La mission du Comité pour les investissements du Saint-Siège commencera le 1er septembre 2022  | © Flickr/Jim McIntosh/CC BY 2.0.
Vatican

Le Saint-Siège lance un Comité pour des investissements plus éthiques

«Investir dans un endroit plutôt qu’un autre, dans un secteur productif plutôt qu’un autre, est toujours un choix moral et culturel», affirme le Saint-Siège dans un communiqué publié le 19 juillet 2022, jour de la présentation des Statuts et de la Politique de son Comité pour les investissements du Saint-Siège.

Cette institution, dont la mission commencera le 1er septembre 2022, sera en charge de toute la stratégie d’investissement dans une perspective qui se veut à la fois transparente, centralisée, éthique et rentable.

Comme annoncé dans la nouvelle Constitution apostolique Praedicate Evangelium, les institutions curiales devront désormais confier tous leurs placements financiers à l’Administration du patrimoine du Siège apostolique (APSA), la ›banque publique › du Vatican. Elles pourront soit transférer le contrôle de leurs biens directement à l’APSA, soit les transférer sur le compte ouvert par l’APSA pour chaque entité auprès de l’Institut des œuvres de religion (IOR), la ›banque privée’ du Saint-Siège.

Les entités non-curiales, par exemples celles appartenant au Gouvernorat, ne sont pas tenues de faire cette démarche, mais peuvent elles aussi confier leurs investissements à l’APSA. Tous ces investissements seront dès lors supervisés par le Comité pour les investissements du Saint-Siège. 

Les critères d’investissement du Saint-Siège

Le Comité aura dès lors pour objectif de faire respecter trois critères principaux, mis en avant dans un document intitulé ›Politique des investissements du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican’. 

D’abord, le Comité devra «garantir que les investissements ont pour but de contribuer à un monde plus juste et plus durable», notamment en faisant systématiquement respecter les normes de développement durable ESG (critères Environnementaux, Sociaux et bonne Gouvernance). Il devra aussi vérifier que les fonds sont confiés à des institutions financières »reconnues par les régulateurs officiels». 

Le Comité devra ensuite protéger «la valeur réelle du patrimoine» du Saint-Siège en s’assurant qu’un «rendement suffisant» lui permette de contribuer au financement de ses activités. Dans ce but, les investissements devront viser des activités financières de «nature productive» – investissements de trois ans minimum – et non «spéculative».

La Politique des investissements interdit un certain nombre de pratiques financières, notamment le short-selling (investissements fondés sur la baisse de la valeur de biens financiers ou sur la banqueroute d’un tiers), l’intraday (investissement à haute fréquence), les future & options markets – marché à terme et marché d’options –, et l’investissement dans les «marchés alternatifs» – par exemple les bitcoins. Dans l’ensemble, ce sont les investissements considérés à haut risque qui sont systématiquement écartés.

Enfin, le Comité devra s’assurer que les investissements financiers ne contredisent pas les enseignements de l’Église, notamment la Doctrine sociale de l’Église. Il souligne certains principes fondamentaux: le «caractère sacré de la vie», la «dignité de l’être humain» et le «bien commun». 

Laboratoires, armes, pornographie, alcool, nucléaire, pétrole…

Il insiste particulièrement sur le fait que ses investissements ne peuvent dès lors pas être liés à la pornographie, la prostitution, les jeux de hasard, les armes et l’industrie de la défense, les centres d’avortement, les laboratoires et compagnies qui fabriquent des produits contraceptifs et/ou travaillent avec des cellules souches d’embryons.

Il autorise mais décourage néanmoins les investissements spéculatifs dans les produits de consommation courante, dans l’alcool, dans le nucléaire et dans l’industrie des matières fossiles.

Pour faire respecter ces principes, le Comité pour les investissements devra aussi s’assurer de l’expérience, de la compétence technique et des «standards éthiques appropriés» des personnes qui seront en charge de gérer les investissements du Saint-Siège. Il aura également pour mission de contrôler tous les coûts dérivés des investissements. Enfin, en cas de conflit d’intérêt, le Comité devra évaluer la situation et, si nécessaire, la soumettre au Secrétariat pour l’économie. 

Un cardinal «président» et quatre experts «membres»

Le 7 juin dernier, le pape François avait nommé les membres de cette nouvelle entité, créée officiellement le 1er juin avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution apostolique Praedicate Evangelium. Présidé par le cardinal Kevin Farrell, le Comité doit être composé de quatre membres venant de quatre pays différents (en l’occurrence la Norvège, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis) et n’ayant aucun lien avec les personnes mandatées pour gérer les investissements du Saint-Siège ou avec les investissements eux-mêmes. 

Le Comité est en charge d’établir, de confirmer ou de modifier les mandats d’investissements confiés à l’APSA. Il doit aussi fournir un rapport annuel au Conseil pour l’Économie et au Secrétariat pour l’Économie et deux rapports par an au département en charge des affaires financières au Secrétariat pour l’Économie.

Pour cela, le Comité doit se réunir sur décision du président. Participent à ces réunions le président, les membres, ainsi qu’un représentant de l’APSA (son président par défaut) et un ›compliance manager’ – nommé par le préfet du Secrétariat pour l’Économie et en charge de vérifier que les investissements respectent les normes et la ›Politique des investissements’. Ces deux derniers n’ont pas de droit de vote mais disposent ensemble d’un droit de veto sur les décisions du Comité. Un représentant de l’IOR peut aussi participer, sans droit de vote.

Les entités du Saint-Siège qui confient leurs investissements à l’APSA doivent constituer une ›Délégation’ qui comporte un supérieur de l’APSA et sept représentants des plus importantes entités du Saint-Siège. Ils sont représentés au Comité par le représentant de l’APSA, à qui ils confient leurs propositions d’investissement. 

Entrée en vigueur le 1er septembre

Les statuts du Comité et sa ›Politique d’investissement’ ont été envoyés à toutes les entités du Saint-Siège par le préfet du Secrétariat pour l’Économie, le père Juan Antonio Guerrero. Les dispositions prévues dans ces deux textes entreront en vigueur le 1er septembre 2022. 

Cette nouvelle structure, la dernière pièce du grand pôle économique du Vatican mis en place par le pape François, est approuvée ad experimentum pour une période de cinq ans. Une période de moratoire est prévue pour permettre aux structures vaticanes de se conformer aux normes. (cath.ch/imedia/cd/gr)

La mission du Comité pour les investissements du Saint-Siège commencera le 1er septembre 2022 | © Flickr/Jim McIntosh/CC BY 2.0.
19 juillet 2022 | 17:23
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 4  min.
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