Le canada compte nombre de figures influentes dans l'Eglise | montage © IMEDIA
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Les six grandes figures canadiennes de l’Église catholique aujourd'hui

Après l’Italie, le Canada est la nation la plus représentée au sein du collège cardinalice, au regard de sa population catholique, avec quatre cardinaux, dont deux occupent des postes très importants à la Curie. À quelques jours du grand voyage du pape François dans le pays à la feuille d’érable (24-30 juillet 2022), l’agence I.MEDIA dresse le portrait des six grandes personnalités canadiennes de l’Église actuellement.

Cardinal Marc Ouellet-préfet du Dicastère pour les évêques

Prélat souvent qualifié d’influent au sein de la Curie romaine malgré sa discrétion, «papabile» au conclave de 2013, le cardinal Ouellet est perçu comme un défenseur des dogmes. Comme archevêque de Québec de 2003 à 2010, il a provoqué diverses polémiques avec les autorités politiques locales et au sein de son propre clergé en raison de ses prises de position fermes sur l’avortement et l’euthanasie. Troisième d’une famille de huit enfants originaire de la région québécoise de l’Abitibi, il est resté proche de sa famille, bien que la réputation de son frère Paul, reconnu coupable d’actes à caractère sexuel impliquant deux adolescentes, ait entaché la sienne.

Après son ordination sacerdotale, Marc Ouellet enseigne au séminaire de Bogotà, en Colombie, où il est entré dans la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Il est ensuite professeur à Rome, puis au séminaire de Manizales en Colombie (où il fut recteur), et à celui de Montréal au Canada. Docteur en théologie, il fut un proche de Joseph Ratzinger, avec lequel il fonda en 1972 la revue Communio, pour sortir la réception du Concile Vatican II du duel stérile entre conservatisme et progressisme. Consacré évêque par Jean Paul II en 2001 en tant que secrétaire du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens et créé cardinal par le pape polonais en 2003, le prélat canadien a aussi travaillé au sein de l’Institut Jean Paul II pour la famille (Université du Latran).

Il fut l’un des proches collaborateurs de Benoît XVI, qui le nomma à la tête de la Congrégation pour les évêques – dicastère puissant chargé de la sélection des évêques – et de la Commission pontificale pour l’Amérique latine en 2010. François le maintint à ce poste, malgré les rumeurs qui annonçaient régulièrement la disgrâce d’un cardinal dont le nom est régulièrement ressorti dans des affaires de gestion de cas d’abus, notamment aux États-Unis avec le rapport McCarrick, ou encore le dossier tourmenté des dominicaines du Saint-Esprit de Pontcallec, en France.

En 2022, il organisa un symposium pour relancer la théologie du sacerdoce, alors que le synode de l’Église allemande battait son plein sur des questions débattues comme l’ordination des femmes, le mariage LGBT et le célibat sacerdotal. Ce célibat ne peut se comprendre sans la foi, estimait-il alors.

Cardinal Michael Czerny-préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral

Né en Tchécoslovaquie, le prélat canadien est l’un des jésuites de la Curie romaine devenus influents sous le pontificat du pape François. Cheville ouvrière du pontife auprès des réfugiés, il a dirigé cinq ans la section qui leur est dédiée au sein du Dicastère pour le service du développement humain intégral, avant d’être propulsé en 2022 à la tête de ce super-dicastère qui représente l’un des points névralgiques de la réforme.

capture d’écran

Le prélat est d’origine juive, sa mère a survécu aux camps de concentration. Polyglotte, celui qui se présente comme un «migrant» – ses parents ont fui le régime soviétique – a travaillé dans le domaine de la justice sociale, notamment des droits humains, de la santé (Sida), de la paix, de l’écologie, au Canada, en Amérique centrale et en Afrique. Influencé par la Théologie de la libération, il a fondé le Jesuit Centre for Social Faith and Justice à Toronto en 1979. Après l’assassinat de six de ses confrères jésuites en 1989 au Salvador, le Père Czerny est allé poursuivre leur lutte pour les droits de l’homme sur place, où il a soutenu les négociations de paix entre gouvernement et guérilla.

Il travaille au Vatican depuis 2010, après un épisode miraculeux: il fit un infarctus dans un avion en Amérique et fut sauvé in extremis grâce à l’intervention de cardiologues présents à bord et à l’atterrissage d’urgence du pilote. Pour le cardinal rescapé de peu, les années suivantes de sa vie auront été du «bonus».

À Rome, il est l’un des rédacteurs de l’encyclique Laudato si’(2015) et a été impliqué dans la rédaction de l’encyclique Fratelli tutti (2020) sur la fraternité humaine. Alors qu’il n’était que simple prêtre, le pape argentin l’a nommé cardinal électeur en 2019, créant la surprise. Moins de deux semaines après l’invasion de l’armée russe en Ukraine, il est envoyé sur place et dans les pays limitrophes par le pontife, pour soutenir les réfugiés de guerre.

Cardinal Gérald Cyprien Lacroix-archevêque de Québec

Gérald Cyprien Lacroix est né au sein d’une famille de paysans catholiques de la Beauce québécoise. Alors qu’il n’était qu’un enfant, son père a été forcé de quitter sa ferme avec sa famille pour aller trouver du travail sur la côte est américaine. Il sera le seul de sa famille à revenir au pays après un exil qui éveillera en lui une sensibilité toute particulière pour les migrants et l’importance de leur intégration. Pieux dès sa jeunesse, Gérald Lacroix affirme avoir toujours su qu’il voulait «donner sa vie pour évangéliser».

À 25 ans, devenu graphiste, il décide de prendre un congé sans solde de six mois pour partir en mission en Colombie avec l’Institut séculier Pie X, un mouvement proche de la Jeunesse ouvrière catholique très engagé dans l’évangélisation, notamment par les laïcs.

C’est là, au contact d’un enfant malade, que naît sa vocation: le prêtre local étant absent, il se voit forcé de le baptiser, un geste qui le bouleverse. Il dit avoir alors compris que «Dieu à besoin de pères pour ses enfants». De retour au Canada il rentre au séminaire. Devenu prêtre, il part pour la Colombie où il reste comme missionnaire jusqu’en 1998. «Je suis l’évêque que je suis aujourd’hui en partie grâce à mon passage en Colombie», confiera-t-il des années plus tard. Il est finalement rappelé au pays pour prendre la tête de l’Institut séculier Pie X de 2001 à 2009.

En 2009, Benoît XVI décide d’en faire un évêque auxiliaire de Québec, auprès de l’archevêque de l’époque, le cardinal Marc Ouellet, dont il prend la succession deux ans plus tard quand ce dernier est appelé à Rome pour diriger la Congrégation des évêques. Contrairement à l’actuel préfet pour qui le passage à l’archevêché de Québec s’était, de son propre aveu, mal passé, Mgr Lacroix s’intègre très bien dans la primaire du Canada.

À l’aise avec les médias – notamment les réseaux sociaux –, combatif sur les questions liées à la place de l’Église dans la société, il déclare vouloir «en finir avec l’image archaïque et dépassée de l’Église». Il appelle à être non seulement «branché sur Dieu par la prière», mais aussi «sur la réalité».

Un style qui plaît au pape François, qui l’élève à la pourpre cardinalice en 2014. Autre signe de la confiance qui règne entre les deux hommes: le pape en a fait son envoyé spécial pour gérer la crise des pensionnats pour autochtones qui a durement frappé l’Église catholique au Canada à partir de 2021. Sur cette question, l’homme fort du pontife dans la Belle Province a promptement reconnu la responsabilité de l’Église.

Cardinal Thomas Christopher Collins-archevêque de Toronto

Le cardinal Thomas Christopher Collins est depuis 2006 l’archevêque de Toronto (Ontario) et de ses deux millions de fidèles. Bien qu’ayant dépassé l’âge de la retraite (75 ans), le pape François n’a pas encore accepté sa démission. Il est connu comme un érudit et un théologien, ayant eu une vie académique longue et fructueuse, étudiant et enseignant tout ce qui touche à l’écriture sainte, à la littérature anglaise et aux études bibliques.

© Archdiocese of Toronto

Ce qui ne l’a pas empêché d’être proche de ses fidèles et de leurs besoins, par exemple en rénovant des lieux de culte, en aidant étroitement les réfugiés ou en étant membre du comité d’organisation des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Toronto en 2002, alors qu’il était à ce moment-là archevêque d’Edmonton (Alberta).

Bien que disciple du cardinal Martini, il est considéré comme plutôt conservateur sur ses positions sociales et morales, et n’a pas hésité à faire entendre sa voix sur ces questions. Il a ainsi fait campagne contre les lois sur l’euthanasie au Canada et a demandé que le personnel et les structures médicales aient la possibilité de refuser cette pratique pour des raisons de conscience.

Le cardinal Collins a également écrit une lettre directement au Premier ministre Justin Trudeau pour s’opposer à sa proposition de financer les services d’avortement à l’étranger. Le haut-religieux canadien a également exprimé ouvertement son opposition à ce que les couples divorcés reçoivent la communion. En 2015, il a fait partie des 13 cardinaux qui ont signé une lettre adressée au pape François pour lui faire part de leurs préoccupations et de leurs objections quant à la manière dont le pontife avait décidé d’organiser le Synode sur la famille. Le cardinal canadien a défendu son implication, affirmant que partager ses préoccupations avec le pape fait partie de la responsabilité d’un cardinal, et a applaudi le document final Amoris laetitia (2016), ainsi que les résultats du synode.

Le cardinal canadien a également été affecté à plusieurs missions de confiance par le Vatican. Il a fait partie des visiteurs apostoliques envoyés en Irlande par Benoît XVI en 2010, après la publication de certains rapports détaillant l’ampleur des abus sexuels dans l’Église du pays. Depuis 2014, le cardinal Collins fait également partie de la commission de surveillance des cardinaux de l’Institut pour les œuvres religieuses (IOR). Il est apparu comme plus en retrait depuis le début du pontificat de François.

Mgr Raymond Poisson-évêque de Saint-Jérôme-Mont-Laurier-président de la Conférence épiscopale canadienne

Né à Saint-Jean-Baptiste de Rouville en 1958, Raymond Poisson est issu d’une des vieilles familles de la ›Nouvelle France’. Son ancêtre, Jean Poisson, était en effet un Normand originaire de Mortagne-au-Perche, arrivé au milieu du 17e siècle. Elevé dans une famille catholique, il intègre dès son plus jeune âge le petit séminaire à Saint-Bruno, puis poursuit des études en administration avant de rejoindre Montréal pour obtenir une maîtrise de théologie. Envoyé à Rome, il obtient alors son doctorat en théologie fondamentale, avec une spécialisation en ecclésiologie, à la Grégorienne. En 1983, il est ordonné pour le diocèse de Saint-Jean Longueuil, juste à côté de Montréal, et devient secrétaire particulier de son évêque, Mgr Bernard Hubert.

© Michael_Swan/Flickr/CC BY-ND

Il est ensuite curé de deux paroisses avant d’être nommé évêque auxiliaire de Saint-Jérôme par le pape Benoît XVI en 2012. Pendant ces années, il s’occupe de l’épineuse question du patrimoine religieux canadien, en péril en raison de la forte sécularisation du pays.

Il devient aussi chapelain de l’Ordre de Malte au Canada, un engagement qui lui tient particulièrement à cœur. En témoigne la présence d’une croix de Malte dans ses armes épiscopales.

En 2015, le pape François le nomme évêque du diocèse de Joliette, au nord de Montréal, puis évêque coadjuteur de Saint-Jérôme en 2018. Il devient enfin évêque titulaire de ce diocèse au nord-est de Montréal en 2019, avant que le pontife argentin n’élargisse son territoire diocésain en l’unissant à celui du diocèse de Mont-Laurier en 2022.

Homme de terrain, proche de son territoire et ses habitants, il n’hésite pas à en faire la promotion jusqu’au Vatican, offrant par exemple au pape François une bouteille de sirop d’érable que le pontife, selon lui, apprécierait tout particulièrement.

De 2019 à 2021, Mgr Poisson a été vice-président de la Conférence des évêques du Canada, un mandat à l’issue duquel il en a été élu président jusqu’en 2023. Fin diplomate et homme de consensus, il s’est particulièrement impliqué pour gérer la crise des cimetières des pensionnats autochtones – même s’il reconnaît qu’il a peu eu à gérer cette question dans son diocèse.

C’est grâce notamment à son travail en tant que vice-président, puis comme président de la Conférence épiscopale, que le pape François a accepté de recevoir une grande délégation autochtone à Rome,  puis de se rendre au Canada en 2022. Il est aussi aux manettes quand les évêques canadiens décident de présenter leurs excuses aux autochtones en 2021, puis de mettre en place une nouvelles contribution financière pour aider les premières nations de leur pays.

Un des autres grands enjeux de sa présidence a pour l’heure été la sécularisation de son pays: sur ce point, il s’est distingué en refusant toute confrontation avec le mouvement de laïcisation des institutions québécoises, qui a par exemple mis fin à la prière inaugurale dans la Chambre des communes à Ottawa (Ontario). À la surprise de beaucoup, il a proposé à la place un moment silencieux de réflexion spirituelle.

© Archdiocese of Pembroke

Mgr Richard Smith-archevêque d’Edmonton

C’est lui qui a eu la lourde tâche d’organiser le délicat voyage du pape François au Canada: Il est natif d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, où il a passé sa jeunesse avant de rejoindre le séminaire de sa ville et d’être ordonné en 1987.

Après des études à la Grégorienne à Rome, où il obtient un doctorat en théologie sacrée, il retourne dans son diocèse où il assume notamment le poste de vicaire général et est en charge de la pastorale des francophones. ll est à la même époque professeur de théologie, ainsi que curé de trois paroisses. En 2002, Jean Paul II l’a nommé évêque de Pembroke, en Ontario. Benoît XVI le nomme archevêque d’Edmonton, la capitale de l’Alberta, en 2007. Dans cet archidiocèse, se trouve la plus grande présence autochtone du pays. Il a été président de la Conférence des évêques du Canada de 2011 à 2013. (cath.ch/imedia/cd/rz)

Le canada compte nombre de figures influentes dans l'Eglise | montage © IMEDIA
21 juillet 2022 | 12:05
par I.MEDIA
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