Valais: un chanoine abuseur a concélébré une messe d’ordination
De vives réactions ont émergé après la révélation qu’un chanoine du Grand-Saint-Bernard coupable d’abus sexuels sur mineur a concélébré la messe d’ordination d’un jeune confrère, fin août 2022, au Châble (VS). Le religieux incriminé se serait «invité» à la célébration.
Le chanoine du Grand-Saint-Bernard a avoué avoir abusé sexuellement à plusieurs reprises d’un élève de 12 ans à l’internat du collège Champittet de Pully (VD) au tournant des années 1980, a indiqué sa congrégation du Grand-Saint-Bernard en avril dernier. Sa participation à l’ordination sacerdotale d’un jeune confrère dans l’église St-Maurice du Châble a été révélée le 6 septembre 2022 par le quotidien valaisan Le Nouvelliste. Celui que le journal nomme le Père Narcisse* aurait notamment imposé les mains sur la tête du novice.
Présomption d’innocence canonique
La participation du chanoine, sous le coup d’une enquête canonique, a choqué plusieurs des personnes présentes, et au-delà. Le Père Narcisse a expliqué s’être rendu à cette messe de son plein gré, sans en avertir quiconque. Ce que confirment des responsables d’Eglise présents, dont Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion et Jean-Michel Girard, Abbé-Prévôt du Grand-Saint-Bernard.
Ce dernier a rappelé que tant que l’enquête canonique n’était pas close, son collègue pouvait continuer à participer à des cérémonies, «mais uniquement communautaires». Une catégorisation pas forcément bien définie, puisque Jean-Michel Girard précise qu’il n’aurait pas, en ce qui le concerne, «interprété cette ordination comme communautaire.» Mgr Lovey a également relevé la prévalence de la présomption d’innocence canonique. «J’aurais été plus à l’aise s’il n’avait pas été là», concède-t-il toutefois.
Victime outrée
La victime du Père Narcisse à Champittet, aujourd’hui quinquagénaire, a exprimé au Nouvelliste son indignation: «Tout cela me montre que le prêtre concerné n’a aucunement pris la mesure de la souffrance qu’il m’a fait subir. Mais cela prouve aussi que, contrairement à ce que j’avais cru, ni l’évêque ni le prévôt ne se rendent compte de la véritable gravité des actes commis par leur camarade. C’est précisément cette lâcheté ordinaire dont ils ont fait preuve en n’osant pas lui interdire d’apparaître à l’ordination, qui fait que des pédocriminels peuvent faire tant de mal tout en gardant la conscience tranquille. Sans véritable sanction, il y a rarement de véritable prise de conscience. Les autres victimes potentielles du Père Narcisse doivent maintenant se manifester. Peut-être n’y aura-t-il pas prescription dans leur cas…(le cas de Champittet est prescrit au niveau pénal, ndlr.)»
Une présence regrettable
Le chanoine ordonné le 27 août, Hugues de la Boussinière a également réagi auprès du quotidien valaisan. «J’ai découvert la présence du Frère Narcisse* à mon ordination seulement lorsqu’il a été en position de m’imposer les mains. Ce n’était alors ni le moment ni le lieu de le repousser (…) Si je l’avais aperçu avant la cérémonie, je lui aurais dit fraternellement que sa présence dans l’église en tant que prêtre n’était pas bonne.» Le nouveau prêtre ne veut cependant pas laisser ce grand moment de sa vie spirituelle se résumer à la présence de son embarrassant collègue, a-t-il assuré. (cath.ch/nouvelliste/rz)
*Prénom d’emprunt