone, lui avait donné la veille pour consigne: «Dites-nous ce que vous attendez des religions en ce moment».

Faisant dans un premier temps un long développement sur le retour de la guerre en Europe, Emmanuel Macron a précisé que la paix ne peut venir consacrer l’état du plus fort, autrement dit, de la Russie. «Quand les Ukrainiens et leurs dirigeants l’auront décidé, dans les termes qu’ils auront décidé, la paix se bâtira», a-t-il ainsi insisté. Il a relevé que la paix était toujours «impure» et qu’elle devait accepter une série de déséquilibres et d’inconforts.

Les religions «peuvent beaucoup»

Dressant ensuite un panorama sombre de l’actualité – retour de la violence dans les sociétés, de la colère et des «grandes peurs»-, Emmanuel Macron a posé le diagnostic d’une «société plongée dans une forme de solitude», où les peuples ont le sentiment de perdre le contrôle de leur vie.

Face à ces défis, les religions «peuvent beaucoup» et les politiques «en ont besoin», a-t-il assuré. Alors que la défiance grandit à l’égard de la parole politique, le président a tendu la main aux religieux, confessant d’ailleurs que «les âmes des peuples ne s’administrent pas». Les religieux ont dès lors un «rôle essentiel, en tant qu’ils contribuent à la trame de nos sociétés, à ses relations entre les individus et à un rapport au temps long».

Reprenant l’esprit de son discours aux Bernardins (2018), Emmanuel Macron a rappelé «le don de sagesse» des religions, «d’engagement et de liberté». Il a ensuite considéré qu’elles et leurs responsables «ont un rôle de résistance face à la folie des temps». Cette résistance est pour lui le fait de ne «jamais justifier, être pris au piège ou soutenir des projets politiques qui viendraient asservir ou nier la dignité de chaque individu».

Devant le métropolite Antoine, «ministre des Affaires étrangères» du patriarcat de Moscou, assis au premier rang, le président français a lancé une charge sans concession: «Le devoir de résistance est essentiel (…) Nous savons tous comment la religion orthodoxe est aujourd’hui manipulée par le pouvoir russe pour justifier ses actes». Une condamnation ferme des prises de position nombreuses du patriarche Cyrille depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

«Défendre la dignité de chacun»

Pointant du doigt également les nations qui convoquent l’islam pour «justifier des projets politiques de domination», mais aussi «nos sociétés» où les religions ont été utilisées par le passé pour ces mêmes projets, il a ré-insisté sur le rôle «éminent» de la religion. Pour qu’elle assume ce rôle, les responsables religieux doivent selon lui toujours veiller à «ne jamais laisser des projets» qui pourraient la détourner de sa finalité première. Car ces projets conduiraient «au contraire» de ce que la religion défend.

Pour le président français, ce «devoir de résistance des religions» consiste finalement à «défendre la dignité de chacun» et à ne jamais répondre à «la pulsion de pureté que d’aucuns voudraient convoquer». Il recouvre aussi la défense du «respect» et «le devoir de prendre soin des plus fragiles». Il a reconnu que les religions pouvaient apporter une réponse que le politique ne saurait apporter: «celle de l’enracinement et celle du salut».

Enfin, le chef de l’État a considéré que les religions avaient «un message d’universalisme à porter», un universalisme qui vise à «bâtir cette unité de la nature humaine, et à reconnaître ce faisant, la dignité de chaque être humain». Et d’assurer: «L’universalisme est le meilleur antidote contre les relativismes contemporains». Il a glissé au fil de son discours qu’il donnerait au pape François un exemplaire du Projet de paix perpétuelle du philosophe Emmanuel Kant. (cath.ch/imedia/hl/rz)

Le président Emmanuel Macron était l'invité du Forum pour la paix, le 23 octobre 2022, à Rome | © Faces of the World/Flickr/CC BY 2.0
24 octobre 2022 | 14:23
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 3  min.
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