L'envoyé du pape en Ukraine, le cardinal Konrad Krajewski, prie au bord des tombes découvertes à Izyoum | © Vatican Media
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François: «L’Ukraine est la victime»

Lors de son voyage au Kazakhstan, du 13 au 15 septembre 2022, le pape a rencontré à huis clos les jésuites de la région, comme il le fait régulièrement lors de ses voyages à l’étranger. Comme le révèle le quotidien italien La Stampa le 28 septembre, l’essentiel des échanges a porté sur la guerre en Ukraine, le pape François expliquant son attitude dans ce conflit, qui ne doit pas selon lui être vu comme un «film de cow-boy où il y a les gentils et les méchants».

L’intégralité de la conversation du pape avec les jésuites de la région du Caucase est diffusée le 29 septembre dans la revue jésuite La Civiltà Cattolica, mais La Stampa en publie de larges extraits. C’est le Père Antonio Spadaro, directeur de la revue jésuite, qui a élaboré le compte-rendu de cet entretien qui s’est tenu le 15 septembre à la nonciature d’Astana, capitale du Kazakhstan.

«Il me semble que la volonté de Dieu soit de ne pas y aller en ce moment précis», a confié le pape François à ses frères jésuites en parlant de l’Ukraine. Il a simplement ajouté: «Mais nous verrons plus tard». Le pontife argentin avait, cet été, exprimé le vœu de se rendre en Ukraine. Certaines voix au Vatican avaient suggéré la possibilité d’un déplacement du pontife en août à Kiev.

«J’ai envoyé les cardinaux Czerny et Krajewski en Ukraine, qui ont apporté la solidarité du pape», a-t-il indiqué, citant aussi le déplacement de Mgr Gallagher dans le pays. «C’est une façon d’exprimer ma présence», a-t-il expliqué.

«Ne pas raisonner de manière simpliste sur les causes du conflit»

Revenant sur son attitude depuis l’offensive russe, en février dernier, il a tenu à rappeler ses nombreuses condamnations de l’invasion. «J’ai qualifié l’invasion de l’Ukraine comme une agression inacceptable, répugnante, insensée, barbare, sacrilège», a-t-il insisté, réfutant d’une certaine manière les mauvais procès lui reprochant une certaine timidité à soutenir clairement l’Ukraine ou à condamner la Russie.

Il est ainsi revenu sur la polémique qui a suivi sa sortie concernant l’assassinat de la Russe Daria Douguina, le 20 août dernier. «À ce moment, on a oublié tout ce que j’avais dit jusque-là et on a prêté uniquement attention à cette référence», s’est-il désolé, avant de relativiser: «Je comprends les réactions des gens, parce qu’ils souffrent beaucoup».

«L’Ukraine est la victime», a surtout rappelé le pape François dans l’entretien. Mais, comme par le passé, il a demandé de ne pas «raisonner de manière simpliste sur les causes du conflit». Il a encore fait référence à ce chef d’État venu le voir en décembre 2021. «Il était très inquiet parce que l’OTAN était allée aboyer aux portes de la Russie sans comprendre que les Russes sont impérialistes et craignent l’insécurité aux frontières», s’est-il souvenu.

Une guerre «est en cours et je crois que c’est une erreur de penser que ce soit un film de cow-boy où il y a des gentils et des méchants», a-t-il résumé, arguant qu’au-delà de la guerre entre la Russie et l’Ukraine se jouait aujourd’hui une «guerre mondiale».

«Ils m’ont apporté une liste de plus de 300 prisonniers»

Dans ses échanges avec les jésuites, le pape est aussi revenu sur son déplacement «inhabituel» à l’ambassade de Russie, au lendemain de l’invasion de l’Ukraine. «J’ai dit à l’ambassadeur que j’aimerais parler avec le président Poutine pour qu’il me laisse une petite fenêtre de dialogue», a-t-il évoqué. En mai dernier, le pape avait expliqué dans la presse italienne avoir demandé à Vladimir Poutine s’il pouvait se rendre en Russie, et ce trois semaines après le début de l’offensive. Il confiait alors ne pas avoir eu de réponse du président russe et avait dit sa crainte que «Poutine ne puisse pas et ne veuille pas faire cette rencontre en ce moment».

Aux jésuites réunis au Kazakhstan, il a par ailleurs raconté avoir reçu des invités ukrainiens dont un chef militaire qui s’occupait des échanges de prisonniers, accompagné du conseiller religieux du président Zelensky. «Ils m’ont apporté une liste de plus de 300 prisonniers. Ils m’ont demandé de faire quelque chose pour faire un échange. J’ai immédiatement appelé l’ambassadeur russe pour voir si quelque chose pouvait être fait, si un échange de prisonniers pouvait être accéléré», a-t-il rapporté, sans donner plus de détails sur la suite de l’opération.

Au sujet des atrocités commises en temps de guerre et sous les dictatures, le pape François s’est remémoré les heures difficiles traversées dans son propre pays à la fin des années 1970. «En Argentine, ils prenaient des gens, les mettaient dans un avion et les jetaient ensuite à la mer», a-t-il expliqué, s’attristant d’avoir entendu à l’époque de «braves catholiques» dire: «Ils le méritent ces communistes!». Et le pape de se lamenter: «C’est terrible quand l’idée politique dépasse les valeurs religieuses». (cath.ch/imedia/hl/rz)

L'envoyé du pape en Ukraine, le cardinal Konrad Krajewski, prie au bord des tombes découvertes à Izyoum | © Vatican Media
29 septembre 2022 | 11:59
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 3  min.
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